Produits frais, en conserve ou surgelés : comment maximiser la valeur nutritionnelle par temps de confinement<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
Produits frais, en conserve ou surgelés : comment maximiser la valeur nutritionnelle par temps de confinement
©INA FASSBENDER / AFP

Alimentation

Le confinement et l'impact du coronavirus ont modifié notre manière de consommer. Les produits dits de "longue durée", les aliments en conserve ou surgelés, sont de plus en plus privilégiés. Sont-ils pour autant moins nutritifs que les aliments frais ?

Bruno Parmentier

Bruno Parmentier

Bruno Parmentier est ingénieur de l’école de Mines et économiste. Il a dirigé pendant dix ans l’Ecole supérieure d’agronomie d’Angers (ESA). Il est également l’auteur de livres sur les enjeux alimentaires :  Faim zéroManger tous et bien et Nourrir l’humanité. Aujourd’hui, il est conférencier et tient un blog nourrir-manger.fr.

Voir la bio »

Atlantico.fr : La crise du coronavirus et le confinement ont changé notre manière de consommer, la population privilégiant de plus en plus des produits dits de "longue durée". Les aliments en conserve ou surgelés ont souvent mauvaise presse. Sont-ils pour autant moins nutritifs que les aliments frais ? Nous rendons-nous malades en optant pour ces aliments-ci ?

Bruno Parmentier : Les nutritionnistes nous le répètent depuis des années : « Mangez 5 fruits et légumes par jour » ! (Attention pas 5 fraises, 5 parts de fruits et légumes, 15 fraises comptent pour 1 part !). Il n’y a évidemment aucune raison pour se libérer de ces recommandations de bon sens sous prétexte de confinement. Car les fruits et légumes apportent à notre corps plein d’éléments nutritifs indispensables que les céréales, viandes et produits laitiers n’apportent pas suffisamment, ou pas du tout : fibres, vitamines, minéraux, antioxydants, etc. Ils ont également un rôle protecteur dans la prévention de maladies comme les cancers, les maladies cardiovasculaires, l’obésité, le diabète, etc.

Nous sommes actuellement dans une situation exceptionnelle : on s’efforce de ne faire les courses qu’une fois par semaine, voire par quinzaine, nombre de marchés sont fermés (alors que beaucoup de gens aiment acheter leurs fruits et légumes sur ces marchés), et, vu les problèmes de main d’œuvre dans les champs, serres et vergers, nous aurons moins de fruits disponibles cet été.

Alors on a souvent tendance à se replier sur les aliments de longue conservation, en particulier les conserves et les surgelés. Est-ce une catastrophe sanitaire ? Va-t-on être malade, ou plus faible cet été ? Rassurons-nous, en l’occurrence la solution pratique peut être également une solution raisonnable !

On nous a appris à croire que rien n’est aussi nutritif que les produits frais. Oui, mais le frais est un concept qui se compte en minutes ou en heures : ce qui est bon, vraiment bon, c’est de cueillir soi-même le matin dans son jardin les fruits et légumes de son déjeuner ! Or là, question « frais », on risque de manger des produits qui ont été cueillis il y a plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Et ils auront beau avoir l’air sympathique, ils auront perdu énormément depuis le moment de la cueillette. 

En effet, dès qu’il est cueilli, et donc coupé de la plante qui le nourrissait, ce fruit ou ce légume va tenter de survivre ; pour ce faire il n’a d’autre choix que d’utiliser ses propres nutriments, les décomposant afin de garder ses cellules vivantes, et il s’appauvrit donc rapidement. Par exemple la vitamine C, qui aide le corps humain à absorber le fer, à réduire le taux de cholestérol et protéger contre les radicaux libres, est également particulièrement sensible à l’oxygène et à la lumière. Dans les légumes feuilles, cet oxygène et cette lumière sont abondants, résultat, les épinards vieux d’une semaine n’en ont plus du tout ! Pour les légumes racines, plus massifs, c’est moins grave, mais quand même une carotte d’une semaine en a perdu 27 %. Les légumes fruits (tomates, haricots verts, etc.) et les légumes fleurs (brocoli, chou-fleur, etc.) sont intermédiaires. 

Parfois, le froid du réfrigérateur peut ralentir cette dégradation, mais il a aussi d’autres inconvénients : on sait par exemple qu’il ne faut absolument pas mettre au froid les oignons, ails, pommes de terre, tomates, avocats ou le basilic et le café…

Donc la stratégie consistant à manger des légumes frais dans les 3 premiers jours après les courses, et ensuite passer à la conserve ou au surgelé est en fait très adaptée ! Le plus important est de ne pas cesser de manger des fruits et légumes.

Rappelons aussi qu’il est mieux de ne pas éplucher fruits et légumes bios, ou ceux qui sont « garantis sans traces de pesticides », pour profiter de tous les bons éléments qui sont dans la peau, mais prudent d’éplucher le reste ! Et qu’un fruit et légume se lave, mais pas à l’eau de javel !

Quelles sont les différences majeures entre les aliments frais et les aliments en conserve/surgelés si ce n'est la fraicheur ? 

