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Objectifs énergie-climat : mais qui a bien pu avoir l’idée de signer des décrets comme si la crise du Covid-19 n’existait pas ?
©IAN LANGSDON / POOL / AFP

Réformes

Toutes les réformes sont abandonnées ou connaissent un moratoire, sauf une, celle qui concerne l’énergie, réforme cependant dénoncée par tous les professionnels du secteur comme par tous les industriels.

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent est ancien dirigeant de Elf Aquitaine et Gaz de France, et spécialiste des questions d'énergie. Il est président de la branche industrie du mouvement ETHIC.

 

Ingénieur à l'Institut polytechnique de Grenoble, puis directeur de cabinet du ministre de l'Industrie Pierre Dreyfus (1981-1982), il devient successivement PDG de Rhône-Poulenc (1982-1986), de Elf Aquitaine (1989-1993), de Gaz de France (1993-1996), puis de la SNCF avant de se reconvertir en consultant international spécialisé dans les questions d'énergie (1997-2003).

Dernière publication : Il ne faut pas se tromper, aux Editions Elytel.

Son nom est apparu dans l'affaire Elf en 2003. Il est l'auteur de La bataille de l'industrie aux éditions Jacques-Marie Laffont.

En 2017, il a publié Carnets de route d'un africain.

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Après avoir transformé de 8 à 9 millions de salariés d’entreprises en fonctionnaires temporaires et devenu prudent quoique bavard dans sa stratégie évolutive de déconfinement, on s’attendait à ce que le Gouvernement soit réservé sur l’application des réformes qu’il avait engagées de manière tonitruante (sans d’ailleurs abuser de la recherche d’un consensus ou de négociations). Aucune surprise donc à ne pas voir évoquer la réforme des retraites et de l’assurance chômage comme les priorités du moment. On voit mal effectivement comment va se réaliser la sortie de crise dans les secteurs de la restauration, du tourisme et de la culture, entrainant des millions de travailleurs dans leur marasme. Mais la population a deux certitudes, celle de la faillite de son administration- bureaucratie-technocratie-et celle de la nécessité d’avoir une industrie vivante et efficace pour maintenir son niveau de vie et son développement. On peut donc s’étonner de la précipitation à « sortir » le 23 Avril 2020 les décrets d’application sur le Plan de Planification de l’Energie (PPE) et sur la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBG) totalement déconnectés du monde réel créé par la pandémie et ses conséquences économiques, sociales, politiques et budgétaires. Quelle belle illustration- si l’on en avait encore besoin !- de la rupture totale entre une technocratie hors sol continuant à mouliner en télétravail et un pays en proie à l’angoisse du lendemain. Ont-ils déjà oublié les « Gilets Jaunes « ?

Tout le monde s’accorde à estimer que les visées de ces textes portant sur des objectifs 2035 pour l’un et 2050 pour l’autre n’ont aucune chance d’aboutir puisqu’ils oublient les nécessités de ceux qui consomment les ¾ de l’énergie, les transports, la chaleur et l’industrie, et que les mesures proposées n’auront aucune influence sur le climat, c’est-à-dire qu’elles n’ont rien d’ "écologiques". Elles visent simplement à satisfaire une idéologie anti-nucléaire. Autant dire que cette paperasse est déjà dans les poubelles de l’histoire dès début Mai, ce qui est écrit n’a aucune chance d’être mis en application et d’aboutir, c’est un « en même temps » absurde, c’est même une provocation infantile à l’égard d’un peuple secoué par un confinement qui  n’a que  trop duré. 

La réalité c’est qu’il va falloir faire repartir, « rebondir » le secteur productif national, que cela va prendre du temps, et que nous allons avoir besoin  d’une énergie abondante et bon marché. Et, quelle que soit l’idéologie qui sous tendra ce nouveau départ, on va faire avec ce que l’on a, un tissu industriel fragilisé par des dizaines d’années d’abandon, trois millions de salariés aguerris avec un savoir faire à conserver, et des carnets de commandes plats pour l’instant. Les patrons qui n’ont pas fermé leurs usines ou ateliers ont jonglé avec les restes de vacances et les RTT, puis les mesures de chômage partiel, mais ils s’interrogent désormais sur leurs capacités à réengager l’intégralité de leur personnel précédent. Si les perspectives actuelles, une activité en Décembre de 70% environ par rapport à l’année 2019 se confirment, on a la mesure des licenciements qui seront nécessaires et de la perte de compétences utiles à la nation qu’elle signifie. Pour ceux qui ont fermé, ils ne peuvent rouvrir qu’avec lenteur tandis que se profilent les sacro-saints congés annuels. Dans les PME et ETI le patriotisme d’entreprise reste fort, mais pas universel et pas toujours partagé par les grandes structures pourtant essentielles pour leur assurer la  poursuite de  leur activité, dans l’industrie tout se tient.  

