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Coronavirus : la facture qui risque de creuser les inégalités ?
©Olivier HOSLET / EPA / AFP

Qui va payer ?

Comme la multiplication des propositions de taxation numérique le prouve, les gagnants de la mondialisation sont dans la ligne de mire pour payer la facture du Coronavirus. A la (très hypothétique) condition de faire sauter les verrous du monde d’avant... Mais qui en aura le courage ?

Thomas Carbonnier

Thomas Carbonnier

Maître Thomas Carbonnier est Avocat et coordinateur pédagogique du DU Créer et Développer son activité ou sa start-up en santé au sein de l’Université Paris Cité (issue de la fusion Paris 5 et Paris 7). Il est titulaire du Master 2 droit fiscal, du Master 2 droit financier et du D.E.S. immobilier d’entreprise de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.

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Charles Gave

Charles Gave

Charles Gave est président de l'Institut des Libertés, un think tank libéral. Il est économiste et financier. Son ouvrage L’Etat est mort, vive l’état  (éditions François Bourin, 2009) prévoyait la chute de la Grèce et de l’Espagne. Il est le fondateur et président de Gavekal Research et de Gavekal Securities, et membre du conseil d’administration de Scor.

 

 

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Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot est économiste et chercheur associé à l’IRIS. Il se consacre aux défis du développement technologique, de la stratégie commerciale et de l’équilibre monétaire de l’Europe en particulier.

Il a poursuivi une carrière d’économiste de marché dans le secteur financier et d’expert économique sur l’Europe et les marchés émergents pour divers think tanks. Il a travaillé sur un éventail de secteurs industriels, notamment l’électronique, l’énergie, l’aérospatiale et la santé ainsi que sur la stratégie technologique des grandes puissances dans ces domaines.

Il est ingénieur de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE-Supaéro), diplômé d’un master de l’Ecole d’économie de Toulouse, et docteur de l’Ecole des Hautes études en sciences sociales (EHESS).

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Atlantico.fr : Alors que les États s'endettent massivement afin de parer à la crise économique liée à la pandémie du coronavirus, certains gouvernements anticipent l'impact fiscal d'un tel endettement en imaginant une taxe sur le numérique. Une telle taxe peut-elle être mise en place au regard de l'architecture fiscale mondiale ? 

Charles Gave :  Les "certains" dont vous parlez sont en général les mêmes que ceux qui nous expliquent que nous avons besoin de plus d'Europe. Fort bien.

Mais ce sont eux qui ont décidé d’abandonner cette souveraineté, alors même que le Peuple français avait refusé cet abandon par un referendum, et je parle d’avoir transféré à Bruxelles notre souveraineté pour tout ce qui concerne la négociation des traités "commerciaux" avec des pays tiers, comme les Etats-Unis d'Amérique. 

Ces traités prévoient les modalités qui régissent les relations fiscales entre les sociétés américaines et les pays européens. 

Rien de ce que font les fameux GAFA en Europe n'est illégal.

Il est possible que nous trouvions l'optimisation fiscale pratiquée par ces grandes sociétés odieuse, mais, en tant que pays, nous avons abandonné tous nos droits et donc nous n'avons plus rien à dire. 

Si nous voulons changer quoi que ce soit, il existe des procédures prévues par les traités, mais tout changement requiert l'unanimité de tous les pays signataires et je ne vois pas l'Irlande ou le Luxembourg, les grands bénéficiaires se faire hara-kiri

A défaut, l'autre solution est de sortir de la communauté européenne et c’est ce qu’a fait la Grande-Bretagne.

Les hommes politiques français au pouvoir actuellement et qui prétendent que nous pourrions taxer ces sociétés sont des jean foutres.

Ils essaient de nous faire croire que quelque chose pourrait être fait, ce qui est un mensonge pur et simple.

Pour résumer : On ne peut pas vouloir à la fois une chose et son contraire.

Nous avons choisi d’abandonner cette souveraineté et donc prétendre que l’on pourrait taxer ces entités est tout simplement faux.  

Thomas Carbonnier : Au regard du droit fiscal international, un tel projet paraît difficile à mettre en œuvre. La taxe google ou le projet de taxe GAFA en sont des illustrations. Quand bien même ces projets fiscaux aboutiraient, la facture finale serait payée par le consommateur (particulier ou entreprise).

