Été 2023 : qui fait quoi pour les vacances ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Départ en vacances, Photo d'illustration AFP
Départ en vacances, Photo d'illustration AFP
©Geoffroy Van der Hasselt / AFP

L'heure de la bronzette

Parés à partir ? Nombreux sont les Français qui s'apprêtent, en effet, à prendre de mérités congés. Certains opteront sans doute pour la Côte d'Azur, d'autres pour la Bretagne par exemple... Et vous ?

Didier Arino

Didier Arino

Didier Arino est directeur de Protourisme, cabinet d'études et de conseil en tourisme.

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Sandra  Hoibian

Sandra Hoibian

Sandra Hoibian est Directrice générale du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC). 

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Atlantico : Quels sont les premiers enseignements sur les départs en vacances des Français pour cet été 2023 par rapport aux tendances touristiques de ces dernières années ? Certaines régions comme la Côte atlantique connaîtraient une baisse de fréquentation cet été…

Didier Arino : Pendant la période de Covid, la fréquentation était beaucoup plus forte car consacrée sur les mois de juillet et août. Avant la crise sanitaire, le mois de juillet commençait réellement un peu tardivement sur le plan du tourisme, après le 14 juillet. La côte atlantique et méditerranéenne sont en retrait cette année à l’exception de quelques villes. Marseille par exemple est une destination très prisée en cet été 2023.

La première raison de ce recul est que les Français sont déjà beaucoup partis l’été dernier, à l’automne, les stations de ski ont bien fonctionné, les vacances de Pâques ont été correctes, les ponts du mois de mai ont battu un record. Dans les excès journalistiques, de nombreux reportages ont été réalisés sur le sur-tourisme, à croire qu’il y en avait partout en France, ce qui est totalement faux.    

Avec les incendies et le réchauffement climatique, les tendances indiquent que les vacanciers souhaitent fuir le soleil pour aller vers des destinations fraîches. Lorsque l’on regarde l’évolution sur le long terme depuis vingt ans, les destinations du sud de la Méditerranée ont une croissance deux à trois fois plus forte que nous-mêmes et que bon nombre de destinations du Nord. Il y a beaucoup de fantasmes sur le comportement des clientèles.

Les professionnels du tourisme ont très fortement augmenté leurs prix. Les prix ont connu une hausse de 15 à 25 % en deux ans, voire plus de 30 ou de 40 % pour certains acteurs. Malgré une très forte envie de vacances de nos concitoyens et avec un budget en hausse pour les vacanciers (le budget moyen des Français cette année pour les congés d’été est de 2.450 euros, soit 200 euros de plus que l’an dernier), ils ont du mal à trouver le bon produit au bon prix et au bon moment.

Cela a conditionné les comportements. La dernière semaine du mois d’août est très fortement réservée avec une hausse de 15 % par rapport à l’an dernier, elle peut être deux fois moins chère sur certains sites dans des campings.

S’il n’y avait que le facteur météo, nous n’aurions pas une très belle fréquentation.

Dans les autres comportements, les Français ont choisi des destinations moins chères et moins lointaines d’où le succès des territoires du Nord de la France mais aussi de la Normandie et de la Bretagne.

Quelles sont les vacances types des Français cette année ?

Didier Arino : Il y a différentes typologies de clientèles en réalité. Les vacances d’été sont avant tout des vacances familiales. Il y a une surreprésentation des clientèles familiales. 14 % des vacanciers français ont un budget en hausse voire en forte hausse. Ces Français repartent à l’étranger ou dans des destinations lointaines comme les Etats-Unis, le Sud de l’Europe, la Thaïlande. Les personnes qui ont été frustrées de ne pas pouvoir partir pendant les années Covid repartent enfin.

De nombreux Français qui avaient besoin de vacances sont partis mais en adaptant leurs vacances à leur budget.

Il y a des tendances globales qui se dessinent pour cet été 2023. Une hausse des vacances à la mer a été constatée, toutes destinations confondues. Les départs à l’étranger l’été concernent beaucoup de destinations balnéaires. Il y a une reprise du tourisme urbain. La campagne est à la baisse en revanche.

