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Sombre prédiction d’un spécialiste européen de l’islamisme radical : le problème de l’Europe va aller en s’aggravant
©AFP

En attendant des jours meilleurs

L'analyse effrayante du chercheur norvégien Thomas Hegghammer a encore récemment été corroborée par l'attentat de Berlin. Vaincre l'Etat Islamique ne suffira absolument pas et c'est bien l'islam radical sur le plan idéologique qu'il faut combattre.

Roland Lombardi

Roland Lombardi

Roland Lombardi est consultant et Directeur général du CEMO – Centre des Études du Moyen-Orient. Docteur en Histoire, géopolitologue, il est spécialiste du Moyen-Orient, des relations internationales et des questions de sécurité et de défense.

Il est chargé de cours au DEMO – Département des Études du Moyen-Orient – d’Aix Marseille Université et enseigne la géopolitique à la Business School de La Rochelle.

Il est le rédacteur en chef du webmedia Le Dialogue. Il est régulièrement sollicité par les médias du Moyen-Orient. Il est également chroniqueur international pour Al Ain.

Il est l’auteur de nombreux articles académiques de référence notamment :

« Israël et la nouvelle donne géopolitique au Moyen-Orient : quelles nouvelles menaces et quelles perspectives ? » in Enjeux géostratégiques au Moyen-Orient, Études Internationales, HEI - Université de Laval (Canada), VOLUME XLVII, Nos 2-3, Avril 2017, « Crise du Qatar : et si les véritables raisons étaient ailleurs ? », Les Cahiers de l'Orient, vol. 128, no. 4, 2017, « L'Égypte de Sissi : recul ou reconquête régionale ? » (p.158), in La Méditerranée stratégique – Laboratoire de la mondialisation, Revue de la Défense Nationale, Été 2019, n°822 sous la direction de Pascal Ausseur et Pierre Razoux, « Ambitions égyptiennes et israéliennes en Méditerranée orientale », Revue Conflits, N° 31, janvier-février 2021 et « Les errances de la politique de la France en Libye », Confluences Méditerranée, vol. 118, no. 3, 2021, pp. 89-104.

Il est l'auteur d'Israël au secours de l'Algérie française, l'État hébreu et la guerre d'Algérie : 1954-1962 (Éditions Prolégomènes, 2009, réédité en 2015, 146 p.).

Co-auteur de La guerre d'Algérie revisitée. Nouvelles générations, nouveaux regards. Sous la direction d'Aïssa Kadri, Moula Bouaziz et Tramor Quemeneur, aux éditions Karthala, Février 2015, Gaz naturel, la nouvelle donne, Frédéric Encel (dir.), Paris, PUF, Février 2016, Grands reporters, au cœur des conflits, avec Emmanuel Razavi, Bold, 2021 et La géopolitique au défi de l’islamisme, Éric Denécé et Alexandre Del Valle (dir.), Ellipses, Février 2022.

Il a dirigé, pour la revue Orients Stratégiques, l’ouvrage collectif : Le Golfe persique, Nœud gordien d’une zone en conflictualité permanente, aux éditions L’Harmattan, janvier 2020. 

Ses derniers ouvrages : Les Trente Honteuses, la fin de l'influence française dans le monde arabo-musulman (VA Éditions, Janvier 2020) - Préface d'Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement et de sécurité de la DGSE, Poutine d’Arabie (VA Éditions, 2020), Sommes-nous arrivés à la fin de l’histoire ? (VA Éditions, 2021), Abdel Fattah al-Sissi, le Bonaparte égyptien ? (VA Éditions, 2023)

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Atlantico : Le Washington Post revenait récemment sur l'argumentaire du chercheur norvégien Thomas Hegghammer qui estime que la situation en matière de terrorisme en Europe est vouée à empirer à l'avenir. Il se base notamment sur la situation de précarité d'une forte part des jeunes musulmans européens, mais aussi sur le retour de combattants du front syro-irakien, entre autres. Un tel constat vous semble-t-il pertinent ? Doit-on craindre une résurgence du terrorisme en Europe ?