L’économie toute entière semble tourner autour de la fiscalité… d’ailleurs, le PIB intègre dans son calcul le montant des impôts levés. Ainsi, l’augmentation de la pression fiscale augmente le PIB et devient source de croissance économique totalement virtuelle.

Revenons dans le monde réel : réunissez en conclave un ministre, un chef d’entreprise, un syndicaliste, un médecin et un juriste. Ils ne seront autorisés à sortir qu’une fois des idées innovantes auront abouties et la France fera des progrès économiques inégalés.

Pour se relancer, l’Europe doit se doter d’armes de créations massives d’emploi :

  • Consolider les politiques nationales de l’emploi :
    • Aides à l’embauche qui augmentent le nombre net d’embauches, réduction de la pression fiscale sur le travail au profit de taxes environnementales, aides aux personnes souhaitant se mettre à leur compte ;
    • Exploiter le potentiel élevé de création d’emplois de secteurs prometteurs, tels que celui de l’économie verte.
  • Dynamiser les marchés du travail et rendre les travailleurs résistant aux mutations économiques :
    • Tirer les leçons de la crise pour favoriser la flexibilité interne en vue de réduire l’insécurité de l’emploi ;
    • Garantir des rémunérations décentes, viables et éviter les pièges des bas salaires ;
    • Prendre des mesures en faveur de l’apprentissage tout au long de la vie, lequel est un gage de sécurité de l’emploi et de productivité ;
    • Accroître les investissements dans les compétences, compte tenu des quatre millions d’emplois toujours vacants dans l’UE, afin de corriger les décalages entre l’offre et la demande de compétences sur les marchés du travail européens, d’une part, et à mieux anticiper les besoins en compétences.
  • Créer un vrai marché du travail européen
    • Améliorer la transférabilité des pensions et le sort fiscal des travailleurs frontaliers tout en informant mieux les travailleurs de leurs droits et obligations. Ceci doit également se traduire par l’exportabilité des prestations de chômage des chômeurs qui se rendent dans un autre pays à la recherche d’un emploi ;
    • l’adéquation de la demande et de l’offre de main-d’œuvre, un portail de recherche d’emplois innovant pourrait constituer un véritable outil de placement et de recrutement d’envergure européenne.

Ces mesures permettraient une vraie politique européenne économique et de sortir de la virtuelle croissance du PIB liée aux hausses de taxes. La chanson humoristique Rap-Tout des Inconnus n’a hélas pas pris une ride.

Rémi Bourgeot : La question de la réforme de la taxation du numérique est tout à fait importante et légitime pour l’avenir de notre système économique. Il faut toutefois garder à l’esprit que les montants en jeu aujourd’hui ne sont pas, ni de près ni de loin, du même ordre de grandeur que l’effondrement des recettes fiscales et de l’envolée de la dépense publique, autrement plus massifs, et qui sont la conséquence directe de l’effondrement économique en cours.

La question de la taxation du numérique ne peut, de ce point de vue, être conçue dans le contexte extrême de cette crise qu’en ce qu’elle peut encourager le redéveloppement de compétences technologiques locales. Rappelons que les projets de taxe digitale n’ont été conçus que comme temporaires de façon à peser dans les débats et ainsi avancer une réforme qui permette de lier plus efficacement la taxation du digital à la présence réelle dans un pays. L’intérêt de ces réformes réside essentiellement dans l’encouragement à l’activité d’entreprises technologiques locales qui ne soient plus, dès lors, désavantagées par l’optimisation fiscale des grands groupes à l’échelle régionale et mondiale. 

La stricte question des recettes fiscales liées à ces réformes est aujourd’hui secondaire face au choc actuel, d’autant plus que ce choc n’est pas passager mais relève d’une véritable menace d’effondrement économique de long terme. Ce risque est critique pour la France en particulier, qui a collectivement si mal géré les conséquences de la dernière crise, en sacrifiant les compétences d’une génération, et en accélérant la petite révolution bureaucratique des dernières décennies, qui a relégué notre industrie dans les limbes du moyen de gamme. 

La réponse à ce choc fiscal incommensurable ne peut être cherchée du côté d’une réforme de la taxation qu’elle soit sur le numérique ou envisagée plus généralement, bien que ces questions soient par ailleurs très importantes pour le développement des compétences et de l’implantation technologique. L’enjeu, dans l’urgence des mois qui viennent, consiste surtout à relancer la machine économique, en se rapprochant des montants mobilisés dans des pays aussi divers que l’Allemagne et les Etats-Unis, dont nous sommes aujourd’hui très loin. La récente proposition d'un plan de relance de 750 milliards à l'échelle européenne est bienvenue mais, malgré l'effet de transfert envisagé, ne permettrait pas même de combler ce fossé entre les mesures de relance de l'Allemagne et des pays sous pression fiscale.