Pour les tendances de fond, les Français ont de plus en plus recours aux locations meublées. En France, il y a près de 3 millions de résidences secondaires et 40 % sont mises sur le marché. Plus d’1 million d’hébergement sont mis sur le marché cet été, permettant ainsi d’avoir des revenus complémentaires. Il y a beaucoup d’offres et une concurrence en parallèle.      

Quelles sont les destinations les plus courantes des Français en cet été 2023 ?  

Didier Arino : La ville de Marseille fonctionne très bien cet été. Elle bénéficie d’un tourisme urbain et balnéaire, du retour de la clientèle étrangère. Il y a une forte reprise sur Paris également mais avec des prix stratosphériques, ils ont augmenté de 50 % en un an dans l’hôtellerie parisienne.

Les autres destinations sont plutôt en baisse en ce mois de juillet.

Dans les destinations étrangères et dans celles qui sont vendues par les tours-opérateurs et les agences de voyage, le numéro 1 est la Grèce. Ce pays est la destination phare des voyagistes cette année.

Les destinations prisées des Français qui se débrouillent eux-mêmes pour réserver leurs vacances sont l’Espagne, l’Italie et le Maghreb.

A mi-parcours, à la fin juillet, quel bilan pour cet été 2023 en France sur le tourisme et l’attitude des Français en vacances ?

Didier Arino : La saison touristique s’étend en réalité d’avril à fin septembre. Au niveau des nuitées, depuis le mois d’avril, nous sommes sur une certaine stabilité. Il y a eu de bons chiffres pour le mois de mai. Sur le seul mois de juillet, il y a une baisse d’environ 5 % de nuitées.

Au niveau du chiffre d’affaires, nous sommes dans une année record car les prix ont beaucoup augmenté. Certains professionnels versent des larmes de crocodiles car ils ont moins de fréquentation mais ils ont un chiffre d’affaires qui est en hausse en moyenne.

Les réservations étaient excellentes jusqu’au mois d’avril. Il y avait  12 % d’augmentation des taux d’occupation. Ils se sont dit qu’ils pouvaient continuer à augmenter les prix. Il y a eu un vrai décrochage. Les Français ont eu beaucoup de charges contraintes liées à l’inflation, les carburants, l’électricité, l’alimentaire… Il y a eu un certain attentisme et des changements de destination.

L’été sera plus que correct en termes de chiffre d’affaires. Les professionnels ont eu une augmentation des charges et des salaires. Ils ont également des coûts d’énergie. Les matières premières ont augmenté. Mais les professionnels du tourisme ont sous-estimé la capacité de nos concitoyens à pouvoir faire plus dans le budget vacances. Et pourtant c’est une des priorités des Français. Il s’agit presque d’une revendication sociale. Cela a accéléré les départs vers certaines destinations étrangères. Mais les ressources de certains de nos concitoyens ne sont pas extensibles à l’infini. Ce qu’ils ont dépensé depuis maintenant un an et demi, ils ont du mal à aller beaucoup plus loin. C’est pour cela qu’ils font attention aux dépenses de restauration ou de loisirs. 

Quelles sont les données du Credoc sur les départs en vacances des Français pour cette année ?

Sandra Hoibian : En janvier 2023, nous avons constaté un taux de départs en vacances de 61%, ce qui se situe approximativement dans la moyenne habituelle. Il convient de noter que ce taux avait été grandement impacté par la crise du COVID, mais nous sommes actuellement en phase de récupération pour retrouver les niveaux de départ que nous avions avant la période marquée par la pandémie.

Est-ce qu'on sait à quoi vont ressembler les vacances d'été ?

