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Cinéma : "C’est ça l’amour",  un beau film et un grand acteur !
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Claire Burger a réalisé sur le naufrage d'un homme, plein de bonne volonté et qui ne sait pas comment faire face comme mari délaissé et comme père, un film sensible et bouleversant. Et Bouli Lanners est formidable dans le rôle.

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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CINEMA

C’est ça l’amour 

de Claire Burger 

 Avec Bouli Lanners, Justine Lacroix, Sarah Henochsberg…

RECOMMANDATION : EXCELLENT

THEME

Depuis que sa femme l’a quitté, lui laissant leurs deux filles sur les bras,  Mario, fonctionnaire dans un centre social ( Bouli Lanners ), patauge. Submergé par la tristesse, il n’arrive plus à gérer quoi que ce soit, ni son stress professionnel, ni surtout l’éducation de ses filles dont l’une, Niki, 17 ans, rêve d’ indépendance et l’autre, Frida, 14 ans, fait sa crise d’adolescence, en s’interrogeant sur sa sexualité. Pour émerger et recréer du lien, familial et social, Mario va d’abord devoir réapprendre à s’aimer…

POINTS FORTS

– Dans Party Girl,  son précédent film, qu’elle avait co-réalisé à trois, Claire Burger proposait le portrait d’une femme indépendante et libre. Dans C’estça l’amour, elle dresse celui d’un homme fragile et vulnérable, qui ne sait pas comment revenir dans l’heureux temps où il était un époux et un père comblés. Il ne semble pas avoir compris que personne ne peut revivre le passé.

– Et c’est cela qui émeut dans ce film, de voir un homme perdu, qui ne comprend pas, et qui cherche à colmater les brèches de son bateau, familial et professionnel, qui prend l’eau de toutes parts. L’émotion le submerge sans cesse; au boulot rien ne va plus, et à la maison, ses filles râlent et lui en veulent, et le soir, seul dans son lit, il pleure.

-Et nous, spectateurs, on est là face à ce père complètement déboussolé et, c’est plus fort que nous, on a envie de le consoler, lui dire de s’aimer, un peu, de retrouver l’estime de soi, préalable nécessaire à toute reconstruction.

– Ce père, qui s’appelle ici Mario, nous touche d’autant plus qu’il n’a pas ce défaut qu’ont beaucoup d’hommes, de vouloir réagir au chagrin en roulant des mécaniques et en « gueulant » à l’injustice.

– Ce Mario là, dont la réalisatrice dit qu’il ressemble à son père, est interprété par Bouli Lanners. Jusque là, on avait plutôt vu ce comédien, qui vient de Belgique, incarner des personnages burlesques, décalés ou loufoques,  chez Kervern et Delépine ou Albert Dupontel. Dans ce rôle, qui est pour lui un contre-emploi, il est sensationnel. Plus même. Dans ses moments de désespoir si grands que son corps refuse de lui obéir, il nous tord les boyaux.  C’est la première fois que Bouli Lanners est en tête d’affiche et on se demande pourquoi il n’y avait pas accédé avant.

– Face à lui, comme à son habitude, Claire Burger fait jouer des acteurs non professionnels. Ils sont tellement justes que, malgré leur inexpérience, ils ne sont jamais maladroits.

POINTS FAIBLES

Je n'en vois pas.

EN DEUX MOTS

S’il arrive que l’habit ne fasse pas le moine, il arrive aussi qu’un titre de film n’annonce pas son contenu. C’est le cas ici. On s’attend à une œuvre à l’eau de rose, un « pendant » filmique à un roman sorti de la collection Harlequin… Et on découvre un drame sentimental bouleversant et sensible sur la paternité et les ravages de l’éclatement de la famille. On lui attribue quatre étoiles tant la caméra de Claire Burger s’y montre à la fois tendre et pudique, tant, en père paumé, l’acteur Bouli Lanners est formidable de naturel et renversant de sensibilité. Tout cela, sans pathos. On applaudit bien fort.

UN EXTRAIT

« Je voulais faire le portrait d’un homme délicat, sensible, tendre, loin des clichés de la virilité. J’ai été élevée par un homme comme ça. Pour le personnage de Mario, je me suis inspirée de mon père, dans sa personnalité, son rapport à la paternité et surtout à la transmission. C’est à son éducation et d’une certaine façon à son féminisme que je dois une bonne part de mon envie de devenir cinéaste » (Claire Burger, réalisatrice).