Rappelons que, en quelques semaines, les prévisions de récession pour cette année ont été revues d’environ 8% à 11%. Le soutien nécessaire face à ce chaos nécessite de mettre de côté la question fiscale par des moyens monétaires en particulier. Les débats des dernières semaines, avec le haussement de ton des gardiens du « pas d’argent magique » peut faire craindre un scénario historique d’atrophie supplémentaire du tissu intellectuel et économique, en particulier sur le plan des compétences technologiques. L’enjeu aujourd’hui consiste à soutenir l’économie, dans le sens d’une préservation et d’un redéploiement des capacités technologiques, et c’est à cela que l’on réfléchit en principe dans tous les pays avancés. Sont mises en avant des idées aussi variées qu’une « bad bank » nationale qui absorberait une partie des dettes que les acteurs économiques ne peuvent pas actuellement rembourser (de façon à éviter un effet domino d’effondrement financier qui paralyserait davantage l’activité économique), ou de la monnaie hélicoptère pour soutenir la solvabilité du tissu économique. Le développement de projets de monnaies digitales de banque centrale offre d’immenses possibilités sur ce point et, au contraire du « quantitative easing », favoriserait la stabilité financière.

Quelles inégalités fiscales le système actuel génère-t-il ?

Charles Gave : La justice fiscale est à la justice ce que la musique militaire est à la musique.

Le système fiscal actuel en France n’est ni juste ni injuste, il est simplement idiot et inefficace car sa réalité est qu’il favorise incroyablement les multinationales par rapport aux sociétés domestiques. La raison de cet état de fait est tout simple ; les multinationales peuvent choisir librement la ou elles peuvent produire, les sociétés françaises qui produisent en France ne le peuvent pas. Et donc on tape sur les petits qui ne peuvent pas se défendre et c’est tout, ce qui d’ailleurs amènent les jeunes entrepreneurs français à quitter le pays. Quand je suis arrivé à Hong-Kong en 2001, il y avait 5000 Français, aujourd’hui il y en a 25000, c’est-à-dire plus que de Britanniques. La taxation française d’aujourd’hui fait fuir les entrepreneurs comme la révocation de l’Edit de Nantes a fait fuir les Protestants au XVIIème siècle, les aristocrates en en 1792, les catholiques en 1905, les financiers en 1981, les entrepreneurs maintenant.

Les élites administratives et politiques françaises ont toujours fait fuir nos élites économiques tant elles avaient peur que les secondes lui fassent de l’ombre.

Rien de nouveau sous le soleil donc.

Thomas Carbonnier : Les impôts sont devenus la drogue préférée des Etats. Nos Etats sont de vrais junkies ! Ce serait drôle si cette addiction fait peser un risque pandémique d'exil fiscal dans le haut de la classe moyenne européenne.

Avant la Révolution, l’impôt était un signe d'asservissement politique puis social. Initialement, l'impôt représentait une soumission à l'autorité politique. Payer l'impôt était signe d’abaissement, puisque sa plus grande part était supportée par les classes sociales les plus pauvres. 

Après la Révolution, le paiement du nouvel impôt devait désormais traduire l'appartenance du citoyen à la nation. Seul le citoyen qui s’acquitterait d’un montant d’impôt minimum aurait le droit de vote. Ainsi, celui qui participait aux dépenses publiques avait le droit d’exprimer valablement son point de vue dans les prises de décisions de son pays.

Avec le développement du capitalisme, la richesse autrefois immobilière devient mobilière (par exemple : parts et actions de sociétés, titres de créance sur des entreprises privées ou sur l’Etat). Le système fiscal de la révolution française, qui pourrait être une source d’inspiration, ne semble plus adapté à notre société moderne… De 1850 à 1900, le capital mobilier a été décuplé alors que l’immobilier n’a que doublé ! 

Les droits de succession se distinguent par une fracture entre les transmissions en ligne directes, dont très peu sont imposables, et les autres, à taxation morbide. Dans ce dernier cas de figure, l'impôt a pour objectif de niveler les fortunes. Il est pourtant choquant qu’à la mort d'un concubin, celui qui lui survit est imposé à 60 % alors qu'en cas de mariage ou de PACS, la succession est exonérée !

