David Cameron a été réélu après avoir promis à son électorat un référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l&#39;Europe, ce qui fait évidemment paniquer, non seulement à Bruxelles et à Berlin, mais également dans tous les milieux financiers et des médias des capitales internationales.Alors : est-ce que le Royaume-Uni devrait quitter l&#39;Union européenne ?La question à poser ne serait-elle pas plutôt : pourquoi ne devrait-il pas quitter l&#39;UE ?Quel intérêt aujourd&#39;hui pour un pays de rester dans l&#39;UE ?Le Royaume-Uni a la chance d&#39;avoir refusé la monnaie unique, ce qui lui a permis une politique monétaire active et appropriée à sa propre situation, et a contribué à sa relance et sa sortie de crise actuelle.L&#39;avantage économique principal d&#39;être membre de l&#39;UE, c&#39;est l&#39;espace économique européen, et tout ce qui s&#39;y raccroche, notamment le libre-échange des biens et des services. Mais les pays limitrophes de l&#39;Europe comme la Norvège et la Suisse ont également accès à cet espace économique, sans être membres de l&#39;UE, et s&#39;en portent très bien.A rajouter à cela les dizaines de milliers de pages de réglementation imposées par Bruxelles au Royaume-Uni. Pourquoi celui-ci devrait-il s&#39;y soumettre ?Le fait que le Royaume-Uni pourrait quitter l&#39;UE serait d&#39;ailleurs aussi dans l&#39;intérêt de l&#39;UE.De la France, en tous les cas - après tout, une fois le Royaume-Uni parti, la France pèserait bien plus, et il ne resterait plus que le couple Franco-allemand dans l&#39;UE. (Le général de Gaulle l&#39;avait bien compris...)Mais, pourquoi pas, également de l&#39;UE. Après tout, il est possible d&#39;imaginer un avenir où le Royaume-Uni, amené à libéraliser de plus en plus son économie à l&#39;extérieur de l&#39;UE, deviendrait un peu à l&#39;UE ce que Hong Kong fut à la Chine : un exemple qui pousse le continent à se remettre en question et à se réformer.Avoir un tel &ldquo;tigre&rdquo; juste à côté de soi serait forcément bon pour l&#39;UE, puisqu&#39;il s&#39;agirait d&#39;un de ses principaux partenaires commerciaux.Mais surtout, le départ du Royaume-Uni de l&#39;UE permettrait à beaucoup de gens de se poser de nouvelles questions. Et notamment aux instances dirigeantes de l&#39;UE de réfléchir à ce qu&#39;ils apportent à leurs membres, et à ce qu&#39;ils devraient changer pour que le projet soit pérenne...

Pourquoi le Royaume-Uni a intérêt à quitter l'Union européenne

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En démocratie, les débats se déroulent souvent entre deux côtés qui semblent opposés mais sont en réalité d&#39;accord sur une position fondamentale, que l&#39;opposition ne sert qu&#39;à masquer. Et à son tour, cette position est une position que tout le monde sait fausse.En France, rien n&#39;est plus emblématique de ce phénomène que les débats sur l&#39;Education nationale.Le débat actuel sur la réforme du collège en est un exemple principal. En surface, s&#39;opposent plusieurs visions de l&#39;Education nationale. En réalité, il y a un accord profond sur une thèse : il est possible de réformer l&#39;éducation nationale. Les partisans de la réforme pensent que cette réforme aura un certain effet. Les opposants proposent des contre-réformes.Mais ce que chacun sait, c&#39;est qu&#39;il est impossible de réformer l&#39;Education nationale. Ce paquebot se dirige tout seul depuis la fin des années 1960, et jamais aucun ministre de l&#39;Education nationale n&#39;a réussi a vraiment changer son cap.Il y a, à l&#39;heure actuelle, grosso modo, trois visions de l&#39;éducation représentées dans le débat public : celle que j&#39;appellerais &ldquo;traditionnaliste&rdquo;, &ldquo;progressistes&rdquo;, et &ldquo;productiviste.