Roland Lombardi : Je pense en effet, que la menace terroriste risque plutôt de s’intensifier. Daesh affaibli sur le terrain, les volontaires au djihad ont de plus en plus de mal à rejoindre les théâtres d’opération en Libye et surtout en Irak ou en Syrie. Sans parler de ceux qui en reviendront ! De fait, comme d’ailleurs le leur recommandent les responsables de Daesh eux-mêmes, ils seront plus tenter d’agir là où ils vivent, notamment en Europe, le ventre mou de l’Occident. On l’a bien vu avec les derniers attentats qui ont touché la France et dernièrement l’Allemagne.

Certes, Daesh sera vaincu à plus ou moins long terme. Mais une fois l’EI disparu, un autre mouvement verra sûrement le jour et n’oublions pas qu’Al-Qaïda existe toujours… Ainsi, le problème n’est pas tant les problèmes socio-économiques (même s’ils ont leur importance), ni même le terrorisme (qui est en définitive un mode opératoire comme un autre) ou encore l’organisation (interchangeable) mais bien l’"idéologie", à savoir le wahhabisme et le salafisme djihadiste, en un mot, l’islamisme conquérant et politique, qui survivra à Daesh et qui sera plus difficile à vaincre…

On combat le terrorisme par la force et la détermination mais aussi par l’intelligence. Car, en effet, le seul moyen de lutter contre une idée est de lui opposer une autre idée. Le problème est de savoir si, pour l’heure, l’Occident –ou du moins nos dirigeants actuels-  a quelque chose de grand, de solide et de sérieux à proposer comme "idée"…

De plus, n’oublions pas que ceux qui sont en première ligne pour combattre le djihadisme sont les musulmans eux-mêmes et surtout, les autorités religieuses sunnites. Aussi diverses et divisées qu’elles soient, ce sont elles qui devraient entreprendre une réelle "révolution religieuse" et un véritable "aggiornamento" dans l’islam, comme l’a appelé de ses vœux Al-Sissi, le Président égyptien, dans son fameux discours de décembre 2014 à Al-Azhar… Mais ça c’est une autre histoire…

Quels sont les principaux ressorts et mécanismes qui corroborent cette thèse ? De quelles armes disposons-nous pour intervenir dessus et lesquelles utilisons nous aujourd'hui ? L'état d'urgence est-il suffisant ?

Malheureusement, l’Europe, géant économique, n’est cependant qu’un nain politique et géopolitique. Elle est pour l’instant démunie. Mais elle est moins démunie "matériellement" que moralement. Je m’explique : en dépit d’un manque de moyens certains, les polices européennes sont relativement efficaces. Les services de sécurité et de renseignement européens s’adapteront rapidement en prenant exemple sur leurs collègues espagnols, italiens et surtout, français qui ont déjà acquis une certaine expérience dans la lutte contre le terrorisme en général et le terrorisme islamiste en particulier. Par ailleurs, la coopération à ce niveau va inévitablement se développer et monter en puissance. Toutefois, c’est au niveau politique que je suis beaucoup moins optimiste. Quid des inefficaces accords de Schengen ? Quid de la politique catastrophique concernant  l’accueil des migrants ? Quid des divergences de vues sur la Méditerranée et le Moyen-Orient ? Et enfin, quid du courage de nos dirigeants ? 

