La France a beaucoup de problèmes, tout le monde est d&#39;accord. Mais il y a un problème que nous n&#39;avons pas : la natalité.C&#39;est cette natalité qui pourra peut-être sauver notre système de retraites. C&#39;est cette natalité qui fera de la France le pays moteur de l&#39;Europe dans quelques décennies avec le déclin annoncé de l&#39;Allemagne, dont le vieillissement freine déjà l&#39;économie &mdash; aujourd&#39;hui nous imaginons que l&#39;Allemagne est le pays dominant de l&#39;Europe, mais sa démographie annonce un avenir différent.Cette natalité est un des résultats d&#39;un des piliers de l&#39;exception française et de l&#39;Etat-providence construit après la guerre. En effet, l&#39;Etat-providence construit après la Libération avait trois piliers : l&#39;assurance maladie ; la redistribution ; et la politique familiale.L&#39;assurance maladie permet l&#39;accès de chacun au soin. La redistribution permet de réduire les inégalités et de permettre un niveau de vie minimum aux plus pauvres. Et la politique familiale, au niveau de chaque individu, permet à chacun de construire une famille, ce qui est pour de nombreuses personnes un élément essentiel de la vie, mais aussi au niveau de la société entière, favorise la natalité et donc non seulement la grandeur nationale, mais aussi la pérennité de tout le système.En effet, comme chacun le sait, un Etat-providence aussi généreux que le nôtre ne peut pas exister sans un certain équilibre entre les générations, et sans un certain nombre de travailleurs pour payer les impôts pour financer l&#39;ensemble, et donc sans un certain nombre d&#39;enfants qui deviendront des futurs travailleurs.On en arrive donc à la décision prise par le gouvernement de moduler les allocations familiales. Cette décision est tout simplement désastreuse.En effet, si vous avez suivi jusqu&#39;à présent, les allocations familiales ne sont pas le même pilier que la redistribution. La redistribution sert à &ldquo;lisser&rdquo; les inégalités entre les diverses classes sociales. Les allocations familiales, a contrario, servent à lisser les inégalités entre familles avec enfants et familles sans enfants au sein d&#39;une même classe sociale. Ce sont deux objectifs complètement différents.C&#39;est bien de vouloir combattre les inégalités - c&#39;est pour cela que la France a un barême d&#39;impôt sur le revenu progressif et des aides sociales. Si ce système ne fonctionne pas bien, il faut le modifier. S&#39;il y a trop d&#39;inégalités, on peut augmenter les impôts, ou augmenter les aides sociales, ou les deux.Mais c&#39;est un objectif complètement différent de celui des allocations familiales, qui permet à une famille donnée de choisir d&#39;avoir des enfants sans être pénalisée économiquement par ce fait. C&#39;est aussi un objectif de justice sociale. Au niveau individuel, parce qu&#39;avoir des enfants est une des plus grandes joies de la vie humaine. Et au niveau collectif, parce que cela soutient la natalité française qui, à son tour, soutient l&#39;édifice de notre Etat-providence.Ça semble frappé au coin du bon sens de vouloir palfonner ou moduler les allocations familiales, mais c&#39;est une idée d&#39;une très grande myopie et qui, en réalité, frappe au coeur du système de solidarité à la française inventé à la Libération, et un des aspects de ce système qui fonctionne le mieux.Peut-être qu&#39;il faut le changer. Peut être qu&#39;il faut complètement repenser notre système. Pourquoi pas. Débattons. Mais ce n&#39;est pas pour cela que le gouvernement veut moduler les allocations familiales. C&#39;est juste, sans aucune réflexion, pour faire des économies à la petite semaine et pour conforter sa majorité. Et ça, c&#39;est inexcusable.