&rdquo;Pour les productivistes, c&#39;est très simple : l&#39;école sert à inculquer des compétences qui permettront aux élèves d&#39;acquérir un emploi, et plus généralement d&#39;être productifs économiquement. Ces gens-là préfèrent mettre l&#39;accent sur l&#39;enseignement des sciences, de l&#39;économie (version néo-libérale de préférence) et de la gestion, de l&#39;informatique, des langues étrangères (surtout l&#39;anglais), et sur l&#39;apprentissage, les stages et autres expériences &ldquo;de la vraie vie&rdquo;.Pour les progressistes, l&#39;école sert à inculquer les valeurs progressistes, bien sûr, et aussi à aider l&#39;épanouissement personnel de l&#39;élève, vu comme plus important que l&#39;acquisition &ldquo;brute&rdquo; de faits et de données. Ils ont tendance à mettre l&#39;accent sur des méthodes pédagogiques &ldquo;douces&rdquo; (quelques soient leurs résultats), et à veiller avec force sur le contenu des programmes pour qu&#39;il véhicule leur idéologie.Pour les traditionnalistes, l&#39;école sert à deux choses. Premièrement, à inculquer des valeurs vues comme nécessaires à la vie en société, notamment le respect de l&#39;autorité et des règles. Deuxièmement, à transmettre plus des savoirs que des compétentes. Ils mettent l&#39;accent sur les matières &ldquo;dures&rdquo; et traditionnelles comme les maths, le français (Racine, pas Boris Vian, s&#39;il-vous-plaît) et le latin, l&#39;acquisition des &ldquo;fondamentaux&rdquo;, la sélection par les notes, et des mesures symboliques, comme le fait de se lever lorsque l&#39;instituteur entre dans la salle.C&#39;est exactement le débat qu&#39;on voit autour de la réforme du collège. Ces désaccords sont réels. Mais quel est l&#39;accord profond sous-jacent ? L&#39;accord profond sous-jacent est qu&#39;il existe un modèle d&#39;éducation idoine et que toutes les écoles doivent s&#39;y conformer. Les trois camps sont d&#39;accord : si seulement ils avaient le pouvoir de décider centralement de comment serait faite l&#39;école, tout irait mieux.Ces modèles sont également incroyablement étroits. Personne (ou presque) ne doute plus que les méthodes desdits &ldquo;pédagogistes&rdquo; aient eu un effet désastreux. Mais l&#39;école &ldquo;à la Papa&rdquo; est-elle vraiment la solution ? Ceux qui sont en vue dans les médias ont ceux qui ont bénéficié de ce système autoritaire, qui permet aux enfants qui rentrent dans son moule d&#39;apprendre et de réussir, mais qui laisse aussi sur le bas-côté un très grand nombre d&#39;enfants qui ont un caractère et un &ldquo;style&rdquo; d&#39;apprentissage différents.On peut imaginer d&#39;autres modèles. L&#39;éducation Montessori, qui ne rentre dans aucun moule, a fait ses preuves depuis des décennies avec des enfants de milieux défavorisés, à la fois du point de vue des connaissances et de l&#39;épanouissement personnel, y compris dans des études très rigoureuses. Aux Etats-Unis, les écoles KIPP fournissent des résultats époustouflants avec les enfants issus de milieux défavorisés grâce à un coaching intensif par des éducateurs jeunes et triés sur le volet. Khan Academy, école en ligne, promeut le modèle de la &ldquo;classe inversée&rdquo; : au lieu d&#39;apprendre à l&#39;école et faire les exercices à la maison, l&#39;élève apprend à la maison par viédo, et fait les exercices à l&#39;école, où l&#39;instituteur peut avoir le plus d&#39;impact et apporter une aide personnalisé à chacun selon son rythme. Certaines écoles font passer nos &ldquo;traditionnalistes&rdquo; pour des fieffés gauchistes en mettant uniquement l&#39;accent sur les classiques et en enseignant le latin et le grec dès le plus jeune âge. L&#39;école Sudbury est gérée uniquement démocratiquement, avec une voix par élève et par instituteur, y compris pour les budgets et le recrutement des enseignants. Altschool est une start-up qui se propose d&#39;utiliser