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Thierry Breton fait le pari d’immuniser l’Europe contre la Covid pour le 14 juillet mais il rêve d’un pouvoir qu’il n’a pas.
Thierry Breton fait le pari d’immuniser l’Europe contre la Covid pour le 14 juillet mais il rêve d’un pouvoir qu’il n’a pas.
©JOHN THYS / POOL / AFP

Atlantico Business

Le Commissaire européen au Marché intérieur a indiqué que l’Europe toute entière pouvait atteindre l’immunité collective. En théorie, il a raison. En pratique, il ne dit pas comment il y parviendra parce que, pour l’heure, on en est très loin.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Thierry Breton prend ses désirs et ses rêves pour des réalités qu‘il n’a pas. Il promet que l’Europe sera sortie des risques du Covid en juillet de cette année parce qu‘il va trouver assez de doses pour vacciner tous les Européens. Il peut effectivement trouver des doses, mais la vaccination ne suffira pas. Il faut aussi compter sur l’immunité collective, tabler sur le testing et le traçage des cas positifs. Et là, il n’a aucun pouvoir. Il n’a même pas le pouvoir de rendre la vaccination obligatoire.

Thierry Breton, le commissaire européen au Marché intérieur, chargé désormais de tout ce qui touche à la vaccination anti-Covid, estime que l'Europe pourrait atteindre l'immunité collective au 14 juillet.  

Il a raison, c’est théoriquement possible. Les Américains, qui sont partis beaucoup plus tard que nous dans la lutte contre l’épidémie, vont très certainement sortir de la crise avant l’été. Alors pourquoi pas nous ?

Thierry Breton, en bon industriel qu‘il a été jadis, compte sur la hausse des livraisons de vaccins. « Entre le mois de mars et le mois de juin, on va livrer entre 300 et 350 millions de doses de vaccins», dit-il.

Dans ces conditions, l'Europe atteindrait l'immunité collective au 14 juillet, une date symbolique qui n’a pas été choisie au hasard, bien sûr, compte tenu de l’impact politique de cette épidémie . Et d’ajouter qu’il n’y a qu’une solution : se faire vacciner. Puisque « les vaccins arrivent, ils seront là. Entre le mois de mars et le mois de juin, on va livrer entre 300 et 350 millions de doses ".

Selon lui, 55 usines fabriquent désormais des vaccins partout en Europe.

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Normalement, cette prophétie devrait effacer les couacs et les disfonctionnements qui ont mis l’Europe à la traine du reste du monde, et surtout, hypothéquer l’Union européenne dans sa capacité à gérer un tel chantier. A toutes les étapes de la pandémie, il faut reconnaitre que les pays de l’Union européenne se sont plantés dans les décisions, la coordination, les procédures... Sur le diagnostic, l’évolution, les agendas, les frontières, les marques, les tests, les vaccins. Les pays européens ont agi en ordre dispersé, donnant l’impression de ne pas affronter la même crise, d’être en concurrence et surtout de ne pas travailler ensemble. Sauf sur la gestion de l’impact économique, où la Banque centrale européenne a fait le job et pris la mesure de la gravité de la crise.

Si on regarde ce qu’il se passe en Grande Bretagne, beaucoup commencent déjà à murmurer que le Brexit a rendu le gouvernement plus libre d’agir et plus efficace. Quand on fera le bilan complet entre ce qu’il s’est passé au départ et le résultat à l’arrivée, on s’apercevra surement que les Anglais ne s’en sont sans doute pas mieux tirés que la moyenne des Européens, mais passons.

En revanche, si on observe la situation américaine, on est obligé de constater que toutes les bévues de Donald Trump ont été effacées et oubliées. Les États-Unis, qui ont été la honte de l’Occident au début de la pandémie en niant complètement le problème, avec un système de santé complètement à la ramasse, les États-Unis ont aujourd’hui gagné la bataille de la vaccination.

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Ce qu’il s’est passé entre les dernières semaines du mandat de Donald Trump et les premières semaines de Joe Biden est impressionnant. Joe Biden avait fixé comme objectif de vacciner 100 millions d’Américains en 100 jours. Il a réussi à atteindre cet objectif et il va désormais encore accélérer la cadence.

Il va disposer de 130 millions de doses en mars (des Pfizer et Moderna, des Johnson and Johnson). Autant en avril, puis en mai.

Concrètement, l’Amérique vaccine 2,5 millions d’Américains par jour et la plupart des États ouvre la vaccination à toutes les personnes, sans les trier en fonction de l’âge ou de l’état de santé.

Alors si on prend à la lettre les objectifs de Thierry Breton, il peut évidemment gagner son pari. Sauf qu‘il ne maitrise pas une batterie de conditions qui sont nécessaires.

1° Il n’a aucune garantie de disposer des doses, dans la mesure où les vaccins fabriqués en Europe peuvent être envoyés à l'extérieur de l’Europe, en fonction des contrats passés par les laboratoires.

2° La logistique à mettre au point pour organiser cette vaccination massive n’est pas organisée, sauf peut-être en Allemagne. Thierry Breton n’a aucun pouvoir pour imposer des coordinations entre médecins et pharmaciens, entre les Etats centraux et les autorités locales.

3° Le Commissaire européen n’a pas la main sur les administrations qui gèrent et régulent les politiques de santé. Il peut intervenir sur l‘agence européenne de santé, mais pas forcément sur les agences nationales. On a vu le cafouillage autour du vaccin Astra Zeneca.

4° Et autre essentiel pour accélérer la vaccination, il faut certes des doses, mais il faut aussi qu’un maximum d’Européens veuille se faire vacciner, ce qui n’est pas encore le cas actuellement. La méfiance est grande.

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5° Enfin, compte tenu de cette méfiance, il faut aussi compter sur l’immunité naturelle acquise par tous ceux qui ont contracté le virus. Il faut donc accélérer le testing, le traçage et l’isolement des cas positifs et des cas contacts.

Thierry Breton n’a aucun pouvoir pour obliger les gouvernements européens à prendre des mesures souvent considérées comme liberticides.

L’énergie de Thierry Breton est la bienvenue. Espérons qu‘elle aidera à sortir l’Europe du piège Covid. Mais ce qui est presque sûr, c’est que cette prévision « Breton » va surtout une fois de plus marquer les déficits européens. Les pro-européens vont se plaindre avec raison. Les anti-européens y trouveront une fois de plus l’occasion de proclamer que, décidément, l’Europe dessert plus qu’elle ne sert les pays membres. 

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