Les restaurateurs souffrent-ils plus de la TVA ou d'une durée légale du travail incompatible avec leur profession ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Emploi, respect du temps de travail ou compétitivité... Quel était le véritable enjeu du maintien de la TVA à 7% pour les restaurateurs ?
Emploi, respect du temps de travail ou compétitivité... Quel était le véritable enjeu du maintien de la TVA à 7% pour les restaurateurs ?
©Reuters

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Sylvia Pinel, la ministre déléguée à la Consommation a indiqué lundi aux syndicats de restaurateurs que le projet de loi de finances 2013 ne contiendrait pas de hausse du taux de la TVA dans la restauration.

François Taquet

François Taquet

François Taquet est professeur en droit du travail, formateur auprès des avocats du barreau de Paris et membre du comité social du Conseil supérieur des experts-comptables. Il est également avocat à Cambrai et auteur de nombreux ouvrages sur le droit social.

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Atlantico : Sylvia Pinel, la ministre déléguée à la Consommation a indiqué lundi aux syndicats de restaurateurs que le projet de loi de finances 2013 ne contiendrait pas de hausse du taux de la TVA dans la restauration. Emploi, respect du temps de travail ou compétitivité... Quel était le véritable enjeu du maintien de la TVA à 7% pour les restaurateurs ?

François Taquet : Que le gouvernement ait voulu faire un bilan, cela me paraît pour le moins nécessaire. En effet, les opinions divergent totalement sur cette question. Certains estiment que la baisse du taux de TVA n’a servi à rien si ce n’est à satisfaire des revendications corporatistes.

D’autres, comme le président du Synhorcat (Syndicat des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs) affirment que grâce à cette mesure, la profession a créé 50 000 emplois en l'espace de deux ans, en a préservé au moins 50 000 autres et a permis d'augmenter les salaires de près de 6%. Le tout en assurant une baisse des prix de 2,7%. Un état des lieux s’imposait donc !

Ceci étant, si on revenait un jour au taux normal de 19,6%, ceux qui auront joué le jeu et embauché seront doublement pénalisé, non seulement par une conjoncture morose mais en plus par une augmentation des prix liée à la hausse de la TVA qui va immanquablement entraîner une baisse de fréquentation dans ce secteur !

Le secteur de la restauration souffre-t-il justement davantage de la législation relative à la durée du temps travail qu'une potentielle future hausse de la TVA ?

Le moins que l'on puisse dire, c'est que la législation sur la durée du travail dans le secteur est difficilement assimilable.

D'abord, parce ce qu'il existe plusieurs conventions nationales et en outre des conventions locales. Le restaurateur exerçant à son compte a souvent beaucoup de mal à s'y repérer. Qui plus est, s'il est une profession où la souplesse est nécessaire (puisqu'elle est liée au nombre de clients), c'est bien le secteur de la restauration.

Or, il n'en est rien. Conséquence logique : le droit a beaucoup de mal à s'appliquer et les litiges devant les tribunaux sont courants !

La législation relative au temps de travail n’est donc plus du tout en phase avec la réalité dans ce domaine d’activité...

Soyons clair ! Ce n’est pas uniquement le secteur de la restauration qui peine à respecter le droit du travail (temps de travail inclus), mais l’immense majorité des entreprises, sachant que les TPE représentent plus de 80 % des entreprises françaises. Sait-on ainsi que le code du travail français est passé de six cents articles en 1973 à trois mille huit cents en 2003 ? Après avoir sextuplé en trente ans, il a triplé en neuf ans. En effet, le code du travail compte actuellement plus de dix mille articles ! Cette situation est tout simplement inacceptable !

La comparaison avec le droit suisse ferait presque sourire : le code du travail suisse comporte uniquement... cinquante-quatre articles ! Résultat : le Code du travail est passé du stade de petit livre à celui de monstre que nous connaissons aujourd’hui. Comment dans ces conditions, un employeur de bonne foi ne pourrait il ne pas se tromper ? En le problème est que le non respect de la législation est de plus en plus sévèrement sanctionné !

Pour revenir au secteur de la restauration, prenons l’exemple des contrats saisonniers. Sait-on qu'en cas de litige, il appartient au restaurateur d’apporter la preuve du « caractère par nature temporaire de l'emploi », alors que parfois il recrute sous CDD tout simplement parce qu’il peine à trouver des CDI ?

Autre exemple : quelle entreprise respecte scrupuleusement la législation en matière de durée du travail ? Très souvent, je suis confronté aux petites entreprises qui pratiquent en toute bonne foi le système de la récupération des heures supplémentaires, ce qui est interdit. Et l’étonnement est total lorsque les intéressés doivent finalement payer et la récupération et les heures supplémentaires. Enfin, dernier exemple : les contrats précaires. On ne peut conclure des contrats précaires (ex : CDD) que dans une dizaine de cas et dans le cadre d’un formalisme très lourd. La jurisprudence regorge de cas de requalifications de CDD en CDI, parfois pour des motifs bénins : insuffisance de précision quant au motif de recours, remise du contrat avec un jour de retard … !

La complexité en matière sociale vient-elle uniquement du Code du travail ?

Malheureusement non ! La complexité est une spécialité française.

Sait-on par exemple qu'une fiche de paie française comporte 24 lignes, contre 4 en Angleterre ? Sait-on qu'il existe en France 30 formes de contrat de travail (contre une en Angleterre) ? Sait-on par exemple que les exonérations de charges dans le cadre des aides à l'emploi sont souvent conditionnées à un formalisme juridique lourd que le cotisant se doit de respecter, faute de quoi l’intéressé risque un redressement des organismes sociaux ? Sait-on que la loi Tepa, rédigée en 2007 dans un pur style technocratique, a nécessité 6 instructions et circulaires (parfois se contredisant) et est devenue un véritable casse-tête juridique, une usine à gaz qui fait le bonheur des URSSAF lors des contrôles ? Sait-on que, dès lors que la fiche de paie ne correspond pas à la durée du travail pratiquée dans l'entreprise (ce qui est le cas dans maintes situations), le travail dissimulé est caractérisé (ce qui a fait dire à certains que 90 % des employeurs entraient dans le champ d'application du travail dissimulé, sans même le savoir...) ?

Cela n’est pas acceptable. Notre législation du travail décourage l’emploi, alors que celui-ci est rare !

Comment alors donner plus de souplesse au système pour permettre à ces entreprises de s’adapter et d’être plus productif ?

D’abord, il faut prendre conscience du problème. En tant que professionnel, je commence à entendre le raisonnement suivant lequel notre législation sociale entrave l’emploi, que trop de lois tuent l’emploi ! C’est nouveau ! Et certains parlementaires relaient le message.

Le député du Nord Jean Pierre Decool a ainsi déposé une proposition de loi récemment, demandant aux pouvoirs publics de rendre le Code du travail « lisible, applicable et compréhensible par les entreprises, et notamment les plus petites ».
Tout un programme. Il cite même cette phrase de Monstesquieu : les lois « doivent être simples et ne doivent point être subtiles. Elles ne sont point un art de logique mais la raison simple d’un père de famille ». On en est loin… !

Propos recueillis par Célia Coste

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