Pourquoi ce que vous mangez impacte beaucoup plus votre sommeil que ce que vous croyez<!-- --> | Atlantico.fr
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Quelles sont les bonnes pratiques alimentaires afin de trouver un sommeil de bonne qualité ?
Quelles sont les bonnes pratiques alimentaires afin de trouver un sommeil de bonne qualité ?
©HANS SCOTT / AFP

Alimentation saine et équilibrée

D'après les travaux du professeur Matthew Walker, directeur du Center for Human Sleep Science de l'Université de Californie, ne pas dormir suffisamment peut conduire à un cercle vicieux de suralimentation.

Bruno Comby

Bruno Comby

Bruno Comby est polytechnicien et directeur scientifique de l'Institut Bruno Comby.

Il est l'auteur de l'Eloge de la sieste (TNR, 2005)

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Atlantico : Selon le professeur Matthew Walker, directeur du Center for Human Sleep Science de l'université de Californie, le manque sommeil peut donner envie de manger davantage. Nous aurions ainsi tendance à consommer deux à trois fois plus que la quantité de calories dont nous avons normalement besoin. Comment l’expliquer ? 

Bruno Comby : Notre cerveau reptilien, le centre de contrôle de notre cerveau, gère les fonctions vitales de base, plus ou moins instinctives, souvent pulsionnelles, que sont l'alimentation, le sommeil et la reproduction. Ce sont les 3 sources de plaisir les plus fondamentales : manger, dormir et la sexualité. Notre cerveau reptilien, qui est la partie la plus centrale de notre cerveau gère ces trois aspects essentiels de notre vie. Il s’agit des trois piliers de notre santé et du bonheur ! La nutrition et la science du sommeil ont été le plus souvent considérées comme des branches distinctes de la médecine jusqu’à présent. A l’hôpital on trouve un service qui gère les troubles de la nutrition et un autre service distinct pour les troubles nerveux et du sommeil. En réalité dans notre organisme, les comportements à ces deux niveaux sont liés, l’équilibre de l’un conditionne étroitement l’autre. Il n’est donc pas surprenant qu’un déséquilibre sur l’une de ces grandes fonctions vitales puisse entrainer un déséquilibre sur l’autre. C’est ainsi qu’effectivement les troubles de l’alimentation, du sommeil et de la sexualité sont en partie interdépendants. Un manque de sommeil peut dérégler nos pulsions alimentaires, facilitant les comportements boulimiques, l’attirance vers le sucre, le grignotage et le cortège de maladies qui s’ensuit… La bonne nouvelle c’est qu’en agissant simultanément de manière bénéfique à ces différents niveaux pour les rééquilibrer, on pourra aussi retrouver plus facilement et plus rapidement la santé et le bien-être.

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Pire, le manque de sommeil pourrait nous donner une envie de manger des aliments mauvais pour notre organisme : des aliments sucrés, salés et riches en glucides. Peut-on penser que le manque de sommeil est un véritable cercle vicieux pour notre bien-être ? 

Oui le manque de sommeil est en effet l’un des éléments principaux d’un cercle vicieux menant à la fatigue et à la sédentarité, puis à la souffrance et à la maladie et au final à une réduction de l’espérance de vie. 

Ce cercle vicieux, sur lequel il est possible d’agir, comprend :

- la malbouffe (excès alimentaires, de sucres rapides, alimentation déséquilibrée, trop salée, trop sucrée, trop dénaturée, trop calorique)

- la sédentarité (manque d’activité physique)

- la solitude, l’isolement social (manque de contacts sociaux)

- la consommation d’excitants nerveux ou de substances neuro-actives (caféine, théine, théobromine du cacao).

- les addictions d’une manière générale (alcoolisme, tabagisme et autres addictions)

- le pessimisme (voir tout en noir, tourner en rond dans ses problèmes…)

- les addictions comportementales (entre autres sexuelles, mais aussi, beaucoup plus fréquemment, addiction aux jeux vidéo ou aux écrans)

- … et, effectivement, les troubles du sommeil. 

On remarque, et cela a été confirmé par de nombreuses études scientifiques que, par exemple, la consommation de café entraine des troubles du sommeil, ce qui favorise la malbouffe, comme le souligne le professeur Matthew Walker.

Le café est traditionnellement consommé en fin de repas, accompagné d’un sucre, voire d’un digestif, après un bon repas plutôt bien arrosé, et vous ne serez guère enclin ensuite à une après-midi de sport. 

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Chaque élément de ce cercle vicieux contribue à dérégler nos comportements, et favorise les autres éléments de ce cycle, source de maladies et de souffrances. 

Chacun de ces comportements amplifie la tendance à tomber dans les autres. Les effets nocifs ne s’additionnent pas, ils se multiplient. Il s’ensuit un cortège de troubles de santé d’abord bénins et occasionnels (fatigue chronique, manque d’enthousiasme, déprime…), qui deviennent ensuite chroniques et font le lit des maladies de civilisation plus graves (obésité, troubles inflammatoires, diabète, maladies cardio-vasculaires…) qui ruinent notre santé. 