l&#39;informatique et le Big Data pour proposer à chaque élève, en collaboration avec les parents, un parcours personnalisé.Est-ce qu&#39;un de ces modèles est &ldquo;le&rdquo; modèle miracle ? Aucun. Tous.Peut être est-ce ça le vrai modèle : reconnaître que les enfants sont des êtres humains à part entière, et que ce qui vaut pour l&#39;un ne vaut pas pour l&#39;autre. Reconnaître que nous n&#39;avons pas la science infuse, que nous ne savons pas grand-chose sur ce qui marche et ce qui ne marche pas (dans tous les domaines, mais particulièrement celui-là). Avoir cette humilité nous inciterait peut être surtout à tenter le plus d&#39;approches différentes possibles, de manière décentralisée, afin au moins d&#39;en apprendre un peu.Vous avez dit humilité ? Chez nos politiques ? On n&#39;est pas sorti de l&#39;auberge.Mais non, sinon, c&#39;est super important de décider en quelle année commencer l&#39;anglais.

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Ces modèles dont on pourrait s'inspirer pour vraiment réformer le collège

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Nous préoccupons-nous encore de l&#39;avenir ?Le terme qui qualifie sans doute le mieux l&#39;activité de nos dirigeans - politiques, bien sûr, mais aussi d&#39;entreprises et dans d&#39;autres secteurs - est sans doute celui de &quot;gestionnaires.&quot;Il est évident que depuis vingt ans nos hommes politiques ont une vision purement gestionnaire de leur exercice du pouvoir. Dans les années 80, il y a eu deux tentatives de politique ambitieuse en France : l&#39;aventure socialiste de 1981, et l&#39;aventure libérale de 1986. Et chacune a été considérée, pour des raisons différentes, comme un échec. Et chacun des directeurs de ces aventures - François Mitterrand et Jacques Chirac - en ont tiré la même réponse : dorénavant, le leader politique doit être gestionnaire. L&#39;idée qu&#39;il y ait un but précis - qu&#39;il s&#39;agisse d&#39;une utopie socialiste ou d&#39;une utopie libérale - et que nous avons les moyens de l&#39;atteindre est révolue.Les dirigeants du secteur économique ont la même perspective. Quelle est la principale initiative complètement nouvelle envisagée par une grande entreprise du CAC 40 ? Vous pourrez attendre longtemps la réponse à la question. Les grands projets industriels de notre époque sont des redites, en plus gros, du même principe. L&#39;A380 est une prouesse technologique et industrielle, mais conceptuellement, c&#39;est une version plus grosse de ce qui a été fait avant. Le avion à deux étages, le Boeing 747, a fait son premier vol en...1969. Il y a quarante ans, l&#39;ancêtre d&#39;Airbus faisait le Concorde, qui était vraiment différent des autres avions. L&#39;EPR d&#39;Areva, qui n&#39;arrive jamais, est dans son principe le même type de réacteur nucléaire que nous avons déjà, mais plus gros et plus performant, alors que ces mêmes réacteurs étaient réellement une innovation dans les années 1960.Le milliardaire américain Peter Thiel est principalement connu pour avoir été un des fondateurs de PayPal et le premier investisseur extérieur de Facebook, mais il est principalement un intellectuel. Une de ses principales préoccupations est d&#39;examiner quelle vision les sociétés ont de l&#39;avenir.Il propose une grille de lecture selon deux axes : d&#39;un côté, on peut penser que l&#39;avenir sera meilleur que le passé, ou qu&#39;il sera pire, on est optimiste ou pessimiste ; de l&#39;autre, on peut penser que l&#39;avenir est déterminé ou indéterminé.Pour Thiel, l&#39;Occident après la Seconde guerre mondiale avait une mentalité optimiste-déterministe. Non seulement l&#39;avenir serait radieux - les Trentes glorieuses - mais il y avait une vision précise de ce à quoi il ressemblerait. Les Etats-Unis créeaint le Programme Apollo, avec un