Allocations familiales : comment le gouvernement sacrifie l'exception française

Le nettoyeur

Cette note a initialement été publiée sur le site de<a class="Colorbox" href="http://www.generationlibre.eu/notes/une-autre-politique-familiale-est-possible/" style="font-size: 12px;" target="_blank">&nbsp;Génération Libre</a>C&rsquo;est devenu un grand classique de la période budgétaire. Chaque gouvernement se demande comment réaliser des économies sur la politique familiale, sans jamais interroger son principe, alors que la Nation y consacre 3% de son PIB. La décision de moduler les allocations familiales, prise par le gouvernement le 16 octobre, complexifie l&rsquo;architecture générale du système en ajoutant encore à la confusion des objectifs.Que des solutions de garde diversifiées soient déterminantes dans la capacité des parents à exercer des choix rationnels est une évidence. En revanche,&nbsp;les diverses aides monétaires accordées aux familles, et singulièrement le quotient familial, sont beaucoup plus contestables.&nbsp;En effet, la corrélation entre allocations familiales et taux de natalité a été invalidée par de nombreux chercheurs, tels que récemment Camille Landais. Les exemples étrangers tendent à confirmer cette impression d&rsquo;aléa&nbsp;: l&rsquo;Allemagne consacre des fortunes aux allocations familiales sans parvenir à redresser son taux de natalité, tandis que l&rsquo;inverse est vrai aux Etats-Unis. Nulle part on n&rsquo;observe que des parents décideraient de leur nombre d&rsquo;enfants pour toucher de l&rsquo;argent&nbsp;!Il faut inverser la logique actuelle&nbsp;:&nbsp;plutôt que financer la famille pour qu&rsquo;elle puisse garder son train de vie avant enfants[1], financer l&rsquo;enfant (par le truchement de ses parents) pour que le minimum nécessaire à son éducation soit garanti.<h3 class="s2">UNE VISION D&rsquo;ENSEMBLE</h3>Reprenons et clarifions les termes du débat.On peut décomposer l&rsquo;aide financière apportée aux familles en trois blocs : les aides universelles apportées à toutes les familles indépendamment du niveau de leurs ressources financières ; les aides réservées aux familles démunies ; les avantages fiscaux réservés aux familles aisées.&nbsp;Le bloc commun est constitué des allocations familiales et des majorations pour âge, qui jusqu&rsquo;à présent ne dépendent aucunement du niveau de ressources des parents. Les familles démunies et modestes bénéficient d&rsquo;un différentiel de RSA par enfant, de l&rsquo;allocation de rentrée scolaire et du complément familial à partir du troisième enfant. L&rsquo;avantage fiscal est constitué par le quotient familial, dont l&rsquo;effet est plafonné à 1500 euros par an pour le premier et le deuxième enfant, à 3000 euros annuels par enfant à partir du troisième. Pour être exhaustif, mentionnons également l&rsquo;existence pour les fonctionnaires d&rsquo;un supplément familial de traitement (SFT) qui est versé sur la fiche de paye des parents en fonction du nombre d&rsquo;enfants.Le niveau des allocations familiales, comme du RSA, dépend du nombre d&rsquo;enfants. Les premières évoluent entre zéro pour un enfant unique et 166 euros mensuels par enfant à partir du troisième, le différentiel de RSA est de 153 euros pour le premier enfant d&rsquo;un couple, de 255 euros pour le premier enfant d&rsquo;une personne seule, de 38 euros pour le troisième enfant. Des règles pas totalement intuitives commandent la coexistence des diverses allocations, sans oublier d&rsquo;y ajouter des considérations sur l&rsquo;éventuelle perception d&rsquo;aides au logement&hellip;Le rapport&nbsp;<a href="http://www.generationlibre.eu/etudes/liber-un-revenu-de-liberte-pour-tous/" style="font-size: 12px; line-height: 1.5;" title="LIBER, un revenu de liberté pour tous">LIBER, un revenu de liberté pour tous,</a>&nbsp;disponible sur le site Internet de GenerationLibre, détaille une partie de ces calculs et explique que&nbsp;l&rsquo;aide publique évolue entre 50 euros pour l&rsquo;enfant unique d&rsquo;une famille des classes moyennes et 400 euros par enfant à partir du troisième d&rsquo;une famille aisée. Pour l&rsquo;ensemble des familles, l&rsquo;aide moyenne par enfant est de l&rsquo;ordre de 200 euros par mois.Nous souhaitons corriger le tableau un peu fantaisiste publié par l&rsquo;iFRAP le 09/10, en affichant les montants annuels des trois catégories d&rsquo;aides financières en fonction du revenu net imposable, pour des couples avec trois enfants. Les deux dernières lignes, correspondant à des revenus plus élevés, sont dupliquées pour montrer l&rsquo;impact de la réforme décidée par le gouvernement le 16 octobre.