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Alimentation : les Français ont-ils perdu le sens du goût des bonnes choses ?
©OLIVIER MORIN / AFP

Bonnes feuilles

Périco Légasse, défenseur de la gastronomie française, et Serge Papin, ancien patron de Système U, viennent de publier "Du panier à l'assiette, alimentation, grande distribution, agriculture... Pour en finir avec la malbouffe !" aux éditions Solar. Ils reviennent notamment sur les scandales alimentaires à répétition, dévoilent les coulisses de la guerre des prix entre les grandes enseignes, évoquent la détresse des agriculteurs et retracent le déclin des hypermarchés. Les deux auteurs se demandent notamment si la grande distribution et le bien-être alimentaire sont définitivement irréconciliables. L'échange entre Périco Légasse et Serge Papin a été animé par Elodie Lepage, journaliste santé à L'Obs. Extrait 2/2

Périco Légasse

Périco Légasse

Périco Légasse est journaliste et critique gastronomique. Il est aujourd'hui rédacteur en chef de la rubrique "art de vivre" à l'hebdomadaire Marianne.

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Serge Papin

Serge Papin

Serge Papin a dirigé pendant treize ans le groupement coopératif Système U. Il est notamment l'auteur de Et maintenant, on fait quoi (Le Cherche Midi, 2014) et Pour un nouveau pacte alimentaire (Le Cherche Midi, 2012), Consommer moins, consommer mieux avec Jean Marie Pelt (éditions Autrement, 2009).

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Nous en avons parlé précédemment, les Français, désormais, font essentiellement leurs courses au supermarché et se nourrissent principalement d’aliments transformés. Cette tendance est même à la hausse, comme l’a montré en juillet 2017 la troisième étude de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) sur les consommations alimentaires de nos concitoyens. Faut-il leur réapprendre à manger ? Ont-ils perdu le goût des bonnes choses ?

Serge Papin : Ces questions méritent d’être posées. Au nom de l’émancipation féminine, la génération post-68 a voulu se libérer de la cuisine, qui, à partir des années 1970, n’a plus été considérée que comme une contrainte ou une corvée. Les mots « cuisine » et « dépendance » étant devenus synonymes, les femmes ont rendu leur tablier. Je l’ai déjà affirmé, je comprends parfaitement que la gent féminine, à qui incombait la tâche de préparer les repas familiaux, ait eu envie de s’affranchir de cette charge. Ce qui est regrettable, c’est que cette libération ait débouché non pas sur une redistribution des rôles – les hommes auraient pu partager cette activité avec leurs compagnes et se mettre aux fourneaux eux aussi – mais sur un rejet pur et simple de la cuisine. Ceci a provoqué une rupture dans la transmission du savoir-faire culinaire au sein du cercle familial, transmission qui se faisait autrefois de mère en fille. Une fois adulte, la génération née dans les années 1970-1980, qui n’a jamais vu ses parents cuisiner, a privilégié à son tour le « prêt-à-manger ». Dans ce contexte, les notions de « goût » et de « saveurs » se sont vidées de leur sens. Il serait donc effectivement judicieux de réapprendre aux Français à manger. D’ailleurs, un certain nombre d’entre eux y aspire, me semble-t-il.

Périco Légasse : Je suis entièrement d’accord. C’est toute une culture alimentaire qui s’est perdue ces quarante dernières années. J’en veux notamment pour preuve une enquête de l’Association Santé Environnement France (ASEF) de 2013 sur les connaissances des enfants dans ce domaine. Menée auprès de 910 élèves d’une vingtaine d’écoles de la région Paca, elle a fait grand bruit à sa publication. Il faut dire que ses résultats sont édifiants ! L’un des questionnaires portait sur les fruits et légumes. D’après cette étude, 87 % des 8-12 ans ne savent pas reconnaître une betterave tandis qu’un écolier sur trois est incapable d’identifier un poireau, une courgette, une figue ou un artichaut. Même l’abricot est inconnu d’un enfant sur 5 ! Une autre épreuve consistait à demander aux élèves comment sont préparés une dizaine d’aliments transformés. Résultat : un quart des écoliers ne sait pas que les frites sont faites à partir de pommes de terre. Mieux, ou pire, 40 % d’entre eux ignorent de quoi sont composés les nuggets, les chips et le jambon. Concernant le steak haché, ils sont 60 % à ne pas pouvoir répondre à la question. Et ne nous berçons pas d’illusions, cette ignorance n’est pas l’apanage des classes défavorisées.

Au printemps, j’ai accompagné une classe de CE2 découvrir un élevage bio de poulets dans la banlieue de Rennes. Au début de la visite, les 25 enfants, tous issus de la classe moyenne, ont pu observer les volatiles courir en liberté. Mais à la fin de la visite, devant ces mêmes poulets proposés à la vente, les pattes bridées, seule une petite fille a été capable de répondre à la maîtresse, qui leur demandait ce que c’était. « Du poulet ! Maman achète le même à la boucherie », s’est-elle exclamée. Ses petits camarades, eux, n’avaient pas la moindre idée de ce qu’ils avaient sous les yeux. Dans leur esprit, le poulet, c’est soit des nuggets, soit des tranches sous cellophane. Ceux qu’ils voyaient à la vente les ont juste répugnés.

Extrait de "Du panier à l'assiette, alimentation, grande distribution, agriculture... Pour en finir avec la malbouffe !", de Serge Papin et Périco Légasse, aux éditions Solar

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