Dans ce type de terrorisme, dont le but est clairement de faire éclater les sociétés européennes et déclencher des guerres civiles, il faut tout faire (notamment par des mesures d’exception que les Etats européens se refusent encore à prendre) pour que les citoyens, perdant patience, ne prennent un jour des dispositions dramatiques pour se défendre eux-mêmes. Comment réagiront-ils lorsqu’une école ou un petit village seront attaqués ? Certes, on ne cesse de le répéter, le risque zéro n’existe pas. Toutefois, le danger doit être réduit au minimum. Et c’est là que le bât blesse. On sent très bien que nos dirigeants hésitent et tergiversent. Chose étonnante pour des chefs d’Etat "en guerre" ! Finalement, le sentimentalisme (à géométrie variable), l’angélisme, les idéologies et le manque de courage (et "la diplomatie des contrats" notamment pour la France) sont les véritables plaies des politiques européennes face au terrorisme, à l’islamisme, à la crise des migrants ou face aux bouleversements proche-orientaux. Passons sur le moralisme inquisiteur, la mièvrerie, les mensonges et les manipulations de la plupart des médias européens concernant la crise des "réfugiés" (qui est surtout et d’abord, une grave crise géopolitique pour le continent) ou plus récemment, sur la libération d’Alep. Passons aussi sur certaines élites et intellectuels bien-pensants, parfois décrits comme "spécialistes" du monde arabo-musulman, ceux que Gilles Kepel appelle justement les  "islamo-gauchistes", et qui ne voyant pas plus loin que leurs idéologies faisandées, recherchent encore des excuses et des circonstances atténuantes aux terroristes ! Comble de l’ignominie, certaines de ces belles âmes osent même qualifier les jeunes français, partis faire le djihad en Syrie ou en Irak, de "vétérans" ! 

Par contre, nous ne pouvons que déplorer les discours lénifiants et dignes de simples présidents d’ONG de la part d’Angela Merkel et de François Hollande. Là où nous aurions aimé écouter une femme et un homme d’Etat, c'est-à-dire une Thatcher et un Clemenceau, nous n’avons entendu que des politiciens déconnectés des réalités et de leurs peuples, une sorte de Mère Teresa et d’Abbé Pierre, mais sans, bien sûr, les hautes et sincères qualités morales et humaines de ces derniers !  C’est pitoyable et surtout dangereux ! Car au niveau des Etats, ce que nous considérons comme de la tolérance, de la solidarité ou de la charité universelle…est, au contraire, le plus souvent perçu comme de la faiblesse. Et en projetant une image de faiblesse, nous récoltons et récolterons encore de la violence.

Par ailleurs, en dépit des mesures prises depuis 2015, la majorité des Européens et des Français par exemple, ne se sentent pas protégés par leurs responsables, en qui ils n’ont d’ailleurs plus aucune confiance. Ils sont en colère. Une colère qui se défoule pour l’instant dans les urnes et les réseaux sociaux, mais jusqu’à quand ?

Comment se préparer à vivre avec le terrorisme en guise d'épée de Damoclès ? Quelles sont les sociétés sur lesquelles il pourrait être possible de prendre exemple ?

En France, ces derniers temps, certains observateurs ont souvent évoqué l’Etat hébreu comme exemple. Mais "copier" Israël pour vivre avec le terrorisme, comme vous dites, est plus compliqué qu’on ne le pense. 

Vous savez l’Etat hébreu, depuis sa création en 1948, doit faire face à la guerre. C’est une démocratie en guerre et avec un voisinage dangereux. Les Palestiniens et le monde arabe, dans son ensemble, ne reconnaissent pas son existence. Israël connaît le terrorisme depuis des décennies (Prises d’otages, bombes, attaques kamikazes, voiture bélier ou attaque à l’arme blanche). C’est durant la seconde Intifada, dans les années 2000, que ce terrorisme a atteint son paroxysme. Aujourd’hui encore, les attentats sont fréquents (Intifada des couteaux de ces derniers mois).

Mais si nous pouvons observer une résilience notable chez les Israéliens et si l’Etat hébreu réussit relativement à maîtriser ce phénomène, c’est aussi parce que la population est tout entière mobilisée. Depuis leur petite enfance, les Israéliens savent comment réagir en cas d’attaque ou devant une situation difficile. A leur majorité, la plupart des Israéliens accomplissent leur service militaire (3 ans pour les hommes, 2 ans pour les femmes). Ensuite, durant toute leur vie, ils deviennent réservistes pour des durées plus ou moins longues. Certains spécialistes occidentaux avancent même que les réservistes israéliens ont le même niveau militaire que, par exemple, les parachutistes français ! Quoiqu’il en soit, ils connaissent très bien les armes et savent s’en servir. Le permis de port d’arme est d’ailleurs très facilement délivré en Israël.