LA REALISATRICE

Née en 1978 à Forbach, Claire Burger se forme à la Fémis (département montage) dont elle sort diplômée en 2008, l’année même où elle réalise son premier court-métrage, intitulé Forbach, qui remporte le Prix Ciné-fondation à Cannes et le Grand Prix du Festival de Clermont-Ferrand. En 2009, elle remporte le César du meilleur court-métrage pour C’est gratuit pour lesfilles, qu’elle a co-réalisé avec Marie Amachoukeli. En 2014, elle se lance dans le long, encore une fois avec Marie Amachoukeli et, en plus, Samuel Theis. C’est Party Girl. En grande partie inspiré librement du personnage de la mère de Samuel Theis, entièrement réalisé avec des acteurs non professionnels, ce film, sélectionné pour « Un Certain regard » à Cannes, va remporter la « Caméra d’Or ».

C’est ça l’amour est le premier film que la cinéaste a tourné en solo.  Au Festival des Arcs, il a valu à Bouli Lanners le prix d’interprétation masculine. Il a également remporté un prix au Festival de Venise où il était présenté dans la sélection Venice Days.

ET AUSSI

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– « Compañeros » de Alvaro Brechner - Avec Antonio de la Torre, Chino Darín, Alfonso Tort…

 Le 27 juin 1973, à la suite d’un coup d’Etat, l’Uruguay bascule dans la dictature militaire. Le jour même, 6000 opposants politiques (un pour 450 habitants) viennent remplir les prisons. Companeros raconte les douze années d’enfermement de trois des plus célèbres d’entre eux : Eleuterio Fernandez Huidobro, qui deviendra Ministre de la Défense en 2011, Mauricio Rosencof , un poète romancier qui sera nommé responsable de la culture à la Mairie de Montevidéo et José Mujica, qui sera élu démocratiquement, en 2010, président de l’Uruguay.

On ne saura pas exactement pourquoi, mais, contrairement à la majorité des autres personnes arrêtées et incarcérées, ces trois figures du mouvement opposant Tupamaros (de gauche) vont échapper à la mort. A la mort, mais pas aux tortures morales et physiques. On va les jeter dans des minuscules cellules, insalubres, avec, entre deux séances de tortures, interdiction de parler, de voir, de boire, de manger et de dormir normalement. Leur corps et leur esprit poussés aux limites du supportable, les trois otages vont tout faire pour échapper à quoi les poussent leurs  tortionnaires : la folie.

De ce sujet, certains cinéastes auraient tiré un film coup de poing ponctué de « zooms » sur les sévices physiques infligés aux prisonniers. Le réalisateur Alvaro Brechner a pris une autre option, celle d’un voyage  plus sensoriel à travers l’horreur, la crasse, les rats, les insultes,  les humiliations, les coups, les vêtements arrosés d’essence avec menace d’y mettre le feu, les interrogatoires à coups de perceuses électriques etc.. , le cinéaste « montre »  tout, mais sans que jamais sa caméra ne vienne contraindre l’œil du spectateur à détourner le regard. On voit donc, mais sans spectacularisation excessive, et, du  coup, on ressent. Parfois c’est le son, ici très réaliste, très "chiadé", qui suggère à lui seul l’horreur et déchaine l’imaginaire. De temps à autre, des flash-back, viennent rappeler la vie d’avant de ces prisonniers; des scènes d’un noir burlesque aussi, qui témoignent de l’absurdité du système militaire alors en vigueur…

On aura compris que ce Companeros  est un très grand film sur la période  la pire de l’Histoire  de l’Uruguay, et, consubstantiellement, sur la capacité de résistance des hommes. D’une réalisation superbement maitrisée  (cadrages, images, montage), à la fois poétique et poignant, il est  porté par trois immenses acteurs, bouleversants d’humanité. On en sort KO, mais debout, regonflé d’espoir dans l’humanité.

Recommandation : en priorité.

– « Synonymes » de Nadav Lapid - Avec Tom Mercier, Quentin Dolmaire, Louise Chevillotte…

En totale rupture avec son pays natal, Israël, au point de ne même plus vouloir parler hébreu, Yoav débarque à Paris avec l’espoir que la France et  sa langue le sauveront à tout jamais de la folie dont il croit son pays atteint. Ça va mal commencer. Malgré sa vingtaine athlétique et musclée (souvenir tangible de son passé récent de brillant soldat), il se fait détrousser pendant qu’il prend son premier bain en France. Nu comme un ver, en hypothermie, il va devoir la vie à ses deux voisins, Caroline et Emile, deux bobos parisiens friqués, dont il va se rapprocher pour parfaire son vocabulaire français. Pour survivre, il se fait parallèlement  embaucher comme agent de sécurité à…  l’ambassade d’Israël, où il rencontre Yaron, un jeune provocateur, qu’il va aider à intégrer le Bêtar (mouvement de jeunesse juive), mais dont il apprendra, par la suite, qu’en fait cet homme était un lâche.

