Comment la fertilité évolue : on se reproduit plus jeune et plus longtemps<!-- --> | Atlantico.fr
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Pendant 10 000 ans, la démographie a augmenté grâce à la maîtrise des sources d’alimentation.
Pendant 10 000 ans, la démographie a augmenté grâce à la maîtrise des sources d’alimentation.
©Flickr

Evolution perpétuelle

L'explosion démographique s'est faite en deux temps et a commencé plus tôt qu'on ne le pense. Il y a 10 000 ans d'abord, avec la maîtrise des sources d’alimentation, puis à partir de la révolution médicale (et culturelle), qui a permis aux femmes d'enfanter sur de plus longues périodes. Selon certains chercheurs, on assisterait encore aujourd’hui à des micro-évolutions biologiques. Deuxième volet de notre série "Évolution perpétuelle".

Henry  de Lumley

Henry de Lumley

Henry de Lumley est un préhistorien. Sa trajectoire professionnelle de plus de 40 ans est jalonnée par des découvertes importantes et par la construction d'équipements scientifiques destinés à faire mieux connaître la préhistoire.

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Atlantico : En quelques milliers d’années, la population humaine mondiale a considérablement augmenté en même temps qu'elle colonisait des terres vierges. Pour mieux s'implanter, l'homme s'est-il reproduit plus tôt, et plus fréquemment ? Est-ce là une explication de la hausse démographique ?

Henry de Lumley : Les premiers peuples préhistoriques (paléolithiques), qui étaient des chasseurs, n’étaient pas nombreux et se répartissaient sur de vastes territoires. Ils étaient suffisamment peu nombreux pour vivre en équilibre avec la nature. A partir du Néolithique, à savoir 10 000 à 8 000 ans avant notre ère, en rompant leurs relations avec la nature, les hommes sont devenus agriculteurs et pasteurs. Ils ne vivaient plus simplement de cueillette, de chasse et de pêche : ils sont devenus les producteurs de leur nourriture. Leur nombre s’est accru, des villages ont été construits… Cela marque d’ailleurs un tournant important : avant, le monde humain était marqué par l’individualité, ensuite sont apparues des sépultures collectives – nécropoles, dolmen - qui témoignent de l'émergence d'une conscience collective.  Cette situation s’est par la suite maintenue de manière stable.

La démographie est devenue plus abondante, car grâce à cette organisation de la stabilité, les hommes se sont mis à vivre plus longtemps. Ce sont donc l’agriculture et l’élevage qui ont entraîné une forte hausse de la démographie. Commencée il y a environ 10 000 ans, elle a connu une évolution hyperbolique à partir de l’époque de l’industrialisation en 1750. Cette montée hyperbolique pourra être maîtrisée seulement à travers l’éducation.

Dans l'histoire de l'évolution humaine, dans quelle mesure la fertilité a-t-elle muté ? Les améliorations dans ce domaine sont-elles uniquement à mettre sur le compte des avancées médicales et hygiéniques récentes ? Pourquoi ?

Les inventions médicales et hygiéniques permettent de vivre plus longtemps. Et ceux qui ne peuvent a priori pas se reproduire, le peuvent désormais. C’est là la cause principale de l’évolution démographique récente.

Pour résumer, pendant 10 000 ans la démographie a augmenté grâce à la maîtrise des sources d’alimentation, puis la courbe a explosé récemment, avec les avancées médicales.

Entre 1800 et 1940, il a été constaté dans le village québécois de l’Isle aux Coudres que l’âge auquel les femmes donnaient naissance pour la première fois était passé de 26 à 22 ans en moyenne (voir ici). D’après les chercheurs de l’université de Québec, ce ne serait pas le fruit d’une évolution culturelle, mais plutôt d’une « microévolution » biologique, sans lien avec les révolutions alimentaires de l’époque. Cette hypothèse est-elle pertinente? Pourquoi ?

A l’époque préhistorique, on constate une forte mortalité infantile chez les femmes de quinze ans, car c’est à cet âge-là qu’elles accouchaient pour la première fois. Vers vingt-cinq ans, elles n’étaient plus en mesure de donner la vie, car cette dernière ne leur en laissait pas le temps : elles étaient déjà décédées. L’espérance de vie était en effet extrêmement courte par rapport à aujourd’hui.

Ensuite, des éléments culturels entrent en compte. Les femmes accouchaient quand elles se mariaient. Aujourd’hui, il semble qu’à l’Isle aux Coudres, on se marie plus jeune, pour des raisons contextuelles propres. Les conventions et les contraintes propres à la société sont à la base du fait expliqué dans cette étude.

Une autre étude menée dans la ville de Framingham (Massachussetts), auprès de 10 000 personnes, montre une évolution entre 1948 et aujourd’hui (voir ici) : les femmes sont capables d’enfanter en étant plus jeunes et plus âgées que leurs aïeules. A quoi cette mutation peut-elle être liée ?

La liberté des mœurs est plus grande qu’avant, on se marie plus jeune, les modes de vie changent… Tout cela fait partie de l’évolution culturelle. Il est permis de supposer qu’avec les techniques contraceptives, le phénomène constaté ne va pas durer.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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