L'impôt sur le revenu a vu sa progressivité baisser, jusqu'à la création récente d'un taux marginal à 45 %. Son rendement fut amoindri par la création d’un nombre considérable de réductions et crédits d'impôt. L'IR a été supplanté par des impôts sociaux sur le revenu : la CSG et la CRDS. Leur rendement est très supérieur à l’IR puisque presque personne n'y échappe ! Ils sont proportionnels et impersonnels. C’est finalement un retour à la case départ, un retour au projet porté au XIXe siècle par Joseph Caillaux : une juxtaposition d'impôts proportionnels et progressifs.

De l'idéal révolutionnaire demeurent les impôts locaux, vieux prélèvements, peu productifs et particulièrement injustes. Les autres impositions sur le capital ont une fonction plus politique que financière. L'essentiel des ressources est toujours représenté par la taxation de la dépense : la TVA représentant la moitié des recettes fiscales. Le reste repose sur l'imposition du revenu, gains du travail comme du capital, avec les impôts sociaux, l'IR et l'IS. 

Au final, il y a beaucoup de révolutions, de passions et d'agitations autour de la question de l'impôt, pour un bien maigre changement, depuis deux siècles, quant à la répartition matérielle de la pression fiscale. L'impôt demeure en France, et probablement dans toute l’Europe, un sujet politique hautement sensible et empreint de fortes émotions.

Quels liens faites-vous entre fiscalité mondiale et la nouvelle volonté européenne de relocalisation de leurs entreprises ? 

Thomas Carbonnier : La crise sanitaire a souligné de nombreuses faiblesses. Une implantation économique ne se décide pas uniquement sur base de la fiscalité. La stabilité économique, politique et le niveau de soins pèsent également dans la décision.

Les hôpitaux ont réussi à tenir pendant la crise grâce à une réduction des lourdeurs administratives. Toutefois, certains personnels soignants semblent développer un trouble de stress post-traumatique.

Au-delà de tout débat thérapeutique, l’IHU Marseille dispose de moyens humains et technologiques supérieurs à bon nombre d’hôpitaux. De tels moyens lui ont permis de fabriquer de 130 000 kits de tests (made in… IHU Marseille) et de réaliser des imageries en grand nombre, y compris sur le lit du patient. La technologie a été utilisée avec intelligence pour lutter contre les maladies nosocomiales (système de badge et enregistrement informatique du respect des gestes d’hygiène).

Son niveau technologique est toutefois très loin des hôpitaux chinois. Quand la France déploie un hôpital militaire dans le Grand-Est et transfère des patients en TGV, les chinois construisent plusieurs hôpitaux en 10 jours ! Pour rattraper notre retard, louanges, médailles ou primes ne suffiront pas. Le personnel de santé n’entend pas mendier une médaille ou un masque.

L’IHU Marseille s’intègre dans le monde économique actuel : une entreprise qui produit sur tous les territoires ET qui vend sur tous les territoires peut tenir debout face à la tempête. C’est ce modèle qui devrait conduire à la création d’IHU dans les 20 plus grandes villes de l’hexagone.

Quel pays ou dirigeant serait à même de s'attaquer aux incohérences de la fiscalité européenne ? 

Charles Gave : Les Nations n’ont pas d’amis disait le premier ministre britannique Lord Salisbury. Elles ont des intérêts et le rôle du gouvernement est de défendre les intérêts de la Nation.

En Europe aujourd’hui, il n’y a guère que la Grande-Bretagne, la Suisse et la Norvège qui sont à même de défendre leurs intérêts

En dehors d’Europe, les Etats-Unis, la Chine, et la Russie viennent à l’esprit.

Conclusion :

Vous vous endormez en 1790 , vous vous réveillez en 1820, vous ne comprenez rien au monde qui vous entoure.

Vous vous endormez en 1890, vous vous réveillez en 1920, idem.

Vous vous endormez en 1990, en 1920 vous ne comprenez rien.

Les institutions humaines passent également au travers du processus Schumpetérien de destruction créatrice.

L’ordre qui a suivi la dernière guerre mondiale est en train de s’effondrer, et ces institutions vont s’écrouler alors même que les Nations vont demeurer, comme toujours.

Thomas Carbonnier : La question dépasse la simple fiscalité. C’est un projet de vie commun qui doit être édifié.

