Loi renseignement : de dangereuses conséquences pour l'économie française <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Des membres de l'Etat Islamique.
Des membres de l'Etat Islamique.
©Reuters

Le Nettoyeur

La loi renseignement visant à lutter contre le terrorisme peut avoir un impact très négatif sur l'économie française, faisant notamment fuir les investisseurs peu désireux de se savoir espionnés.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

Voir la bio »

Le Parlement étudie en ce moment le projet de loi sur la lutte contre le terrorisme. Ce projet de loi comprend notamment des provisions donnant de très larges pouvoirs à l'Etat pour espionner nos communications électroniques. Cet aspect pose évidemment de sérieux problèmes du point de vue des libertés publiques, mais quelles en seront les conséquences économiques ?

Il y a une première série de conséquences d'ordre direct : celles sur l'investissement. Dorénavant, les investisseurs étrangers sauront que s'ils s'installent sur le territoire français, ils seront susceptibles d'être espionnés. Dorénavant, les clients étrangers sauront que s'ils achètent auprès d'équipementiers français (Alcatel, Gemalto...), ils seront susceptibles d'être espionnés.

Ce n'est pas théorique. Après les révélations d'Edward Snowden sur les programmes de la NSA, de nombreux exportateurs de haute technologie américains comme Cisco et Google ont rapporté qu'ils avaient perdu des contrats de ce fait. OVH, leader français de l'hébergement, a annoncé qu'il allait construire des data centers hors de France pour pouvoir garantir à ses clients qu'ils ne seront pas espionnés par les services de renseignement français.

Mais il y a également des conséquences d'ordre indirect, et celles-ci peuvent être plus grave. En effet, la chose qu'on oublie le plus souvent à propos de l'économie de marché est qu'il ne s'agit pas d'une institution économique, mais d'une institution culturelle. Une économie de marché n'a pas simplement besoin de certaines politiques publiques ou de certaines lois, mais également d'un sous-jacent culturel, lié au respect de la parole donnée, à la volonté de travailler ensemble et ainsi de suite. La Russie des années 1990 est l'exemple même d'une société avec les structures théoriques de l'économie de marché sans les sous-jacents culturels : ce fut un échec total.

Que dire d'une société qui accepte ainsi de se laisser espionner par son Etat et de laisser ainsi négocier ses libertés publiques ? Cet état de fait culturel n'a pas seulement des conséquences culturelles, sociales ou politiques, mais également économiques. Une société qui accepte une telle mainmise de l'Etat ne verra-t-elle pas, petit à petit, au fur et à mesure, s'éroder une série d'institutions sociales, comme la valeur de l'individu ou la valeur des contrats privés, érosion qui mettra à son tour à mal l'économie de marché ?

Sur d'autres sujets, des ouvrages comme "Le Capitalisme d'héritiers" ou "La Logique de l'honneur" montrent bien comment la culture peut affecter l'économie et le management d'une société donnée et handicaper ou au contraire favoriser son dynamisme économique. L'économie de marché s'accomode parfois du servage sur le court-terme, mais il n'est pas dit qu'elle puisse le faire sur le long-terme sans se consumer elle-même.

Ce sujet n'est peut être pas le plus fondamental lié à ce projet de loi, mais il n'est jamais évoqué, et mérite de l'être.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !