Salon de Munich : l’électrique s’impose chez les constructeurs, mais les clients boudent et les Etats se ruinent en subventions<!-- --> | Atlantico.fr
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Une toute nouvelle voiture électrique Mégane de Renault lors du Salon international de l'automobile, le 6 septembre 2021 à Munich.
Une toute nouvelle voiture électrique Mégane de Renault lors du Salon international de l'automobile, le 6 septembre 2021 à Munich.
©TOBIAS SCHWARZ / AFP

Atlantico Business

La révolution électrique a été engagée. En passant de Francfort à Munich, le salon automobile ne présente que des voitures électriques mais le client n’est pas au rendez-vous, alors que tous les États se ruinent en subventions, bonus et aides de toutes sortes.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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L’industrie automobile est peut-être à la veille d’une révolution historique ou alors, elle va plonger malgré elle dans une supercherie que l’on découvrira, mais un peu tard.

Honnêtement, à écouter certains analystes industriels, la voiture électrique va bouleverser l’industrie. Selon les leaders écologiques, cette mutation est incontournable si on veut se préparer à lutter pour le climat. Cette ambition est joyeusement relayée par la plupart des médias parce que cette évolution paraît désormais inéluctable, mais le grand public reste pourtant dubitatif.

Très honnêtement, aucun constructeur sérieux, aucun expert ne peut affirmer que la voiture électrique remplacera complètement la voiture à essence, et surtout personne n’est capable de dire dans combien de temps. Ce que tout le monde constate, c’est que la totalité de l’industrie automobile mondiale se convertit à l’électrique sans savoir si le client va s’y mettre massivement. Pour l’instant, le client ne se précipite pas et il a de bonnes raisons, mais ce qui est certain, c’est que les États déversent des subventions et des aides comme rarement dans l’histoire économique.  Alors, il y a un côté, certes, utopique dans toute révolution, mais dans le cas de la mobilité électrique, on frôle souvent la supercherie.

Pour bien marquer l’importance du changement, le salon automobile de Francfort, le plus important du monde avec celui de Detroit, s’est transporté à Munich, et là, toutes les voitures présentées sont des voitures électriques. Toutes les grandes marques, à commencer par les allemandes, mais aussi les françaises, italiennes et cette année, pour la première fois, les marques chinoises, présentent leurs modèles électriques.

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Ce qui est très intéressant et assez curieux, c’est qu’au deal des projecteurs et des paillettes que consomment les constructeurs auto pendant un salon, on commence à comprendre un certain nombre de vérités qui nuancent beaucoup l’optimiste officiel.

1er point : les constructeurs remplissent leur vitrine de voitures électriques, mais ne se font pas d’illusion sur le comportement des clients. Ils peaufinent la technologie de l’électrique, ils essaient de mettre au point des batteries qui seront toutes au lithium, avec système de recharge rapide (plus rapide) mais sont très embarrassés par le déficit d’équipements pour recharger ou échanger des batteries. En dehors de cela, les voitures sont rutilantes. Mais derrière la vitrine, les bonnes et vielles voitures à essence fabriquent la rentabilité de la marque, parce qu’elles continuent de répondre à la vraie demande. Et les constructeurs ont besoin de cette rentabilité pour financer leur transformation vers l’électrique.

2e point : les clients ne se précipitent pas sur l’électrique pour des raisons évidentes : l’autonomie n’est pas suffisante, les conditions de recharge des batteries sont aléatoires et très longues.

En 2012, Luc Besson avait produit un film, sans doute en accord avec Renault, qui mettait en scène une ZOE et qui décrivait les aventures d’un homme qui retrouvait l’amour grâce à sa voiture qu’il fallait recharger des heures et des nuits entières en pleine campagne. Vincent Perez jouait le rôle de ce quadra bobo, carriériste, qui séduit Marie, fille de la campagne grâce aux pannes de batteries de sa voiture. Le prince était donc presque charmant, comme le dit le titre du film. Arnaud Montebourg, ministre de l’industrie, était content de cette exposition mais Carlos Ghosn était plus perplexe sur l’efficacité du message, malgré l'insistance de l’agence qui avait même réussi à placer la Twizy en prime.