<a class="Colorbox" href="http://static.v3.atlantico.fr/sites/default/files/staging/import/ufile/sites/atlantico.fr/files/u65387/2014/10/gl1_0.jpg" target="_blank"><img alt="" src="http://static.v3.atlantico.fr/sites/default/files/staging/import/ufile/sites/atlantico.fr/files/u65387/2014/10/gl1.jpg" style="width: 480px; height: 236px;" /></a>Cliquez pour agrandir le tableauOn constate que pour trois enfants,&nbsp;un couple de revenus élevés comptant au moins un agent de la fonction publique perçoit actuellement un avantage financier annuel de presque 13.000 euros&nbsp;alors qu&rsquo;un couple au RSA est limité à moins de 7.000 euros. Après la réforme, l&rsquo;écart est généralement fortement réduit, sauf pour les fonctionnaires qui bénéficient toujours d&rsquo;un avantage de 3370 euros.&nbsp;<h3 class="s2">LE QUOTIENT FAMILIAL</h3>Si les familles nombreuses aisées sont actuellement les plus avantagées financièrement, cette situation est due au quotient familial.&nbsp;La ligne de défense traditionnelle du lobby familial consiste à évoquer une &laquo; justice fiscale &raquo; qui commanderait qu&rsquo;un &laquo; taux d&rsquo;effort &raquo; (par rapport à l&rsquo;impôt) soit identique entre familles aisées, quelles que soit leur nombre d&rsquo;enfant. Illustrons cela avec un exemple chiffré.Un couple sans enfant déclarant un revenu annuel de 200.000 euros acquitte actuellement un impôt d&rsquo;environ 50.000 euros. Son &laquo;&nbsp;taux d&rsquo;effort&nbsp;&raquo; est de 50.000 x 1,5 / 200.000 = 37,5%. Dans ce calcul, le coefficient 1,5 est très important : il représente le poids de consommation du couple comparativement à une personne seule, ce que les statisticiens décrivent dans leurs &laquo;&nbsp;échelles d&rsquo;équivalence&nbsp;&raquo;. Un couple avec trois jeunes enfants se verra lui affecté d&rsquo;un coefficient de 2,4[2].En appliquant la logique des défenseurs d&rsquo;une &laquo;&nbsp;justice fiscale&nbsp;&raquo; qui arguent d&rsquo;un &laquo;&nbsp;taux d&rsquo;effort&nbsp;&raquo; inchangé selon le nombre d&rsquo;enfants, il faudrait calculer l&rsquo;impôt de la famille de 3 enfants en appliquant le taux de 37,5% au revenu de 200.000 divisé par le coefficient 2,4. Soit 31.000 euros d&rsquo;impôt annuel. Par rapport aux 50.000 du couple sans enfant, la réduction d&rsquo;impôt serait de 19.000 euros annuels, ou encore quelques 500 euros par mois, pour chaque enfant. En appliquant la même formule à un revenu annuel d&rsquo;un million d&rsquo;euros, le &laquo;&nbsp;taux d&rsquo;effort&nbsp;&raquo; d&rsquo;un couple sans enfant serait de 63%, ce qui donnerait lieu pour trois enfants à une réduction d&rsquo;impôt de 4.400 euros par mois, pour chacun&hellip; un spectaculaire cadeau fiscal&nbsp;!L&rsquo;erreur de méthode est d&rsquo;utiliser les échelles d&rsquo;équivalence à des fins normatives, alors qu&rsquo;elles ne sont qu&rsquo;empiriques, qu&rsquo;elles ne peuvent pas décider ce qui doit être, mais qu&rsquo;elles tentent seulement de rendre compte, imparfaitement, d&rsquo;observations d&rsquo;une diversité infinie.Plus fondamentalement, on voit bien l&rsquo;absurdité d&rsquo;un raisonnement qui veut corriger des injustices fiscales (ou ressenties telles) par une politique familiale redistributive&nbsp;! Et ainsi donner à chacun &laquo;&nbsp;selon ses besoins&nbsp;&raquo;&hellip; sauf que les besoins ne seraient pas identiques pour tous&hellip;<h3 class="s2">L&rsquo;ETAT DOIT-IL FAIRE DES DIFFÉRENCES ENTRE LES ENFANTS ET LES FAMILLES&nbsp;?