Bien sûr, si la philosophie générale colportée par les médias continue à être la permanence à la tête des entreprises de patrons suspects  de maintenir en esclavage un personnel rançonné persiste, il n’y a pas de solution pour un rebond, il faut donc faire comprendre à la population qu’il existe un patriotisme d’entreprise et un patriotisme tout court jusqu’aux patrons et que chacun va retrousser ses manches pour « rebondir », mais, même si les leçons de la crise peuvent conduire à des changements stratégiques reposant désormais sur les avis de 65 millions d’experts, les centres de production existent et c’est avec eux que l’on va travailler dans les prochains mois. Pour ceux-ci il est impératif de conserver nos atouts, en particulier une énergie abondante et bon marché. Cette caractéristique historique a été mise à mal par une attaque frontale depuis 2010 (la loi NOME) contre notre organisation électrique, puis en 2011 contre les hydrocarbures…on connait la suite. Désarticulé, tout le secteur énergétique est parti dans une fuite en avant sacralisant l’éolien et le solaire, avec des mesures propres à éradiquer les énergies fossiles jusque dans nos véhicules automobiles. Ces dix années ont sans doute satisfait les apôtres de la décroissance (et des anti-nucléaires !) , mais elles ont eu pour effet de faire disparaitre un des éléments essentiels de notre compétitivité, l’énergie et en particulier l’énergie électrique, tandis que nous étions satisfaits de notre politique de santé « la meilleure du monde » justifiant les ponctions sur le monde du travail à l’exemplarité non partagée par nos concurrents. C’est dans les trois dernières une augmentation des prix de l’énergie de 25% qui s’est abattue sur le secteur de production et le PPE nous en promet 25 à 50% de plus d’ici 2035 en commençant dès maintenant par le  peuplement de nos territoires et de notre littoral de nouveaux oiseaux « naturels » et « écologiques » appelés éoliennes. 

Cette orientation réitérée le 23 Avril ne rassure pas le monde de la production et signifie qu’il va falloir  faire comprendre à beaucoup de salariés  qu’ils vont rester fonctionnaires en chômage jusqu’à leur retraite grâce à la planche à billets européenne. Mais aussi elle fait fi d’un autre principe édicté par les princes qui nous gouvernent, celui de la relocalisation d’une industrie essentielle pour le pays. Si le solaire et l’éolien sont indispensables pour la nation , qu’en est-il de leur fabrication sur le sol national , panneaux solaires et éoliennes, ainsi que les matériaux essentiels désormais monopolisés par l’Orient ? C’est oublier bien vite les contraintes de notre droit minier qui a fini par empêcher toute prospection et exploitation, il faut donc le changer pour que l’on puisse se ruer sur les possibilités offertes par notre géologie en lithium, terres rares, cobalt et autres gaz de schiste ? C’est cela qu’ induirait le PPE comme la SNBC si on les traduisait en langage industriel plutôt que de les faire exposer  en langage technocrate obscurantiste. 

Ce qui est encore plus grave c’est que la Commission Européenne n’a toujours pas été mise au courant de notre situation économique et qu’elle non plus ne désarme pas, oubliant même les Pères Fondateurs de l’Union Européenne préconisant une énergie électrique abondante et bon marché : Ursula Von Der Leyden comme Frans Timmermans considèrent le Green Deal, préconisant 100% d’énergie renouvelable en 2050  élaboré hier par on ne sait qui , comme la ligne de conduite acceptée par les peuples européens. 

En ce qui concerne le secteur productif français, avant de  satisfaire les bureaucrates et technocrates dont l’échec est patent sur la politique de santé, comme sur celle de l’énergie,  et de leur confier l’avenir de notre survie industrielle, il semble urgent d’observer comment le déconfinement va se réaliser puis de faire le constat des changements de comportement induits dans la population. La planche à billets et le recours à l’endettement déjà excessif est un leurre, il va falloir nous remettre de nos émotions et travailler au nécessaire « rebond » . Pour le secteur industriel la priorité ne me semble pas être de maintenir et de développer une bureaucratie et une technocratie abusives et couteuses mais de nous assurer que la compétitivité peut, au contraire, s’améliorer grâce à un desserrement des contraintes, un appel aux initiatives et au patriotisme, une énergie abondante et bon marché, un respect de la nature et d’un développement durable, une volonté d’investir et d’y engager l’épargne, tout le contraire de ce qui avait été préparé et qu’il faut désormais jeter aux orties.  

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