L’avantage considérable des conserves et des surgelés est qu’ils ont été travaillés le jour même de la récolte, car les usines sont tout près des champs et le rythme des récoltes se règle en fonction des chaines de traitement. Parfois un petit pois est surgelé moins de 3 heures après la récolte, ce qu’on ne risque pas d’avoir en faisant ses courses hebdomadaires au supermarché ! Et cette rapidité compense largement les inconvénients de ne plus être frais, car une fois surgelé ou en conserve, le produit ne vieillit pratiquement plus. En quelque sorte, on a dans son congélateur ou son placard des produits bien plus frais que dans son panier de course !

Evidemment, avant que les produits soient congelés, ils sont blanchis (c’est-à-dire chauffés pendant, quelques minutes à des températures élevées pour inactiver les enzymes indésirables qui dégradent la texture et la couleur) ce qui réduit aussi un peu leur teneur en éléments nutritifs. Mais finalement pas plus que deux jours de stockage à l’air libre !

En définitive, les légumes surgelés présentent plusieurs avantages : ils se conservent nettement plus longtemps que les légumes frais, ils peuvent être consommés toute l’année, on en gâche moins en ne dégelant que ce qu’on va manger, et en plus ils peuvent être plus économiques ! D’ailleurs ceux qui produisent leurs propres légumes ont souvent pris l’habitude de congeler ce qu’ils ne peuvent pas manger immédiatement !

De même les conserves ont été cuites, ce qui n’est pas terrible pour les vitamines (mais on obtient le même appauvrissement quand on cuit soi-même ses légumes !). Les industriels ont néanmoins fait beaucoup de progrès sur ce plan. En revanche elles sont souvent salées ou sucrées. Les personnes souffrant d’hypertension artérielle ou astreintes à un régime pauvre en sel doivent d’ailleurs bien laver ces légumes à l’eau claire avant de les consommer pour éliminer au maximum le sel présent. Mais elles présentent d’autres atouts : elles et ne perdent pas (ou peu) de vitamines et minéraux pendant une longue durée de conservation (plusieurs années), et elles sont peu chères et rapides à préparer.

On a vu qu’il y avait des problèmes d’emballage, avec en particulier ceux contenant du bisphénol A, perturbateur endocrinien avéré. Mais il est maintenant interdit dans les emballages et contenants alimentaires. Il reste que certains, échaudés, préfèrent les conserves en bocaux de verre à celles en métal… jusqu’à ce qu’on découvre d’autres problèmes !

On parle bien ici de plats de légumes seuls, simples ou mélangés, mais pas des aliments ultra transformés contenant des légumes certes, mais aussi bourrés de sel, de sucre, de matières grasses et d’additifs de toutes sortes, et qui, eux, ne sont absolument pas bons pour la santé !

Faire son marché et acheter des aliments frais n'est pas donné à tout le monde. Existe-t-il une topographie précise de "qui-achète-quoi" ? Le fait que des chercheurs mettent en avant les produits en conserve/surgelés va-t-il permettre d'asseoir les inégalités ? 

Il est clair que les situations de crise ont souvent tendance à accroitre les inégalités !

Depuis deux mois, on voit que certains, qui continuent à percevoir leur salaire ou leur retraite intégrale mais ont fortement réduit leurs dépenses (voiture, restaurants, voyages, culture, etc.), ne se préoccupent pas vraiment de leur budget alimentaire, les seules dépenses qu’il leur reste, surtout s’ils n’ont plus de loyer à payer. Comme ils ont nettement plus de temps libre qu’avant, ils investissent la cuisine, font leur pain, se mijotent de bons petits plats, boivent les meilleures bouteilles de leurs caves, etc. ; ce sont souvent ceux qui ont le plus de « capital culturel », et du coup ils en profitent pour réfléchir et se préparer à un changement éventuel de leurs habitudes antérieures, vers une vie moins futile et moins carbonée. Ils se sont rendu compte qu'avoir du temps pour soi, à passer avec ses proches, à s'adonner à ses passions, aux loisirs, c'est peut-être plus important que travailler comme une bête pour avoir de l'argent qu'on dépense bêtement. A voir s’ils tiendront durablement leurs bonnes résolutions !

A l’inverse on trouve ceux, de plus en plus nombreux, dont le niveau de vie a baissé, parce qu’ils sont au chômage, ou au chômage technique, qu’ils ne peuvent plus arrondir leurs fins de mois avec des « petits boulots », ou qu’ils doivent nourrir leurs enfants qui auparavant mangeaient quasiment gratis à la cantine, etc. Ceux-là se privent, sont inquiets, frustrés, et en colère ! D’autant plus qu’ils n’en peuvent plus d’être mal logés et entassés 24 h sur 24. Ils vont probablement aspirer à retrouver le plus vite possible leur monde d’avant. On a pu par exemple voir d’immenses queues devant les quelques Mac Do qui ont rouvert en drive…

Cette crise risque d’accélérer la division de la société entre ceux qui vont vouloir accélérer la transition vers autre chose et ceux qui auront hâte de retrouver le monde d'avant, avec toutes les frustrations que cela risque d’engendrer, car la crise économique va être profonde et longue, avec des conséquences douloureuses sur les plus modestes. 

Les mangeurs de légumes frais, bios, locaux qui ont redécouvert les joies de la grande cuisine pourront-ils encore se parler avec les frustrés du hamburger, gavés de saucisses-purée ?

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !