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Liban : ceux qui détiennent les clés de législatives à haut risque
©JOSEPH EID / AFP

Election sous tension

De nombreux enjeux entourent les élections législatives du 6 Mai au Liban. Premières élections depuis neuf ans, premier mandat à la proportionnelle : autant de nouveautés qui devraient rebattre les alliances traditionnelles. Néanmoins, les chiites du parti Amal et du Hezbollah ont abordé ces élections avec une plus grande sérénité que les autres. Plus que leur implantation dans la vie politique libanaise, ils cherchent à asseoir leur légitimité.

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani est avocat et essayiste, spécialiste du Moyen-Orient. Il tient par ailleurs un blog www.amir-aslani.com, et alimente régulièrement son compte Twitter: @a_amir_aslani.

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Atlantico : Le front uni Amal et Hezbollah soutient au total 27 candidatures. Est-ce suffisant pour contrôler le parlement ?

Ardavan Amir-Aslani : Non, cette union seule ne saurait disposer de la majorité absolue au parlement qui compte presque 130 députés même si le récent découpage électoral, ayant introduit la proportionnelle peut avoir tendance à favoriser les partis très établis. D'ailleurs, les partis chiites ne comptent pas que sur leurs propres députés pour étendre leur influence au sein du parlement. Le Hezbollah est également allié à un certain nombre de partis sunnites et chrétiens modérés. C'est le cumul de ses alliances qui peut donner la majorité absolue au Hezbollah et ses alliés. Rappelons autant que de besoin que le Hezbollah est déjà allié avec des partis chrétiens dont ceux qui se revendiquent du Président libanais, le General Michel Aoun. 

En cas de victoire des partis chiites, le Hezbollah aura d'ailleurs une propension à ne pas glorifier cette réussite électorale. Le Hezbollah ne sait que trop bien que sa position nouvelle ne sera pas bien accueilli à Washington qui ne voit en ce parti qu'un mouvement terroriste malgré le fait de sa présence au gouvernement libanais.  Ainsi, afin d'éviter la transposition de sanctions nouvelles sur le Liban, le Hezbollah fera tout pour donner l'impression que rien ne change que c'est "business as usual". Ainsi,  il y a fort à parier que le gouvernement pro-saoudien du premier ministre Harriri soit reconduit. 

En cas de victoire des partis d'obédience chiite, les libanais ont-ils à craindre une réaction de l'Arabie saoudite sur leur territoire ?

Non. Les saoudiens n'ont ni l'envie ne la capacité d'intervenir sur le territoire libanais. L'Arabie saoudite est un tigre en papier. Rappelons que ça fait déjà plus de trois ans qu'ils sont empêtrés dans le conflit yéménite avec les Houthis dont ils n'arrivent pas à en venir à bout et ce malgré une domination totale de leur aviation et un armement' autrement plus important. Les Saoudiens sont aujourd'hui résignés à l'idée que le Liban risque d'être dominé sur les années à venir par le Hezbollah et son allié iranien. Ce qui changera, en revanche, sera l'absence de soutien financier pour l'armée libanaise et une réduction de l'aide économique qui est d'ores et déjà assez minime. 

Le Hezbollah tente également de placer des candidats sunnites qui lui sont proches pour contrer les tentatives d'ingérence de l'Arabie Saoudite sur le pays. Ils tablent sur une politique ambigu en essayant d'ouvrir au plus large leurs alliances tout en niant toute volonté hégémonique. Une telle stratégie est-elle durable sur le long terme?

Oui. Le Hezbollah a acquis sa libanité avec la guerre de 2006 contre Israël. Le Hezbollah des années 90, perçu comme un outil militaire et d'influence iranien, a évolué. Les libanais aujourd'hui reconnaissent que la paix relative qui règne dans leur pays n'est que  la conséquence directe de l'apport du Hezbollah. Ils savent très bien que si Daech n'a pu pénétrer l'espace libanais, c'est exclusivement grâce au Hezbollah qui l'a combattu en Syrie. Ils ont pu également apprécier le calme du Hezbollah, devenu garant de la stabilité des institutions du pays, à l'occasion de la lamentable affaire du kidnapping du premier ministre sunnite Hariri par les Saoudiens. Ceci est tellement vrai que pour le cas où le Hezbollah remporterait les élections du 6 mai, il y a de forte chance que le parlement régularise la situation de sa milice par un texte de loi. La branche militaire du Hezbollah n'est plus perçue comme un facteur d'instabilité mais comme le garant de la souveraineté libanaise. 

Le pays du Cèdre est au croisement d'un autre axe d'opposition entre les Etats-Unis et l'Iran. Quelles seraient pour le Liban les conséquences du retrait des Etats-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien?

La communauté internationale et avec elle, le Liban, ont d'ores et déjà intégrés le retrait américain de l'accord nucléaire du 14 juillet 2015. Le Hezbollah s'abstiendra de toute provocation afin de ne pas donner une excuse aux américains de stigmatiser davantage le Liban. D'ailleurs c'est un fait avéré que depuis la guerre de 2006 avec Israël, que ce dernier n'a pas remporté, la frontière la plus calme d'Israel est celle qui la sépare du Liban. En revanche, il est certain que pour le cas où l'Iran ferait l'objet de frappe américaine ou israélienne, le Hezbollah ne restera pas inerte. Il en ira de même de l'ensemble des pays qui constitue aujourd'hui une véritable "pleine lune chiite". Mais en l'absence d'un dérapage initié par Washington, les risques d'un embrasement sur la frontière nord d'Israël avec le Hezbollah sont très faibles. 

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