</h3>Des différences entre les enfantsUne autre curiosité de nos outils de politique familiale est le renforcement des aides à partir du troisième enfant. Justifié par le &laquo;&nbsp;mythe incitatif&nbsp;&raquo; que des parents de deux enfants décideraient de mettre au monde un troisième enfant pour bénéficier d&rsquo;aides supérieures, ou par la &laquo;&nbsp;compassion statistique&nbsp;&raquo; que l&rsquo;arrivée d&rsquo;un troisième enfant nécessite parfois de changer d&rsquo;appartement ou de voiture, ce biais permet surtout de maintenir des aides extrêmement faibles pour les familles d&rsquo;enfants uniques des classes moyennes, ce qui présente un avantage budgétaire évident (alors que la plupart des pays allouent les aides dès le premier enfant).De fait, il est&nbsp;difficile de justifier le différentiel d&rsquo;aides (au demeurant variable et peu compréhensible) entre les enfants. Chaque enfant a les mêmes besoins, et le législateur ne peut certainement entrer dans le détail des économies d&rsquo;échelle que chacun choisit (ou non) de faire. Le Parlement va-t-il comparer le prix des lits superposés et du mètre carré&nbsp;?Des différences entre les famillesReprenons l&rsquo;exemple de notre famille dont le revenu annuel atteint 200.000 euros. S&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;un salaire, on peut noter que l&rsquo;employeur acquitte une cotisation de 5,25% du brut, finançant les allocations familiales. Dans cet exemple, elle s&rsquo;élève à quelque 1.000 euros par mois. Ce ménage cotise donc à hauteur significative pour la politique familiale. Qu&rsquo;il ait des enfants ou pas n&rsquo;importe aucunement&nbsp;: ce prélèvement contribue à la redistribution verticale, mais pas aux transferts horizontaux entre familles de compositions différentes. A l&rsquo;extrême opposé, une famille au RSA ne cotise pas financièrement à la politique familiale.&nbsp;Ainsi, il n&rsquo;existe&nbsp;aucun lien entre niveau des cotisations acquittées et allocations perçues, ce qui est tout à fait normal&nbsp;: si chacun s&rsquo;attendait à recevoir autant qu&rsquo;il donne, ce serait la définition d&rsquo;une tirelire, pas d&rsquo;une politique publique.Mais ne faut-il pas alors aller plus loin et, suivant cette logique, réfuter tout lien entre niveau de vie de la famille et allocations perçues&nbsp;?&nbsp;Dans cette mesure, chaque enfant, quel que soit le revenu de ses parents, devrait se voir allouer la même somme correspondant aux besoins de base de son éducation.<h3 class="s2">UN FORFAIT UNIQUE PAR ENFANT</h3>Oui, il existe une issue simple et efficace au conflit récurrent droite-gauche sur la politique familiale. Elle consiste à&nbsp;remplacer la complexité de mécanismes apportant des réponses diverses, incohérentes et opaques, par la distribution d&rsquo;une somme forfaitaire par enfant mineur à tous les parents&nbsp;&ndash; définie selon les besoins de l&rsquo;enfant, pas selon le niveau de vie de la famille. Il s&rsquo;agit moins d&rsquo;encourager la natalité que de garantir que les besoins de base d&rsquo;éducation sont couverts, avec un mécanisme universel pour éviter les effets de seuil.Ce montant forfaitaire se substituerait à l&rsquo;ensemble des mécanismes évoqués&nbsp;: allocations familiales, complément familial, différentiel de RSA par enfant, quotient familial, voire allocation de rentrée scolaire ou même supplément familial de traitement. Son versement pourrait être assuré par les allocations familiales, en simplifiant radicalement leurs prestations, ou mieux, par l&rsquo;administration fiscale qui gère déjà un fichier exhaustif de l&rsquo;ensemble de la population.Supprimant le mécanisme du quotient familial, les familles nombreuses aisées cesseraient d&rsquo;être avantagées, ce qui satisferait la revendication de la gauche.Adoptant un forfait par enfant, indépendant de la situation financière de ses parents, il n&rsquo;y aurait plus aucune confusion entre &laquo;&nbsp;politique familiale&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;politique sociale&nbsp;&raquo;, ce qui donnerait satisfaction à la droite.Une société où toutes les familles pourraient élever leurs enfants dignement, sans assistanat ni paternalisme, est à portée de main. 1]&nbsp;Ce que soutient explicitement Bertrand Nouel, par exemple, dans une récente note pour l&rsquo;iFRAP&nbsp;: il faudrait ainsi reconnaître&nbsp;&laquo;&nbsp;aux riches le droit de faire bénéficier leurs enfants des mêmes conditions matérielles de vie que celles dont ils jouissent&nbsp;&raquo;. http://www.ifrap.org/L-inacceptable-proposition-du-PS-sur-les-allocations-familiales,14456.html[2]&nbsp;selon l&rsquo;échelle OCDE préconisée par l&rsquo;INSEE&nbsp;&nbsp;