objectif à la fois ambitieux et précis : poser un homme sur la Lune et le ramener vivant sur Terre. La France de de Gaulle se lançait dans le nucléaire, créait le Concorde, posait les bases d&#39;un programme spatial européen.A contrario, selon lui, aujourd&#39;hui les Etats-Unis ont une mentalité optimiste-indéterministe. Les américains sont connus pour leur optimisme indécrottable, mais aujourd&#39;hui ils n&#39;ont plus de vision concrète de cet avenir. C&#39;est ce qui pour lui explique la montée de la finance : pour faire de la finance, il faut être optimiste - aucun sens d&#39;investir si on ne pense pas qu&#39;on va gagner de l&#39;argent - mais l&#39;objectif du financier est de diversifier son portefeuille, au lieu de parier sur un secteur ou une entreprise en particulier. C&#39;est aussi la raison de la répétition de bulles financières : si l&#39;avenir doit être radieux, mais que personne ne sait comment on va y arriver, à chaque fois que quelque chose a l&#39;air prometteur, on mise tout sur le nouveau cheval. L&#39;élite américaine actuelle est constituée de Baby Boomers, c&#39;est-à-dire de gens pour qui l&#39;expérience dominante des vingt premières années de leur vie était un progrès constant - pour lequel ils n&#39;avaient jamais à travailler.Pour Thiel, l&#39;exemple principal de pessimisme-déterminisme, aujourd&#39;hui, c&#39;est la Chine. Le monde entier a peur de la Chine, mais la Chine a peur d&#39;elle-même. Les dirigeants chinois savent très bien que le rythme effréné de leur croissance crée des dislocations environementales et sociales dramatiques, et qu&#39;à un moment la machine cassera. On parle des chinois milliardaires, on parle beaucoup moins du fait que tous les chinois riches n&#39;ont qu&#39;une préoccupation : sortir leurs actifs du pays. Ceux qui n&#39;ont pas cette possibilité épargnent le plus possible - la Chine a un des taux d&#39;épargne les plus élevés au monde - malgré une inflation qui rogne leur épargne, car ils ont peur de l&#39;avenir. Pour la Chine, le scénario catastrophe est très clair.&nbsp;Et l&#39;Europe ? Pour Thiel, l&#39;Europe est pessimiste-indéterministe, et je pense qu&#39;il a raison. Nous avons peur de l&#39;avenir, mais nous ne savons pas à quelle sauce nous allons être mangés. La gestion de la crise de l&#39;euro prend comme donné une vision du monde où la croissance sera toujours plus faible, mais il n&#39;y a aucune idée pour en sortir, ou même pour se préparer. Nous ne savons pas s&#39;il y aura une catastrophe ou juste un long déclin. Nous savons juste qu&#39;un ciel bas et lourd qui pèse comme un couvercle recouvre l&#39;Europe.La position pessimiste-indéterministe est évidemment un cercle vicieux : si tout va mal se passer, à quoi bon essayer d&#39;y faire quelque chose ; si on ne sait même pas ce qui va se passer, comment élaborer un plan de sortie. Le cercle vicieux est aussi prophétie auto-réalisatrice.Comment pourrons-nous en sortir, alors ? Peut-être, Thiel suggère, devrions-nous commencer par réfléchir à l&#39;avenir. Personne n&#39;y pense. Personne n&#39;en parle. Aucun candidat à une élection présidentielle n&#39;ose dessiner un portrait de la France dans 30 ans. L&#39;idée d<a href="http://www.atlantico.fr/decryptage/avenir-interesse-inventaire-mesures-folles-necessaires-sauver-france-pascal-emmanuel-gobry-350013.html">&#39;un programme national audacieux d&#39;inventions</a> est remplacé par des <a href="http://www.atlantico.fr/rdv/nettoyeur/concours-innovation-anne-lauvergeon-ou-comment-mal-concretiser-bonne-idee-pascal-emmanuel-gobry-918873.html">gestes symboliques sans intérêt</a>. Si le président d&#39;Airbus voulait dévouer plusieurs milliards d&#39;euros à un projet audacieux d&#39;avion spatial, il serait étripé par les marchés financiers.C&#39;est un problème. Parlons-en.

