Les difficultés d’AstraZeneca vont jeter un froid sur l’industrie mondiale des vaccins<!-- --> | Atlantico.fr
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Le vaccin AstraZeneca a été suspendu par plusieurs pays européens, dont la France, après plusieurs cas de thrombose jugés suspects.
Le vaccin AstraZeneca a été suspendu par plusieurs pays européens, dont la France, après plusieurs cas de thrombose jugés suspects.
©JOEL SAGET / AFP

Atlantico Business

AstraZeneca découvre à ses dépens que l’industrie du vaccin est sans doute la plus compliquée à développer dans l’univers du médicament. Ce qui va encore freiner la campagne de vaccination, accroître la pénurie et durcir la concurrence.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Contrairement à ce que beaucoup d’observateurs expliquent, l’industrie du vaccin n’est surement pas l’eldorado. Elle est même l’un des segments de l’industrie pharmaceutique mondiale les plus exigeants et les plus risqués.

AstraZeneca en fait l’expérience à un coût très élevé et découvre que la course aux vaccins n’a rien d’une course au trésor.

Confronté à la critique des experts médicaux qui jettent un doute sur la sécurité de ses vaccins, beaucoup de pays européens, dont l’Allemagne, l’Italie et la France ont donc suspendu les campagnes de vaccination avec l’AstraZeneca. Le laboratoire suèdo-britannique a beau expliquer que les risques n‘existent pas, qu’il n’y a pas de lien de causalité entre les injections et les quelques thromboses constatées, environ une trentaine sur plus de 40 millions de vaccinés dans le monde, rien n’y fait. L’image du vaccin est entachée, et plus grave encore, le crédit du laboratoire est entamé. La suspicion contre la vaccination qu’on avait réussi à repousser auprès des populations, est revenue à la vitesse grand V. Or, la vaccination massive la plus rapide possible reste la seule solution pour lutter contre l’épidémie.

A l’heure actuelle, ce procès a donc assez peu de fondement scientifique mais le mal est fait et prouve une fois de plus que cette industrie du vaccin est une des plus risquées.

Parce que, quand on visionne le film depuis le début, on s’aperçoit que si on avait voulu flinguer le marché de l‘Astra Zeneca, on ne s’y serait pas pris autrement.

Au départ de l’épidémie du coronavirus, c’est à dire il y a un peu plus d’un an, les dirigeants d’AstraZeneca n’étaient pas sur le marché des vaccins. Ils venaient d’engager des investissements importants dans la recherche contre les maladies rares, mais forts des moyens financiers que le groupe a accumulés, le président Pascal Soriot a convaincu ses actionnaires de lancer une opération quasi-philanthropique pour rechercher un vaccin contre la Covid, mais en laissant entendre que ça ne pouvait pas pour autant annoncer un axe de développement stratégique. Au final, ils risquent maintenant de perdre beaucoup d’argent; ils devaient vendre à prix coûtant (entre 4 et 5 euros) jusqu'à ce que la pandémie soit éradiquée en Grande Bretagne et ils devaient relever le prix après. C’est à dire selon leur plan dans le courant de l‘année 2021 pour les exportations.

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Les ennuis d’aujourd’hui risquent de repousser leur point de rentabilité à beaucoup plus tard.

Tout se passe comme si les dirigeants d’AstraZeneca avaient accumulé toutes les erreurs et avaient prêté le flanc à tous les ennuis venus de l’extérieur.

1er point : la rapidité avec laquelle les chercheurs d’AstraZeneca ont mis au point leur vaccin a surpris le monde entier ; et comme les enjeux de cette industrie sont considérables, les concurrents n’ont guère été bienveillants.

2e point : AstraZeneca a sans doute été politisé à son insu par Boris Johnson qui l’impose à la Grande-Bretagne pour engager une campagne massive et rapide de la population où 30 millions de Britanniques ont déjà reçu une première dose. Et Boris Johnson a ainsi fait oublier ses erreurs de l’année dernière.  Il faut dire que le reste du monde n’a pas trop bronché puisque ça permettait d’utiliser le cas britannique comme champ d’expérimentation. Comme il n’y a pas eu d’incidents en Grande-Bretagne, les acheteurs européens sont venus passer des commandes.

3e point : AstraZenaca s’est retrouvé incapable de fournir toutes les commandes parce qu’il n’était pas équipé en production pour faire face. Et AstraZeneca a livré en priorité la Grande-Bretagne.

4e point : les grands pays européens n’ont donc pas été livrés en quantité et en heure voulues, alors que les Européens avaient annoncé à grand renfort de communication que la vaccination allait leur permettre de rattraper leur retard sur la Grande Bretagne et lancer de grandes campagnes. D’où les cafouillages et les tensions au niveau de Bruxelles. D’où peut-être la tentation de punir AstraZeneca de ne pas avoir respecté ses engagements et de le remplacer avec un mois de retard par le Johnson & Johnson, qui est enfin prêt et aussi facile à utiliser sinon plus,  que l’AstraZeneca. Sauf qu’avec un tel scénario, on est plus dans le roman noir que dans l’analyse géopolitique.

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5e point : les raisons pour lesquelles on a suspendu l’usage de ce vaccin sont très floues. Elles s’appuient beaucoup sur le principe de précaution interprété à l’extrême par les organisations scientifiques et politiques. Ces raisons entrainent des décisions très contradictoires qui autorisent à penser qu‘elles viennent à point nommé pour occuper le terrain et justifier qu’on n’a pas les doses.

Au-delà des dégâts psychologiques et politiques chez les professionnels de santé qui ne savent plus quoi faire, le risque est que cette affaire bloque toutes les campagnes de vaccination et toutes les initiatives industrielles.

D’abord, parce que ce qui arrive à l’AstraZeneca peut demain arriver à n‘importe quel autre vaccin sur le marché ou qui vont arriver.

Ensuite, ce type d’affaires entraine une perte de confiance, pas seulement dans ce vaccin mais dans tous les vaccins qui existent ou qui sont en développement.

Les candidats à ce type de recherche et à l’industrie vaccinale ne sont déjà pas nombreux dans le monde parce que le risque économique est considérable, il y a fort à parier que les candidats possibles vont se mettre aux abris et se replier sur des segments de l’industrie pharmaceutique moins sensible,  ne serait-ce que sur le plan politique.

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