Concernant la lutte anti-terroriste proprement dite, l’une des différences avec la France, c’est qu’Israël procède, elle, à des arrestations à la moindre menace et les détentions préventives peuvent durer plus de six mois et sont renouvelables si besoin…

Les Israéliens utilisent par ailleurs leur excellence dans le domaine technologique aussi dans la lutte contre le terrorisme (Facial-recognition Scanners, piratage informatique, écoute téléphonique, fichiers informatiques et logiciels ultra-sophistiqués...). Mais ils n’ont jamais délaissé pour autant l’incontournable renseignement humain.

La lutte antiterroriste de l’Etat hébreu n’a jamais cessé d’évoluer. Elle repose notamment sur trois composantes policières (et non l’armée) qui sont en alerte permanente et dont les chefs, les officiers et les agents sont de parfaits arabisants. Le Shin Beth (ou le Shabak) est le service de sécurité intérieure. C’est un service de contre-espionnage qui mène des opérations antiterroristes. Il est aussi spécialisé dans le renseignement high-tech (écoutes, surveillance des réseaux sociaux…) mais aussi humain (infiltration, "retournement", manipulation…).

Ensuite, il y a le Mishtara qui est une police civile chargée de la sûreté publique et du maintien de l’ordre. Puis, le Magav est une police militaire qui est chargée de surveiller les frontières et de lutter contre le terrorisme.

Quant à l’armée, elle n’intervient que très sporadiquement dans la lutte antiterroriste au quotidien sur le territoire israélien. Toutefois, elle conduit régulièrement des opérations dans les territoires occupés.

Enfin, une partie de la sécurité du pays (cinémas, plages, concerts, boîtes de nuit, centres commerciaux, aéroports, gares, quartiers ou résidences…) est sous-traitée par des sociétés privées dont les agents sont armés.

La France (comme la plupart de ses voisins européens d’ailleurs), quant à elle, est une démocratie en paix. Elle a déjà connu, certes, des vagues d’attentats islamistes dans le passé (années 1970-1980, années 1990) mais les Français vivent en paix depuis des décennies. Il n’y a plus de service militaire depuis les années 1990. La société française est une société de consommation typique du monde occidental, à savoir matérialiste et très individualiste. J’oserai même dire une société "aseptisée". D’où l’effroi et l’émotion après les tragédies de ces 18 derniers mois et surtout, l’absence de réaction violente de la population. Aujourd’hui avec 5 à 8 millions de musulmans en France dont la grande majorité souhaite vivre et travailler paisiblement, la société française reste toutefois très fracturée et "le vivre ensemble" n’existe plus que dans les rêves de quelques idéologues.

Autre exemple souvent cité, est l’exemple russe. Là encore, nous sommes dans des univers différents. 

Il y a près de 10 000 mosquées en Russie et la plus grande d’Europe, inaugurée en 2015, se trouve d’ailleurs à Moscou. L’islam est implanté depuis près de 1300 ans dans certaines régions comme le Nord-Caucase, dans l’Oural et près de la Volga. 

Aujourd’hui, près de 15 % de la population russe est musulmane soit entre 20 et 22 millions (la plus importante des minorités) sur 150 millions d’habitants. C’est donc cette proximité très ancienne avec l’islam, qui fait des Russes de fins connaisseurs de cette religion. L’Institut d’études orientales (IVA) de l’Académie des sciences de Moscou est justement, avec ses deux cent ans d’existence, l’un des meilleurs centres de recherches et de réflexions sur l’islam et l’Orient de la planète.

Au XVIIIe siècle, c’est sous l’influence des réformes de la tsarine Catherine II, que l’islam russe, essentiellement des Tatars (majoritaires), se réforma pour donner le djadidisme. Pour beaucoup, ce "modèle de Kazan (capitale du Tatarstan)" représente un exemple d’islam moderne, libéral et éclairé par une tradition érudite. Il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui, l’islam de Russie, sans pour autant avoir une autorité centrale, est toutefois relativement discipliné, hiérarchisé et organisé. Il existe notamment de nombreuses institutions représentatives comme l’une des plus importantes et des plus anciennes, l’Assemblée spirituelle des musulmans (DUM) de Russie, créée en 1788 et qui est une autorité administrative chargée de nommer les mollahs et de veiller au respect de la législation russe. Cette institution a évolué au fil des siècles et s’est démultipliée au niveau régional.