Après avoir donné sa démission à l’ambassade, Yoav se rapprochera encore un peu plus de Caroline et Emile. Il va « prêter » son corps à Caroline en devenant son amant, et son esprit à Emile, qui le fascine, en lui offrant ses histoires. L’intégration paraît à portée de main. A la suite d’une déception, il la refusera, et préfèrera retourner dans son pays..

En deux longs métrages, Le Policier (2011) et L’Institutrice, récompensé en 2014 par une multitude de prix, Nadav Lapid (né à Tel Aviv en 1975) est  devenu l’un des cinéastes les plus originaux d’Israël, pays avec lequel il entretient des relations mouvementées, tissées d’amour et de rejet. C’est la première fois qu’il pose sa caméra en France, et c’est pour parler des sentiments, ambigus aussi, qu’il entretient avec le pays de Molière, autoproclamé, depuis 1789, patrie des Droits de l’Homme. Nadav Lapid n’est pas un homme simple, mais c’est un réalisateur brillant et radical qui sait faire partager ses tourments et ses interrogations. Synonymes, qui mêle avec  un brio plein d’humour, politique et autobiographie, est riche de ce savoir-faire. C’est sans doute la raison pour laquelle il vient de rafler « l’Ours d’Or »  au dernier Festival de Berlin.

Recommandation : excellent.

– « Let’s dance » de Ladislas Chollat - Avec Rayane Bensetti, Guillaume de Tonquedec, Alexia Giordano…

Passionné de danse hip-hop, Joseph (Rayane Bensetti) décide de quitter sa province pour venir tenter sa chance à Paris et intégrer un « crew ».  En attendant, il s’installe chez son ex-beau-père. Cet ancien danseur étoile devenu professeur de danse classique dans un cours privé (Guillaume de Tonquédec) va lui proposer une mission impossible : qu’il initie ses élèves au hip-hop. Au début, Joseph est déconcerté par ce milieu très guindé qu’il ne comprend pas. Une rencontre inattendue avec Chloé, une jeune danseuse,  va tout changer. Additionnant leurs talents et leurs rêves, unissant leur cœur,  Chloé et Joseph vont réussir le plus inattendu : marier le hip-hop et la danse classique… Cette alliance va permettre à Joseph de gagner, enfin, ses galons d’« artiste »…

 Parce qu’il est l’un des metteurs en scène de textes très exigeants au théâtre, on l’attendait plutôt dans un film au scénario très « littéraire »…  Et voilà, que pour sa première incursion dans le cinéma, Ladislas Chollat nous propose un film de danse ! Coup d’essai, coup de maitre, Son Let’s dance est très réussi. Il swingue au rythme de son scénario bien fichu, romantique mais pas gnangnan, en s’appuyant sur des personnages bien caractérisés, auxquels on s’attache. Les chorégraphies sont virtuoses, la photo, magnifique, le montage, talentueux. En prof de danse condamné trop jeune à la retraite, Guillaume de Tonquedec est formidable d’humanité douloureuse. Grâce et présence mêlées, la jeune Alexia Giordano est une belle découverte. Quant à Rayane Bensetti, il trouve dans son personnage de Joseph son meilleur rôle. Boule d’énergie, charismatique en diable, jamais doublé dans ses numéros de break-danse, le jeune interprète crève l’écran. Les ados et les plus grands devraient adorer.

Recommandation : excellent.

« Mon meilleur ami » de Martin Deus - Avec Angelo Mutti Spinetta, Lautaro Rodriguez, Moro Anghileri…

Plutôt calme, studieux et solitaire, Lorenzo vit une adolescence tranquille dans une petite ville de Patagonie. Un jour, son père décide d’accueillir sous son toit Caito, un jeune garçon aussi paumé que rebelle. D’abord méfiants l’un vis à vis de l’autre, les deux jeunes garçons vont se rapprocher et affronter, ensemble, les découvertes et les émotions si particulières de l’adolescence. Dans une fascination réciproque, mais qui sera plus  sentimentale que sexuelle. Lorenzo sortira de cette relation, changé, mûri, déjà nostalgique…

 En dressant le portrait de deux adolescents que tout sépare mais qui sont, malgré tout, irrésistiblement poussés l’un vers l’autre, Martin Deus a accompli un petit exploit : rester dans la suggestion et le non-dit, tout en réussissant à donner « chair » à ses deux héros. Du coup, ces derniers nous touchent et nous captivent. Primé en sélection « Cannes écran Juniors » lors du dernier festival de Cannes Mon meilleur ami est un premier film. S’il n’est pas parfait dans sa réalisation, qui pêche par moments d’une sagesse excessive, il est en revanche d’une belle écriture, fine, nuancée, sans mièvrerie.

Recommandation : bon.

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