Ainsi, le documentaire l’exploration inversée de Marc Dozier, met en avant la tribu des français vue par deux chefs Papous intrépides originaires de Nouvelle-Guinée. Ils posent un regard décapant, plein d'humour et de philosophie sur notre monde, ses règles, ses excès et ses contradictions. Le même regard pourrait certainement être porté sur la tribu des européens et sur leurs fiscalités.

De très grandes qualités humaines et intellectuelles seront requises pour restaurer la confiance avec le peuple.

Le ou la dirigeant(e) devra, comme un officier vis-à-vis des soldats, montrer l’exemple. Il devra être présent en première ligne avec les hommes, prêt à risquer sa vie pour le pays. Les banquets fastueux et la dégustation de pinces de homards quand le peuple a faim ne peut que déclencher un feu social. A ce titre, Honecker ou de Rugy en ont fait l’expérience.

Ce sera une personne cabossée par la vie et dont l’aspiration n’est plus financière. Il aura le recul nécessaire pour guider le peuple dans la bonne direction et incarnera un Père ou une Mère pour la ou les Nations.

Rémi Bourgeot : Tous les pays sont confrontés à une équation fiscale extrêmement difficile. On voit pourtant certains pays s’autoriser un soutien massif à l’économie et d’autres au contraire focalisés sur le coût de ce type de soutien. L’Allemagne et les Etats-Unis ont mis en œuvre des montants directs comparables, une fois rapportés à leur taille respective, le premier en bénéficiant de ces excédents budgétaires passés et le second en mettant à contribution sa banque centrale autant que nécessaire.

Sur la question de la réforme de la fiscalité on voit en réalité d’importantes convergences des grandes économies sur l’intérêt à conserver leur base fiscale malgré la digitalisation de l’économie. Naturellement les Etats-Unis défendent leurs grandes entreprises numériques face aux remontrances européennes mais leur font finalement le même type de reproches. Et l’on voit tout aussi naturellement un groupe de pays, souvent plus petits et très ouverts au commerce et aux investissements mondiaux, considérer cette question comme secondaire, soit parce qu’ils exploitent les failles du système actuel comme l’Irlande, ou parce que les recettes d’une fiscalité plus adaptées pèseraient peu par rapport aux promesses de développement de leurs entreprises digitales sur le marché mondial, comme c’est le cas de la Suède.

Y-a-til un moyen de faire face à l'impasse fiscale dans une situation de dépression économique ?

Rémi Bourgeot : Un soutien insuffisant à l’économie face à un tel choc économique est un facteur aggravant d’envolée du poids de l’endettement, par l’effet conjugué de la chute du PIB, de la chute des recettes fiscales et de l’envolée des dépenses sociales. Le financement de l’envolée de la dette publique est rendu possible par l’effet refuge des titres de dette publique français, envers et contre tout, dans un contexte d’excès d’épargne mondiale et de risque financier. La politique de la BCE vient encore davantage écraser les taux d’intérêt de pays comme l’Allemagne et la France, et de façon plus cruciale pour l’Italie et l’Espagne. Mais cette action massive de la BCE comme de la Fed ne cesse d’entraîner des bulles financières et immobilières. Le rebond des marchés d’action malgré l’aggravation économique des dernières semaines et le manque de perspectives de rebond est édifiant. Par ailleurs l’accélération de la bulle immobilière ces dernières années a eu un effet très lourd sur la compétitivité des pays concernés, au premier lieu desquels la France.

Par ailleurs, aucune hausse d’impôts, en plus de son effet supplémentaire contreproductif sur l’activité économique, ne peut compenser les effets d’un tel choc économique sur les finances publiques. L’architecture monétaire actuelle limite les possibilités, d’autant plus que l’on voit l’impasse à laquelle est confrontée la BCE, avec les menaces de la Cour constitutionnelle allemande. On parle de plus en plus partout dans le monde de monnaies digitales de banque centrale, mais il semble que peu de responsables soient encore prêts à en exploiter l’extraordinaire potentiel en termes de réformes monétaires dans le sens de la stabilité financière et comme potentiel de relance par allocation directe de la monnaie de banque centrale aux acteurs économiques. Si ce potentiel était mis en œuvre et exploité, des actions très variées, allant de la « bad bank » que l’on évoquait plus haut à la monnaie hélicoptère deviendraient des évidences techniques, en mettant fin aux failles du « quantitative easing » en termes de bulles et d’effets limités sur l’économie réelle.

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