Quoiqu’il en soit, même si elles restent toujours sous étroite surveillance de la part des autorités russes, les diverses organisations musulmanes et les autorités religieuses du pays demeurent dans l’ensemble relativement loyales et fidèles à la patrie.

Certes, la Russie a été naturellement confrontée aux influences turques et déstabilisée dans ses périphéries par des mouvements djihadistes (Caucase, Asie centrale). C’est pourquoi, la Fédération a développé une politique souveraine envers "son islam" et c’est une raison pour laquelle, depuis le début des années 1990, les imams étrangers ont été expulsés et tout financement comme toute influence extérieure, notamment venant des pays du Golfe, sont interdits. D’ailleurs, le wahhabisme, le salafisme ainsi que les Frères musulmans sont proscrits en Russie !

Dans le Caucase notamment, le Kremlin a repris le contrôle des imams caucasiens et déverse des millions de roubles tout en s’appuyant, comme justement en Tchétchénie avec le très controversé Ramzan Kadyrov, sur des potentats locaux et féroces qui font régner la paix et l’ordre jusqu’au fond des mosquées…  

Bien sûr, le pays n’est pas pour autant épargné par le même phénomène de radicalisation qui touche les musulmans ou les convertis des pays occidentaux. Par exemple, plus de 2 400 Russes et près de 4 000 ressortissants des anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale auraient rejoint les rangs des djihadistes en Syrie. Notons au passage, qu’officiellement les autorités moscovites ont interdit ces départs. Mais dans les faits, elles ne les ont pas vraiment empêchés. Peut-être même qu’elles les ont parfois facilités afin d’éloigner le danger du territoire national tout en espérant "fixer" à l’extérieur ces "traîtres" pour pouvoir les "traiter" avec plus d’efficacité ultérieurement…comme c’est le cas aujourd’hui en Syrie.

Actuellement en Russie, les imams, les muftis, les théologiens, les savants et toutes les instances religieuses, comme l’Université islamique de Moscou, sont mobilisés au plus haut niveau pour endiguer l’extrémisme religieux et faire redécouvrir l’islam traditionnel. Parallèlement, le pouvoir et les autorités religieuses travaillent main dans la main pour faire concilier islam et patriotisme. En 2015, le Conseil des muftis de Russie a notamment lancé "la doctrine sociale des musulmans russes", un document à caractère patriotique mais précisant la place et le rôle des musulmans dans la vie de la Russie du point de vue des sources du droit musulman comme de la législation russe.

Par ailleurs, le Conseil des muftis de Russie, le Conseil spirituel des musulmans et le Conseil tchétchène des fatwas ont condamné Daesh comme "ennemi de la religion" et déclaré que ses membres doivent être "traités, non en tant que musulmans, mais en tant que criminels".

Quant au puissant FSB (ex-KGB), le service de sécurité intérieure russe (comme le SVR, le service extérieur de l’espionnage russe) s’active depuis des années à combattre impitoyablement le terrorisme. Car la Russie est comme la France, une des principales cibles de ce fléau. Cette menace du terrorisme islamiste a toujours été présente sur le sol russe et le Kremlin a pris la mesure du problème il y a déjà bien longtemps. Si le FSB est connu pour son expertise dans la lutte anti-terroriste, notamment grâce à son renseignement humain, ses infiltrations voire parfois ses intrigues, ses ruses et ses manipulations (vieilles, mais non moins efficaces, méthodes du feu KGB), les autorités russes sont très bien conscientes que le risque zéro n’existe pas dans ce domaine. Néanmoins, la Russie semble mieux armée que les faibles démocraties occidentales contre ce genre d’attaques. Tout d’abord, parce qu’en temps normal, déjà, les responsables russes sont peu adeptes des Droits de l’homme et de l’Etat de droit. Alors en situation de "guerre", on peut aisément penser qu’ils ne s’encombrent nullement de ce genre de considérations…

En Russie, les autorités ont moins de scrupules et il n’y a pas d’hésitations ni de tergiversations sur cette question. Du côté de Moscou, les mesures d’exception, parfois très expéditives, et la manière "cosaque" sont préférées aux bougies, aux discours de compassion ou encore aux "numéros verts", et autres "centres de déradicalisation" ou bracelets électroniques… Sur les bords de la Moskova, on écarte donc tout angélisme ou idéologie pour privilégier le fameux "principe de précaution" qui permet d’interner préventivement tout suspect.