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Comment repenser complètement la politique familiale plutôt que de la dépecer

Chacun sa part du gâteau

Comment repenser complètement la politique familiale (plutôt que de la dépecer en dépit de toute logique)

Le Nettoyeur

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Allocations familiales : comment le gouvernement sacrifie l'exception française à une politique d'économies à la petite semaine

Dans le schéma politique français et de celui de la plupart des démocraties riches modernes, c'est la gauche qui est le bord qui favorise le plus d'immigration et la droite qui favorise le moins.Un argument souvent abordé par la droite est qu'un pays riche ne peut pas “accueillir toute la misère du monde.” L'idée est qu'un pays riche, précisément parce qu'il est riche, s'il ouvrait ses frontières, attirerait tellement d'immigrés qu'il en perdrait sa richesse. Et d'ailleurs, rajoutent parfois les opposants à l'immigration, tous les pays contrôlent leurs flux migratoires. Non, il n'est pas possible d'accueillir toute la misère du monde.Ah bon ? Est-ce impossible ?De fait, on constate, dans l'histoire, qu'il y a eu un pays qui a accueilli la misère du monde : ce pays c'est les Etats-Unis. Pendant la majeure partie du 19ème siècle, les Etats-Unis avaient une politique de frontières complètement ouvertes. N'importe qui pouvait venir. Il y a eu une ou deux lois visant à restreindre l'immigration via des quotas géographiques (qui étaient en réalité des quotas raciaux déguisés), mais ces quotas étaient limités et les lois étaient d'ailleurs presque pas appliquées car pas applicables pour un pays avec des frontières gigantesques et une technologie du 19ème siècle. Même avec les quotas, jusqu'au début du 20ème siècle, malgré les exceptions, la règle générale restait celle de l'ouverture des frontières.Force est de constater que cette ouverture des frontières a fait la force des Etats-Unis et la vitalité de son économie. Ces millions d'immigrés, dans une nation à l'époque peu peuplée, ont été un “dopant” pour l'économie américaine, qui a eu des performances économiques nettement supérieures à celles de l'Europe dès la fin du 19ème siècle.Force est également de constater que cette ouverture des frontières n'a pas empêché l'intégration. On parle d'un “modèle communautariste” américain, à l'opposé du supposé “modèle intégrationniste” français, mais c'est oublier que, premièrement, la rhétorique politique de l'époque était clairement intégrationniste et que, deuxièmement, ce “modèle” était moins un modèle consciemment adopté que le résultat d'une véritable déferlante. Sur le court terme, d'un point de vue d'intégration, ça faisait peur à voir : les Chinatown et Little Italy et Little Odessa dans chaque ville, où l'on ne parle pas anglais, avec les drapeaux des pays d'origine aux fenêtres et pas les drapeaux américains. Des films comme Le Parrain 2 et Gangs of New York montrent bien comment ce communautarisme, combiné à la quasi inexistence des services publics, a fait le terreau de la criminalité organisée.Et pourtant... Et pourtant, plusieurs décennies après, que constate-t-on ? Tous ces groupes d'immigrés sont aujourd'hui parfaitement intégrés à la société américaine. Les italo-américains, sino-américains, judéo-américains, irlandais américains, etc. sont parfaitement intégrés, économiquement, socialement, culturellement, linguistiquement. “Little Italy” est aujourd'hui une attraction touristique où on sert des pizzas et pas un ghetto criminalisé.Est-ce à dire qu'il faut tout de suite ouvrir les frontières de l'Europe aux immigrés de tout bord ?Pas nécessairement. Car il est