Pour se libérer de ce cercle vicieux et retrouver la véritable santé et le bien-être, il est vivement recommandé de ne pas agir sur uniquement un seul des éléments de ce cercle vicieux (par exemple vouloir mieux dormir, mais continuer à boire du café et mal manger, ou décider d’arrêter de fumer mais rester sédentaire et continuer la malbouffe). 

Il est beaucoup plus efficace d’identifier les différents facteurs négatifs vous concernant et d’agir sur tous les comportements en même temps. Par exemple, arrêter simultanément le café, la cigarette et se remettre à marcher davantage, à mieux manger. Les résultats sont alors beaucoup plus rapides et durables. 

La santé, c’est multifactoriel et ça s’apprend ! 

Découvrez le « cycle vertueux » de la santé et du bonheur : alimentation saine, pas d’alcool, ni d’excitants (ou uniquement du vin et cidre à faible degré alcoolique, obtenus par fermentation naturelle du fruit entier, de bonne qualité et de manière occasionnelle), activité physique (la plus importante étant la marche à pied), sommeil réparateur (incluant la pratique de la sieste, au moins une fois par jour), pensée positive et optimisme, et une vie sociale épanouie. 

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Bien sûr, chacun d’entre nous a une histoire unique et différente, mais identifier et comprendre les interconnexions entre ces comportements nocifs à plusieurs niveaux et s’en libérer en agissant sur plusieurs de ces niveaux, en les remplaçant par des comportements bénéfiques, est particulièrement efficace. Paradoxalement, l’expérience montre que c’est souvent plus facile d’améliorer son hygiène de vie simultanément sur plusieurs de ces dimensions. 

Les résultats au niveau de votre vitalité et de votre bien-être sont alors à la fois meilleurs et plus rapides. La tentation de rechute sera moindre. 

Il s’agit de « dissoudre » le cercle vicieux en corrigeant chacune des causes qui y contribue, pour installer à la place un « cercle vertueux » . D’un point de vue systémique (confirmé par la pratique) c’est bien plus efficace que d’agir sur un seul élément du cercle vicieux.

Selon le Dr Bonham, professeur associé de nutrition, de diététique et d'alimentation à l'université de Melbourne, manger la nuit peut entraîner des taux de glucose plus élevés et davantage de substances grasses dans le sang, car le corps est moins capable de décomposer et de métaboliser les nutriments aux petites heures. Dans quelle mesure l’heure à laquelle nous mangeons peut avoir un effet délétère pour l’organisme ? 

Il ne s’agit pas seulement de savoir QUOI manger (équilibrage des repas) mais aussi de savoir QUAND manger (rythme et composition des repas). De même qu’il ne s’agit pas seulement de savoir COMBIEN d’heures nous devons dormir mais aussi QUAND dormir de manière optimale et de redécouvrir la bonne répartition du sommeil (et de la sieste) fractionné en plusieurs fois au cours de la journée. L’étude des rythmes alimentaires s’appelle la chrono-nutrition.Il s’agit de manger au bon moment, pour mieux respecter nos besoins fondamentaux. Manger trop et trop souvent (grignotage) conduit, nous le savons bien, à l’obésité et à la fatigue. Manger la nuit est nocif et perturbe le sommeil. Les deux conseils de base à ce niveau sont donc de trouver le bon rythme alimentaire (qui dépend de l’âge) et (à l’âge adulte) de ne surtout pas manger la nuit. C’est ainsi que sont apparues et se sont développées diverses méthodes alimentaires plus ou moins à la mode, comme le jeûne intermittent, qui consiste à ne pas manger trop tard le soir, ni la nuit, ni trop tôt le matin, de manière à laisser l’organisme mieux se reposer la nuit. Sans aller jusqu’à des jeûnes ou diètes de plusieurs jours (qui peuvent être utiles aussi dans certains cas, mais c’est un autre sujet), il est recommandé de laisser le tube digestif au repos la nuit et (à l’âge adulte, ainsi qu’a fortiori à un âge plus avancé). Boire ou conduire, il faut choisir…

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On pourrait dire de même : « bien dormir ou manger la nuit, il faut choisir ». En effet la digestion, notamment des glucides, comme a pu le constater le Dr Bonham, ainsi que vous l’évoquez dans votre question, se fait moins bien la nuit. Dans la nature, nous avons besoin de l’énergie des sucres surtout le jour, pour nous déplacer et faire face à nos activités, et nous avons moins besoin d’énergie la nuit, le métabolisme ralentissant pendant le sommeil. Bien sûr un repas occasionnel de fête n’est pas dangereux ou à proscrire strictement. Il faut savoir se faire plaisir et c’est même l’occasion de se réjouir, de voir ses amis et de s’amuser, ce qui est aussi un pilier du bonheur et de la santé. Mais, autant que possible, la plupart du temps, il est préférable de ne pas manger tard le soir, ni la nuit, ni trop tôt le matin. A noter que la fréquence des repas diminue avec l’âge. Alors qu’un jeune bébé tête sa mère toutes les 1 ou 2 ou 3 heures juste après sa naissance, l’intervalle entre les têtées s’allonge ensuite. A l’âge de l’école maternelle, il faut encore pour les enfants un en-cas le matin et un goûter l’après-midi. Puis l’en-cas du matin disparaît et à l’adolescence le goûter devient facultatif. A l’âge adulte, 3 repas par jour conviennent et pour les personnes âgées, 2 repas plus légers suffisent le plus souvent. La réponse concernant la fréquence des repas dépend donc de l’âge. Mais aussi de l’état de santé. Il est bien évident qu’un coureur de biathlon qui court 20 km et prend deux bains froids par jour ou un champion de natation aura intérêt à manger davantage en quantité (en particulier plus de glucides) et pourra manger un peu plus souvent (mais pas trop…) qu’un individu sédentaire qui reste assis toute la journée devant son ordinateur.

Quels conseils alimentaires donnez-vous afin de trouver rapidement un sommeil de bonne qualité ? Certains aliments sont-ils à proscrire ? Au contraire, certains aliments permettent-ils de trouver le sommeil plus rapidement ?

Une meilleure alimentation est absolument essentielle à un meilleur sommeil. Il convient en particulier de supprimer ou diminuer autant que possible la consommation des excitants et substances neuro-actives (caféine, théine, chocolat). Ce sont les perturbateurs-en-chef de notre sommeil ! Notre organisme est parfaitement capable de secréter par lui-même à partir d’aliments naturels et sains toutes les hormones et substances dont notre cerveau a besoin pour fonctionner et pour dormir ! 

Certaines plantes ou tisanes (tilleul, camomille, passiflore, valériane, lavande) ou compléments alimentaires (eau de fleur d’oranger) sont réputées favoriser le sommeil. A consommer bien sûr occasionnellement et avec modération : renseignez-vous auprès de personnes compétentes et pas d’excès ! 

Bien entendu, en cas de troubles graves du sommeil, référez-vous à votre médecin. 

Certaines vitamines (notamment du groupe des vitamines B) ou compléments alimentaires (magnésium, zinc, tryptophane) peuvent également être prescrits. 

La mélatonine (hormone du sommeil) est fabriquée par notre organisme à partir du tryptophane, un acide aminé qu’on trouve notamment dans les noix et le riz (entre autres). 

La consommation de poissons et produits de la mer (sardines, maquereaux, harengs, huitres et algues), d’abats (foie de volaille, de bœuf…) et de graines germées (de véritables « usines à vitamines » lors du processus de germination) peut également être recommandée

Le Dr Marie-Pierre St Onge à New York, a en particulier démontré que la pratique d’un régime méditérranéen (moins de viande, de sucre et desserts à base de farines, avec davantage de poisson, fruits et légumes frais, améliore la qualité du sommeil et diminue de 35% le risque d’insomnie

Dans les cas les plus graves de troubles du sommeil, une consultation médicale (voir votre médecin qui pourra prescrire des somnifères, si nécessaire) peut aider le cas échéant, à passer un cap difficile (deuil, divorce, etc) mais attention à ne pas les consommer de manière régulière à long terme (voir avec votre médecin pour adapter la posologie et vous en libérer dès que possible), car ils entrainent eux aussi (comme les excitants caféine, nicotine…) une dépendance et une accoutumance, menant souvent à augmenter les doses, jusqu’à la survenue d’effets secondaires, dont il est ensuite de plus en plus difficile de se défaire. 

Il est toujours préférable de retrouver, dès que possible, un sommeil naturel, sain et réparateur, par de bonnes habitudes de vie, plutôt que de dépendre de béquilles pharmacologiques ayant pour la plupart de nombreux effets secondaires. 

Le mieux, c’est de se libérer du cercle vicieux de la déprime et de la maladie (sédentarité, troubles du sommeil, malbouffe, excitants…) et de redécouvrir les nombreux bienfaits du cercle vertueux (sommeil profond et réparateur, alimentation saine, activité physique, psychisme calme et performant…). 

En résumé, quelques conseils pour retrouver un sommeil optimal, sain et réparateur : améliorez votre hygiène de vie en général, pratiquez une activité physique régulière (marche à pied notamment), méfiez-vous des excitants, apprenez à manger mieux, sans grignotage. Les gâteaux, pâtisseries ou aliments sucrés sont à diminuer ou à éliminer (sucre en poudre à remplacer par des fruits frais) : consommez-les avec modération, de préférence au repas de midi et/ou au goûter (ou dinez tôt), plutôt que tard le soir. 

Vous retrouverez ainsi au plus vite une santé optimale et un meilleur sommeil, pour vivre mieux, plus heureux, plus longtemps et en pleine forme !

Bruno Comby est polytechnicien et directeur scientifique de l'Institut Bruno Comby :http://www.comby.org

Il est l'auteur des livres (aux éditions TNR) Mangez mieux vivez mieux,Eloge de la sieste, Comment vous libérer du tabac et Stress-Control.

Une vingtaine d’articles sur le sommeil du même auteur sur le site Atlantico.fr : https://www.atlantico.fr et rechercherAuteur = Bruno Comby

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