Ces visions de l'avenir dont nos dirigeants manquent cruellement

Voici une thèse sur la nature humaine, et quelques implications de cette thèse sur l&#39;organisation de la société.Les êtres humains sont des gros primates orgueuilleux. Voilà. Nous sommes des gros primates, donc nous ne sommes pas très intelligents, et nous ne comprenons pas beaucoup de choses. Le monde est extrêmement, extrêmement complexe, et nous sommes tout simplement incapables, chacun d&#39;entre nous, d&#39;en comprendre plus qu&#39;un tout, tout petit bout. Mais nous ne sommes pas n&#39;importe quels primates, nous sommes des primates orgueuilleux. (Les chimpanzés, qui sont nos cousins les plus proches dans l&#39;ordre animal, ont des instincts territoriaux et de hiérarchie sociale très forts, qui font qu&#39;ils se battent tout le temp). Ce qui fait que non seulement nous sommes bêtes, mais nous ne voulons pas admettre que nous sommes bêtes. Non seulement nous sommes orgueuilleux, mais nous voulons croire que nous sommes justes.C&#39;est une thèse. Il y en a d&#39;autres. C&#39;est, en gros, la mienne.Il me semble que cette thèse implique que nous devons être, par exemple, très réservés quant à toute tentative de centralisation, étant donné qu&#39;avoir un macaque bête et orgueuilleux diriger une cité est rarement une bonne idée. Puisque nous sommes des singes bêtes, il faut faire en sorte de diffuser et de décentraliser le pouvoir autant que possible, histoire d&#39;empêcher que des singes bêtes fassent trop de dégâts à d&#39;autres singes bêtes.Il me semble qu&#39;elle implique aussi que nous devons toujours garder à l&#39;esprit que nous vivons dans un environnement d&#39;incertitude radicale. La plupart des économistes n&#39;ont pas vu venir la crise, ni la crise financière de 2008, ni la crise de l&#39;euro. La plupart des gens qui se sont trompés dans leurs prévisions l&#39;ont admis, et travaillent dur à faire de meilleures prévisions pour la prochaine fois. Il est beaucoup plus difficile d&#39;admettre qu&#39;étant donné l&#39;énorme complexité du monde, la prévision est tout simplement impossible.Lorsqu&#39;on est dans un environnement d&#39;incertitude radicale, la stratégie la plus optimale est de garder le plus d&#39;options ouvertes pour pouvoir capitaliser au mieux sur des événements non anticipés.Pour voir une vision radicalement opposée de la nature humaine et de l&#39;organisation sociale, il suffit de regarder <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion2022.asp">la proposition de loi de la députée UMP</a> La proposition de loi de la députée UMP de Laure de la Raudière sur l&#39;apprentissage du &quot;codage informatique&quot; à l&#39;école résume toute l&#39;incompréhension du monde de nos politiques. sur l&#39;apprentissage du &ldquo;codage informatique&rdquo; à l&#39;école.Si j&#39;ai commencé cette chronique sur cette petite proposition de loi par une péroraison un peu arrogante sur la nature humaine et l&#39;organisation sociale, ce n&#39;est pas juste pour faire le malin. C&#39;est parce que ces petites initiatives sont souvent très révélatrice de toute une vision du monde qui les sous-tend.Est-ce que les enfants doivent apprendre le &quot;codage&quot; à l&#39;école ?Qu&#39;est-ce que le &quot;codage&quot; ? La progammation informatique, c&#39;est le fait pour un humain de donner des instructions à un ordinateur dans un langage que l&#39;ordinateur comprenne. Mais ce qu&#39;on appelle un langage informatique n&#39;est pas vraiment le langage de l&#39;ordinateur. Tout ce que fait un ordinateur, c&#39;est produire un très grand nombre de 1 et de 0, selon des modalités précises. Un programmeur informatique ne tape pas une série de 1 et de 0. Le langage informatique que le programmeur utilise, qui est la traduction de ce que le programmeur veut faire en langage informatique, sera lui même traduit par le logiciel de l&#39;ordinateur en 1 et en 0. Il y a donc une couche d&#39;abstraction, entre les concepts qui sont dans la tête du programmeur et le langage qu&#39;il tape, et une autre couche d&#39;abstraction, entre le langage tapé et un langage qui puisse être compris par l&#39;ordinateur.Voici où je veux en venir : si on regarde l&#39;histoire de l&#39;informatique depuis 50 ans, on constate que les langages informatiques les plus utilisés vont sans cesse vers un niveau d&#39;abstraction plus élevé. On a commencé, à l&#39;époque où les ordinateurs faisaient la taille d&#39;un immeuble, à changer des 0 et des 1 à la main en manipulant des circuits. Puis on a eu des langages qui donnaient des instructions à l&#39;ordinateur de manière plus abstraite, mais en découpant néanmoins les concepts en instructions très fines. Et au fur et à mesure, les langages informatiques ont évolué vers de plus en plus d&#39;abstraction, vers de plus en plus de ressemblance avec les-concepts-qui-sont-dans-la-tête, et de moins en moins de ressemblance avec une série de 1 et de 0.De cette analyse historique, vient un pronostic : étant donné la tendance de la programmation informatique, et étant donné l&#39;accélération de l&#39;évolution des technologies, il est fort probable que d&#39;ici qu&#39;un enfant du primaire se mette au &ldquo;codage&rdquo; aujourd&#39;hui à ce qu&#39;il sorte de l&#39;université et se mette à chercher un travail dans l&#39;informatique, le concept même de &ldquo;programmation&rdquo; sera complètement différent de ce que nous connaissons aujourd&#39;hui; en tous les cas, les technologies seront fort différentes. Il est donc fort probable qu&#39;apprendre le &ldquo;codage&rdquo; aux enfants aujourd&#39;hui ne serve absolument à rien.Comme le signale avec très grande sagesse <a href="https://storify.com/Serianox_/loi-codage">le blogueur et informaticien</a>, la proposition de loi en question évoque avec emphase les mauvais résultats de la France dans les classements PISA, mais cette évocation va précisément dans le sens opposé de la loi. Si nous vivons dans un environnement d&#39;incertitude radicale, et que donc notre meilleure stratégie est de garder nos options ouvertes, au lieu d&#39;apprendre aux enfants des techniques qui seront obsolètes avant qu&#39;ils sortent du collège, il faut au contraire &ldquo;bétonner&rdquo; les bases, qui sont le français, les mathématiques et la pensée critique, ces connaissances qui seront toujours utiles quelque soit le monde de demain. C&#39;est en construisant sur ces bases que les informaticiens de demain inventeront ce que voudra dire &ldquo;codage&rdquo; dans quinze ans.D&#39;où mon point sur notre ressemblance avec nos cousins les chimpanzés. Il est absolument, complètement absurde de penser qu&#39;un député, ou pire, une majorité de députés, puisse savoir quelles seront les technologies les plus productives et les plus abouties dans quinze ans, tout comme il est absurde de penser que même si on pouvait le savoir, la bureaucratie ubuesque qu&#39;on appelle l&#39;Education nationale pourrait l&#39;enseigner. La Révolution industrielle ne s&#39;est pas faite parce qu&#39;on a donné des cours de &ldquo;vapeur&rdquo; ou de &ldquo;charbon&rdquo; aux enfants ; elle s&#39;est faite parce que nous avions une population éduquée, oui, mais éduquée à la pensée critique et à la rigueur et qui a ensuite inventé des technologies qu&#39;aucun ministre de l&#39;Education n&#39;aurait pu imaginer.Tout dans la culture politique française va à l&#39;encontre de cela. Nous vivons encore sur le fantasme du grand sage, du grand manitou, qui voit l&#39;avenir et sait faire, et qui nous guidera vers le pays du lait et du miel. Nos camps politiques se disputent pour savoir qui est le meilleur manitou, mais personne ne se dit que sans manitou, tout se passerait sans doute mieux. Cette proposition de loi en est un tout petit exemple, mais si révélateur.

Il est absurde de vouloir apprendre le "codage informatique" à l'école

Pourquoi il est absurde de vouloir apprendre le "codage informatique" à l'école

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Est-il enfin possible d&#39;admettre que la construction européenne est en crise ? Est-il enfin possible d&#39;admettre qu&#39;il faut peut-être changer de direction ? Après le référendum de 2005 ; après la crise de l&#39;euro ; après ces élections qui propulsent les partis populistes ?Le mot approprié pour la situation du projet européen est bien celui de crise. Le terme nous vient d&#39;Aristote, qui le tenait lui-même de son père, médecin. C&#39;est un terme médical : dans la médecine grecque antique, la crise est le moment où les symptômes du patient sont révélés et le médecin doit faire le bon diagnostic et appliquer le bon remède. Après la crise, il n&#39;y a que deux options possibles : soit le patient est guéri, soit il meurt, selon que le médecin aie bien détecté la crise et l&#39;aie bien lue, ou pas. C&#39;est dans ce sens qu&#39;il faut comprendre la crise de la construction européenne : le patient est en danger de mort. Si on ne fait pas le bon diagnostic, le patient mourra.Quel est ce bon diagnostic ?Il faut commencer par ce qui devrait être une évidence : il n&#39;est pas possible, dans l&#39;état actuel des choses et dans tout avenir prévisible, d&#39;avoir une Europe fédérale, à moins d&#39;abolir la démocratie en Europe. Europe fédérale, ou Europe démocratique, il faut choisir. Parce que les peuples européens rejettent une Europe fédérale. Ils ne l&#39;ont pas seulement fait savoir par de nombreux scrutins. Ils l&#39;ont fait savoir par leur comportement pendant la crise.La crise économique de l&#39;Europe est une crise de l&#39;euro, mais c&#39;est une crise parce que les européens se sentent citoyens de leur nation d&#39;abord et européens ensuite. L&#39;euro est une monnaie pour des peuples qui ont des niveaux de productivité très différents. Une monnaie unique pour des niveaux de productivité différents créent des dislocations économiques, puisque pour certains la monnaie sera soit trop forte, soit trop faible. La réponse est soit d&#39;abandonner la monnaie unique, soit de mettre en place une redistribution des plus productifs vers les moins productifs. Dans les unions monétaires dont les membres se sentent liés par une citoyenneté commune, cette redistribution va de soi : aux Etats-Unis, l&#39;état de New York est bien plus productif que l&#39;état du Mississippi, mais ça ne met pas en jeu l&#39;éxistence ou même la solidité du dollar, parce que l&#39;Etat fédéral organise la redistribution entre les états. Et si, ce qui est normal dans toute union politique, il y a des débats autour du niveau de cette redistribution, personne ne remet en cause sa légitimité.La crise de l&#39;euro nous a donné précisément l&#39;image inverse. Le peuple allemand, pourtant le plus fédéraliste des peuples européens, ne veut pas redistribuer ses ressources durement gagnées pour compenser les grecs et autres peuples moins productifs. Le contraste avec la réunification allemande est frappant : l&#39;Allemagne de l&#39;Ouest a accepté de s&#39;appauvrir massivement et de ralentir la croissance du pays pendant 10 ans pour payer l&#39;intégration des Allemands de l&#39;Est. Pourquoi ? Les allemands de l&#39;Ouest et de l&#39;Est se ressentent membres de la même nation. Ce n&#39;est pas le cas - c&#39;est le moins qu&#39;on puisse dire - des allemands et des grecs.S&#39;il y avait eu une