facile de se rendre compte que l'Amérique du 19ème siècle n'est pas l'Europe du 21ème siècle.Il y a notamment une différence, une différence de taille, et une différence qui est un paradoxe pour la gauche.En effet, la raison principale pour laquelle les Etats-Unis pouvaient “se permettre” d'accueillir “toute la misère du monde” était... leur absence d'Etat-providence.De nombreux travaux économiques suggèrent fortement que l'immigration est positive pour l'économie dans la mesure où les immigrés sont des compléments aux travailleurs locaux et pas des concurrents.Mais ce n'est pas être lepéniste de remarquer l'idée évidente que si demain la France (ou la Grande-Bretagne ou l'Italie ou l'Allemagne...ou les Etats-Unis) décide d'accueillir des millions de migrants des nations les plus pauvres du monde, le stress sur le système social sera énorme. Le problème n'est pas d'un coût économique ou “d'intégration”, mais d'un coût fiscal.Comprenez-moi bien : je ne dis pas qu'”il ne faut pas accueillir la misère du monde” ou que les immigrés sont tous des assistés. Simplement que si on a un système qui dit d'un côté que les pauvres ont droit à beaucoup de prestations sociales (parfaitement défendable moralement et économiquement) et de l'autre que tous les pauvres du monde peuvent s'établir dans ce système (tout aussi défendable moralement et économiquement), le coût fiscal sera nécessairement très élevé.La différence, c'est l'Etat-providence. Et, comme le faisait remarquer Milton Friedman, ça pose un problème idéologique sérieux à la gauche. Puisque c'est la gauche qui est partisane de protections sociales importantes et que c'est aussi la gauche qui est partisane d'une immigration importante. Mais ces deux objectifs sont en tension l'un avec l'autre.On se retrouve avec le paradoxe suivant : si le principe de votre engagement est l'humanitarisme et que vous considérez que la politique publique d'un Etat doit être d'abord orientée vers le fait d'aider le plus possible ceux qui sont les plus pauvres, vous devrez être partisan de la destruction de l'Etat-providence et de l'ouverture des frontières qu'elle permet. Un somalien sera infiniment mieux dans une France sans Etat-providence que dans une Somalie où de toute manière il n'y en a pas. Et un bénéficiaire français du RSA est un grand privilégié par rapport à un somalien lambda. Et vouloir augmenter le RSA (ou toute autre protection sociale) et ainsi réduire l'immigration que le pays peut supporter, c'est dans un sens très concret victimiser les populations les plus pauvres de la planète au profit de populations qui sont pauvres par rapport à leur pays mais très riches par rapport au reste du monde.C'est un paradoxe dont la gauche avait conscience, à une certaine époque, car les classes ouvrières, qui sont les plus exposées à la concurrence d'immigrés, tout en étant de gauche, étaient opposées à l'immigration. Mais depuis deux décennies, la gauche française s'est coupée de la classe ouvrière, reposant sur une coalition, pour résumer, de petits fonctionnaires qui n'ont rien à perdre de l'immigration puisque leur statut est protégé et de bobos qui ont a gagner de l'immigration, puisqu'ils sont grands consommateurs de services à la personne dont les prix baissent du fait de l'immigration. Et, évidemment, la gauche cherche à recevoir les voix de l'électorat issu de l'immigration.Si le paradoxe “politique” est affaibli, le paradoxe intellectuel reste entier. La fidélité aux valeurs de la gauche, la vraie, c'est peut être de vouloir la fin de l'Etat-providence...

Le Paradoxe au coeur de la vision de gauche sur l'immigration

Le paradoxe au cœur de la vision de gauche sur l'immigration