Sandra Hoibian : Actuellement, les données du marché touristique semblent plutôt encourageantes. Nous avons enregistré des réservations anticipées pour les trains et les hôtels, indiquant une dynamique positive pour les voyages commerciaux, bien que cela reste une minorité pour l'instant. Cependant, les classes moyennes vont opter pour des vacances économiques, étant donné les contraintes budgétaires et l'inflation qui pèsent sur leurs finances. Avant même de partir, beaucoup se serrent la ceinture. Environ 60% des plus modestes ont admis se priver au quotidien pour pouvoir faire face à des dépenses exceptionnelles liées aux vacances.

Malgré les difficultés financières, le désir de préserver ces moments privilégiés de l'année est clair. Bien que ce ne soit pas la priorité absolue, les vacances représentent un moyen de souffler et de profiter d'un moment spécial. Certains font des sacrifices, y compris auprès des banques, pour parvenir à se dégager des moyens nécessaires pour les vacances.

En termes de choix de destinations, les vacances sont organisées avec prudence et économie. Les déplacements en voiture sont privilégiés et les gens tendent à séjourner chez des proches ou des amis autant que possible. Les sorties au restaurant et les activités de loisirs sont réduites pour limiter les dépenses. La notion de faire des repas à la maison gagne en importance, tout en cherchant à économiser sur toutes les dépenses.

Effectivement, cette année, on observe une baisse de la proportion de Français qui prévoient de partir régulièrement en vacances, surtout parmi les plus modestes et les classes moyennes. Cette tendance est présente avant même le début des vacances et se maintient pendant la période estivale.

Le principal poste budgétaire pour les départs en vacances est le transport, particulièrement pour les plus modestes. Bien que les prix des carburants aient légèrement baissé, ils demeurent relativement élevés, ce qui rend les déplacements coûteux. En conséquence, les frais de transport représentent une part significative du budget de vacances.

Pour compenser ces coûts élevés, les gens cherchent à limiter au maximum les autres dépenses pendant leurs vacances. Ils adoptent une approche économique pour les activités, l'hébergement et la restauration afin de préserver leur budget et profiter au mieux de leur séjour.

Est-ce qu’on peut limiter le logement aussi quand on part en vacances dans la plupart des cas, ou est-ce compliqué ?

Sandra Hoibian : En réalité, environ 60% des départs en vacances se font chez des membres de la famille ou des amis. Ainsi, la majorité des vacances sont effectuées de manière économique. Les aspects fortement médiatisés tels que les séjours à l'hôtel ou les campings ne représentent qu'une petite partie des vacances, n'est-ce pas ? Les campings, par exemple, comptent pour seulement 5% des voyages, tandis que les hôtels représentent 17%. Ces options ne sont pas négligeables, bien sûr, mais elles ne constituent pas la part la plus importante des départs en vacances. En fin de compte, les économies réalisées grâce aux séjours chez la famille et les amis sont essentielles pour la plupart des vacanciers.

Est-ce qu'il y a des facteurs susceptibles d'avoir bouleversé des habitudes des Français en 2023 ?

Sandra Hoibian : Actuellement, la tendance est davantage tournée vers les envies de nature et de loisirs actifs tels que la randonnée et le vélo. Ces activités permettent de se rapprocher de la nature et de combiner différentes dimensions d'expériences enrichissantes. On observe clairement un besoin accru de se reconnecter avec la nature après la période marquée par la pandémie de COVID-19. Ces aspirations s'expliquent non seulement par des raisons écologiques, mais également par le plaisir qu'elles procurent. Ainsi, bien que certains comportements plus sobres aient pu être développés de manière contrainte pendant l'année, ils sont désormais associés à des moments plaisants et ne sont plus ressentis comme imposés.

Qu’est-ce qu'on peut dire au global des vacances types du lambda du français lambda 

Sandra Hoibian : Les vacances sont un sujet complexe à aborder. Pendant la période du COVID, une ligne de partage s'est dessinée entre ce qui était jugé essentiel et ce qui était considéré comme relevant des loisirs, du temps libre, et bien sûr des vacances. Cette vision peut sembler dépassée. Cependant, nous constatons que de nombreux ménages se privent au quotidien pour pouvoir conserver ces moments privilégiés et exceptionnels. Cela témoigne de leur importance et de la valorisation accordée à ces instants dans la société.