volonté populaire d&#39;union fédérale européenne, il n&#39;y aurait jamais eu de crise de l&#39;euro - point. C&#39;est en ce sens que, au-delà des questions techniques de traités ou d&#39;économie monétaire, la crise de l&#39;euro est une crise de la construction européenne.Pourtant, comme le fou du proverbe qui fait sans arrêt la même chose en attendant à chaque fois une conséquence différente, nos élites n&#39;ont pas fait le diagnostic de la crise. La réponse à chaque rejet de l&#39;Europe est toujours plus d&#39;Europe. Etant donné qu&#39;il est évident que s&#39;il n&#39;y avait pas de rejet de l&#39;Europe la réponse serait aussi plus d&#39;Europe, on voit l&#39;aspect pathologique de la fixation idéologique : quelque soit la question, la réponse est toujours la même. John Maynard Keynes, à qui on reprochait après la crise de 1929 d&#39;avoir changé ses théories, répondit &ldquo;Quand la situation change, je change mon point de vue - pourquoi, vous vous faites quoi?&rdquo;Lorsque j&#39;écris qu&#39;il faut choisir entre une Europe fédérale et une Europe démocratique, parfois je me dis que les élites européennes sont d&#39;accord avec moi et fait leur choix : les &ldquo;avancées&rdquo; sont faites en dépit des choix démocratiques des peuples, depuis les référendums de 2005 suivi par le Traité de Lisbonne, puis l&#39;union bancaire, et maintenant ces élections parlementaires dont, chacun sait, les résultats ne seront pas suivis de changement de politique. Il y a chez certains européïstes un utopisme qui fait penser au marxisme : la dialectique historique rend inévitable notre nouveau paradis des peuples ; chaque crise est une opportunité &quot;d&#39;accroître les contradictions&quot; ; et si des gens résistent à la grande marche vers l&#39;avenir, ma foi, on ne fait jamais d&#39;omelette sans casser des oeufs.Aujourd&#39;hui, la question de l&#39;Europe fédérale n&#39;est plus une question théorique de point de vue idéologique, c&#39;est une question de fait. Les européens ne veulent pas d&#39;Europe fédérale. Point. Les faits, disait Lénine, sont têtus.Alors, que faire ? En France, notre débat ne semble contenir que deux options : l&#39;option fédéraliste des partis de gouvernement, et l&#39;option que l&#39;on pourrait appeler socialo-souverainiste des autres partis, c&#39;est-à-dire une Europe dont la fonction principale, avec ou sans euro, avec plus ou moins de compétences pour Bruxelles, serait de mettre en place un protectionnisme économique. Le problème de cette option est qu&#39;elle serait désastreuse économiquement.Il y a pourtant une troisième option, qui me semble être la seule vraiment viable, compatible avec la démocratie et l&#39;économie, celle que j&#39;appellerai l&#39;option britannique : faire de l&#39;Union européenne une union principalement économique, avec la libre circulation des biens, des services et des personnes, mais sans super-Etat ou super-gouvernement.Pour les souverainistes, cette vision atteindrait leur objectif principal, qui est le maintien de la souveraineté nationale. Pour ceux qui caressent encore le rêve fédéraliste, ils pourraient voir cette vision comme une concession à la réalité, une courte pause dans la grande marche inévitable de l&#39;histoire qui permet à tout le monde de respirer.Et pour les européens, ils auraient enfin une Europe qui répond à leurs attentes, qui leur donne plus de prospérité tout en respectant leur identité.

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Crise de l'Europe : le chemin qui permettrait d'en sortir