En conclusion, la guerre contre l’islamisme sera longue, difficile et douloureuse. La France, la Russie et Israël sont donc des pays très différents. Français, Russes et Israéliens, nous l’avons vu, n’ont pas les mêmes logiciels mentaux. C’est pour cela, que tout n’est bien sûr pas transposable mais si des idées sont bonnes, il est normal que la France s’en inspire.

Cependant, elle peut tout aussi bien avoir ses propres solutions ou adapter les recettes israéliennes ou russes à la spécificité française. 

D’abord, en aval, je pense qu’il aurait fallu, profitant de l’effroi et de l’émotion générale qui ont suivi les attentats de janvier et novembre 2015, "frapper vite et fort" et imposer des mesures d’exception comme De Gaulle l’avait fait contre l’OAS dans les années 1960. Ainsi, nous aurions pu fermer nos frontières, expulser les étrangers dangereux, fermer la centaine de mosquées salafistes (toujours ouvertes) et, comme en Russie, interdire ce mouvement comme celui des Frères musulmans (interdit aussi en Arabie saoudite) sur le territoire. Avec des mesures d’exception, les 15 000 Fiches S et tous les djihadistes français qui reviennent et reviendront du Moyen-Orient pourraient être neutralisés d’une manière ou d’une autre et une bonne fois pour toute. Ensuite, il faudra réaffirmer l’autorité de l’Etat et en finir avec le laxisme pénal et la victimisation des délinquants, par exemple en alourdissant les peines, en rabaissant la majorité pénale à 15 ans et en coupant toute aide sociale (effet très dissuasif) aux familles des candidats du djihad et des apprentis terroristes. L’état d’urgence et l’autorisation donnée aux policiers de porter leurs armes en dehors du service ont été de bonnes choses. Pour le coup, nous pourrions ici nous inspirer de l’exemple israélien en revoyant la législation française sur la légitime défense et les armes, notamment pour nos sociétés de sécurité privées, tout en développant notre réserve citoyenne et pourquoi pas restaurer un service national qui renforcera par là même occasion notre cohésion nationale. 

En amont, peut-être faudra-t-il, aussi et surtout, une sorte de nouveau concordat avec la création d’un véritable Islam de France patriote, sans influences extérieures et dont l’organisation pourrait alors s’inspirer de l’Islam de Russie… Par ailleurs, il sera nécessaire d’entreprendre une véritable révolution dans la formation professionnelle et l'éducation nationale dans le fond (arrêt des repentances et de l'autoflagellation historiques si néfastes pour toute cohésion nationale) comme dans la forme, afin de redonner un roman national aux futurs citoyens français.

Enfin, à l’international, il faut abandonner notre "Irréalpolitik", revoir nos relations et nos dépendances commerciales avec les monarchies du Golfe et se rapprocher de la Russie. Ainsi, comme elle, nous définirons et adopterons expressément une politique ambitieuse, claire et cohérente en Méditerranée (notre frontière la plus importante) et au Moyen-Orient, basée non plus sur nos seuls profits commerciaux mais sur la défense de nos intérêts vitaux, une lutte impitoyable contre l’islam radical et politique (dans notre intérêt et celui des musulmans) et sur une concrète "ingérence de la coopération ou du co-développement". Ceci, afin de répondre rapidement et sérieusement, et avant qu’il ne soit vraiment trop tard, aux immenses défis que sont la démographie explosive du Sud et bien sûr le terrorisme que nous venons d’évoquer. Mais pour cela, il nous faut de vrais hommes d’Etat et non des petits gestionnaires à courte vue…

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