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Présente tout au long du film, la Zoé Renault électrique avait joué son premier grand rôle au cinéma. Le film n’est pas resté longtemps à l’écran. Il est sorti un mercredi de janvier 2013, il a été retiré de l’affiche dans les 24 heures quand Renault a considéré que le romantisme du film ne servait guère la cause de la ZOE électrique.

Ce film réunissait toute les qualités et les défauts de la voiture électrique. Son côté écologique, le retour à la campagne, les vraies valeurs, avec une vision moderniste. Mais le film ne délivrait pas la promesse de mobilité. Séduire une femme en lui faisant le coup de la panne n’était pas d’une originalité forte mais le traitement était drôle. En revanche, la façon dont on avait utilisé la Zoe électrique n’emballait pas le PDG de Renault.

L’industrie a fait un peu de progrès depuis ce malheureux film, mais le client a toujours du mal à se convaincre qu‘il pourra voyager avec sa famille en toute tranquillité.

Il faut dire que les constructeurs n’ont pas de chance. Piégés par le manque d’autonomie, les vendeurs essaient de nous expliquer que la voiture électrique est particulièrement pratique en ville. Ils ont raison parce que c’est vrai. Sauf que le message tombe à un moment où la maire de Paris a choisi de tout faire pour supprimer les voitures particulières à Paris, provoquant une impossibilité de se déplacer à cause du trafic, qu’on soit en voiture électrique ou à essence.

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Résultat :  en dix ans, l’électrique n‘a pas pris 9 % du marché de l’automobile neuve. Pas de quoi faire vivre toute une industrie et surtout pas de quoi financer la mutation.

3e point : Si l’Etat continue à distribuer des bonus écologiques et des primes à la conversion, il va se ruiner. Sans parler des collectivités locales qui s’y mettent alors qu’elles sont également désargentées.

Une voiture électrique coute cher en sortant de l’usine ou du concessionnaire. Pour arriver chez le client, l’Etat donne donc en bonus et subventions environ entre 40 et 50 % du prix de départ de la voiture. Pour qu’une voiture électrique soit affichée à 20 000 euros, prix moyen d’une voiture moyenne à moteur à essence ou diesel, l’Etat en apporte presque la moitié.   

Le premier salon mondial consacré à cette révolution de la voiture électrique, soulève un certain nombre de question à lesquelles il faudra bien répondre.

D’abord si les États persistent à privilégier l’électrique, il va falloir que cette industrie de l’automobile où les emplois sont nombreux se restructure. Ce n’est pas la première préoccupation des groupes écolos. Tous les efforts réalisés et financés pour améliorer le rendement des moteurs thermiques (et ils sont déjà considérables), seront arrêtés et leurs résultats vont perdre de leur valeur alors qu’on n’a toujours pas fait l’évaluation comparée entre la voiture traditionnelle, mais moderne et améliorée, et la voiture électrique en ce qui concerne leur empreinte carbone.

Par ailleurs, il faudra aussi que l’Etat sécurise les fournisseurs d‘électricité et assume l’importance du nucléaire, seul moyen propre d’apporter l’électricité nécessaire.

Ensuite, il faudra nécessairement protéger nos fournisseurs de batteries (actuellement les Chinois) et de terres rares, et diversifier les approvisionnements.

Enfin, les verrous qui bloquent l’industrie française sont aussi ceux qui bloquent les autres pays constructeurs d’automobile, la conversion de l’industrie automobile à l’électrique va appeler des accords européens, de façon à sécuriser les fournitures d’accessoires, des batteries et des métaux rares, mais aussi la coordination des productions d’électricité. Ce qui n’est toujours pas fait depuis que l’Allemagne a fermé ses centrales nucléaires pour endormir les opposants, lesquels ne sont pas gênés de vivre avec les centrales à charbon.

Après avoir mis en place une structure nucléaire propre qui a été démontée, l’Allemagne est donc devenue le plus gros pollueur d‘Europe puisqu’elle se nourrit d’électricité nucléaire, venue d’ailleurs.

On a toujours su que les écologistes étaient à l‘ouest de la planète et les pollueurs à l’est. C’est globalement vrai. Les pays développés font de gros efforts pour réduire leurs émissions de CO2, mais l’Allemagne réussit l’exploit d’avoir le contingent d’écologistes le plus actif,  mais aussi des taux de pollution les plus lourd d’Europe.

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