Report du plan de relance : gouverner par la peur plus que par la raison ?<!-- --> | Atlantico.fr
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économie bruno le maire emmanuel macron plan de relance calendrier repoussé économie activité coronavirus covid-19
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©ludovic MARIN / POOL / AFP

Rentrée de tous les dangers

La présentation du plan de relance par Bruno Le Maire était prévue cette semaine. Finalement, Emmanuel Macron et Jean Castex ont décidé de la reporter d’une semaine. Le Premier ministre ne veut pas que la "pédagogie" sur le coronavirus ne soit éclipsée par les annonces sur la relance. La peur de la maladie passe avant le sauvetage économique.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Le gouvernement reporte donc d’une semaine la présentation de son plan de relance. Officiellement, il s’agit de ne pas télescoper les explications auxquelles les Français vont avoir droit pour limiter la contagion et éviter un nouveau confinement. La séquence du plan de relance a droit à une explication en soi, loin de l’actualité sanitaire. Donc on repousse les explications sur la relance. Elle attendra. La maladie avant tout. 

Le symbole est terrible.

Gouverner par la peur

Jamais pourtant le coronavirus n’a aussi peu tué en France. La lecture des chiffres montre bien qu’il est devenu une phénomène anecdotique pour la santé publique. Et malgré une forte augmentation du nombre de contaminations, sa létalité reste confidentielle. 

Cette évolution n’a pas empêché le gouvernement de « tenir le pays » durant tout l’été avec lui. La propagation du virus a permis, d’heure en heure, d’annoncer de nouvelles mesures toujours plus coercitives, jusqu’au port du masque obligatoire dans les entreprises à la rentrée, en ajoutant des zones géographiques toujours plus larges pour cette obligation. 

Parallèlement, les médias mainstream, et tout particulièrement les chaînes d’information en continu, n’ont pas tari de reportages et de débats permanents sur le sujet. Tout s’est construit pour que les Français vivent dans la psychose du virus et dans la conviction que leur santé était à nouveau gravement menacée par cet ennemi invisible. 

On ne pouvait imaginer meilleur gouvernement par la peur. 

“Alors qu’entrera en vigueur dans 10 jours l’obligation du port du masque en entreprise et pour les élèves des collèges et lycées, le gouvernement est pleinement mobilisé pour préparer cette échéance sanitaire” Gabriel Attal Tweet

Silence sur la catastrophe économique

Pourtant, si les Français doivent avoir peur de quelque chose aujourd’hui, c’est plutôt de la crise économique dont les résultats semestriels des entreprises ont commencé à montrer l’ampleur. Les fleurons du capitalisme français vacillent, et le PIB se contractera cette année de plus de 10%. Voilà qui donne une bonne image des malheurs qui arrivent. Ils ne porteront pas le nom d’un virus méconnu, mais des noms beaucoup plus familiers à l’oreille des Français : chômage, plans sociaux, licenciements massifs, fins de droit. 

Sur tous ces points, le gouvernement reste beaucoup plus discret. On attendrait de lui qu’il lance un appel à la mobilisation générale et à la prise de conscience collective. Il préfère envoyer le message d’un report du plan de relance, comme s’il n’y avait pas d’urgence, comme si le sursaut économique pouvait attendre. 

Cette passivité lui sera un jour reprochée, tant elle est coupable. Il faudrait, avec le pays, discuter des priorités économiques. On préfère disserter interminablement sur les vertus de tel ou tel masque. 

L’incompétence au pouvoir coûtera cher

Il faut dire que le gouvernement ne se contente pas d’enjoliver discrètement la situation. Il va jusqu’à réécrire l’histoire en faisant croire qu’au fond, la récession est un accident imprévisible survenu dans une mer d’huile. C’est le sens des interventions d’une Agnès Pannier-Runacher, la sous-ministre de l’économie qui répète à l’envi que la crise en cours est une chance pour l’économie française. Selon elle, la situation économique était excellente avant le confinement. 

Ce genre d’affirmation illustre la profonde incompétence des soutiens qu’Emmanuel Macron a promus dans son équipe. Car avant même le confinement, le déficit public état incontrôlable, et la croissance était largement en panne

Sur la base de tant d’erreurs de diagnostic, on voit mal comment pourrait se bâtir une relance durable. Si tant est qu’une relance par l’Etat soit possible. 

Cliquez ici pour voir le tweet et la vidéo

Le renoncement définitif des élites à la raison

Cette séquence d’un plan de relance (déjà tardif, en soi) reporté pour cause de « pédagogie » sur le coronavirus est la meilleure preuve donnée du biais qui structure désormais nos élites : l’abandon de toute pensée économique à long terme, et le repli assumé sur les peurs et sur les solutions émotionnelles. Alors qu’Emmanuel Macron a essentiellement fondé son élection sur la dénonciation du « populisme » et sur le repli frileux que le souverainisme appelait de ses voeux, alors qu’il s’est présenté comme le chantre de la raison face à l’obscurantisme des nationalistes, il donne désormais l’image d’un président qui ne parie et ne capitalise que sur les peurs des Français. Partout, on parle de maladie, de virus, de contamination, qui permettent de « domestiquer » les Français

En revanche, l’appel à la mobilisation autour d’un plan de relance n’intéresse personne. Il est vrai que cet appel supposerait de dire la vérité et de parier sur le sens des responsabilités économiques dans la population. Il faudrait, pour cela, sortir du mépris de classe selon lequel les Français sont des Gaulois réfractaires, bornés et peu éduqués. Il faudrait les associer au pouvoir. Et ça… c’est un partage que les élites n’aiment pas. 

Vers un carnage social

En attendant, on compte les pertes : 7 milliards pour Renault, 2 milliards pour Air France, la même chose pour Airbus. La catastrophe économique est sans appel. Selon toute vraisemblance, les amortisseurs sociaux nécessaires pour éviter les mouvements de panique dans la population, voire les mouvements de révolte, vont coûter très cher. 

On regrettera que, obnubilé par sa réélection, Emmanuel Macron privilégie un populisme bobo fondé sur le recours massif à la planche à billets, en lieu et place d’une véritable relance de l’économie qui serait salvatrice pour le pays. 

Cet article a été publié initialement sur Le Courrier des stratèges, cliquez ICI

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