En France, il existe une certaine culpabilité associée aux loisirs et aux vacances, bien plus qu'ailleurs, comme dans les pays nordiques où les départs en vacances sont plus fréquents. Cette culpabilité semble découler de la valeur accordée au travail, laissant penser que les vacances ne devraient pas être une priorité. Cependant, ces moments de détente sont essentiels pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, partir en vacances est un moyen de se sentir intégré dans la société, une norme sociale à suivre. De plus, les vacances contribuent au bien-être des individus. En rentrant de vacances, les gens se sentent souvent plus apaisés et prennent un regard différent sur leur quotidien. Les vacances remplissent diverses fonctions, comme l'insertion sociale, le renforcement des liens sociaux et l'apprentissage d'autres compétences, y compris les soft skills, si valorisées dans les milieux professionnels.

Par ailleurs, les vacances sont également une forme d'apprentissage de la mobilité, bien qu'elles puissent être perçues comme un frein à la mobilité géographique. Le fait de sortir de son environnement habituel peut aussi favoriser la créativité et l'ouverture d'esprit. Malgré cela, dans la société française, les vacances sont parfois considérées comme futiles et non essentielles, alors qu'elles reflètent les aspirations de la société et sont riches en enseignements.

Il y a un décalage entre la valorisation de la mobilité et de l'ouverture dans la société française et la perception des vacances comme dépenses non prioritaires pour les ménages. Cependant, ces moments privilégiés sont bien plus que de simples loisirs, ils ont un rôle essentiel à jouer dans la vie de chacun.

Est-ce qu’on observe ce décalage de la même façon, en fonction des classes sociales ?

Sandra Hoibian : Il est intéressant de constater que les catégories aisées accordent une importance particulière aux vacances en leur attribuant plusieurs fonctions. Par exemple, les enfants issus de familles aisées bénéficient d'une grande diversité de vacances. Ils ont l'opportunité de partir chez des membres de leur famille ou des amis, et éventuellement à l'étranger. De plus, ils sont plus enclins à participer à des séjours collectifs, ce qui leur permet d'apprendre à vivre en société, à développer des compétences de leadership, à s'exprimer à l'oral et à s'organiser en dehors du cadre scolaire. Une étude du Credoc a révélé que 28% des enfants issus de familles aisées font partie d'un mouvement de jeunesse pendant l'année, comparé à seulement 7% des enfants issus de familles à bas revenus. Cette différence montre clairement que les familles aisées investissent davantage de temps et d'efforts dans des activités parascolaires enrichissantes.

Ces engagements parascolaires deviennent même des prérequis pour les parcours académiques ultérieurs, comme le montrent les demandes lors des candidatures à Parcoursup. Ainsi, les activités extrascolaires sont devenues un moyen de valoriser son temps libre et de se démarquer dans un contexte scolaire.

Les inégalités liées aux vacances ne se limitent donc pas uniquement à la possibilité de partir en vacances ou non, mais concernent également la nature des activités pratiquées pendant ces moments de loisirs. Les familles modestes ont souvent accès à des offres de colonies de vacances différentes de celles auxquelles les familles aisées peuvent prétendre. Ainsi, les colonies de vacances pour les plus modestes peuvent être perçues comme une contrainte, une solution de repli lorsque d'autres options ne sont pas envisageables en raison de contraintes financières. En revanche, les familles aisées peuvent choisir des séjours qui favorisent l'épanouissement des enfants, en proposant des activités attrayantes et un cadre adapté à leurs intérêts.

Cette disparité d'offres de vacances contribue à renforcer les inégalités et à créer une certaine distance collective entre les différentes catégories socio-économiques. Au-delà des considérations financières, l'accès à des offres variées et valorisantes pour les loisirs et les vacances joue un rôle significatif dans la manière dont les individus appréhendent ces moments de détente et d'apprentissage.

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