Quand le déni de l'échec de l'idéal de la Révolution française mène la France droit à des années Brejnev<!-- --> | Atlantico.fr
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Le contexte actuel est favorable à l'apparition de tensions révolutionnaires.
Le contexte actuel est favorable à l'apparition de tensions révolutionnaires.
©Reuters

La chute

Le contexte actuel est favorable à l'apparition de tensions révolutionnaires. Si nos élites n'arrivent pas à prendre en compte l'échec de leur socle de réflexion, issu des idéaux de la Révolution Française, trois scénarios sont envisageables : un changement de constitution, de régime, ou une disparition de la civilisation.

Charles Gave

Charles Gave

Charles Gave est président de l'Institut des Libertés, un think tank libéral. Il est économiste et financier. Son ouvrage L’Etat est mort, vive l’état  (éditions François Bourin, 2009) prévoyait la chute de la Grèce et de l’Espagne. Il est le fondateur et président de Gavekal Research et de Gavekal Securities, et membre du conseil d’administration de Scor.

 

 

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Publié initialement sur le site de l'Institut des Libertés

Toynbee, le grand historien Anglais, expliquait que le monde était mené par ce qu’il appelait des "idées missionnaires"  c’est-à-dire des idées qui pouvaient se développer en dehors du terreau dans lequel elles étaient nées. Et presque toujours ces idées missionnaires avaient une origine religieuse.

M’appuyant sur ce concept, en été 1988, j’ai publié une étude pour mes clients de l’époque que j’avais intitulé "l’Histoire bouge à nouveau".

La thèse était simple : le monde, depuis le XVIII siècle était en proie  à la lutte entre trois idées missionnaires, celles qui venaient de la Révolution américaine, celles qui venaient de la Révolution Française et celles qui venaient de la religion musulmane, les deux premières étant bien sur des avatars de la religion Chrétienne.

Pour la Révolution américaine, le but était  d’arriver à la liberté individuelle, que seul garantit un état de Droit, le moyen était la séparation des pouvoirs et des élections fréquentes au plus grand nombre de postes possible et la traduction économique était l’existence d’un marché libre et concurrentiel.

Pour la Révolution française, le but était d’arriver à l’égalité, que seul permet un droit de l’état supérieur à tous les autres droits, le moyen était la technocratie reposant sur une élite intellectuelle de "sachants" et la traduction économique était le "contrôle" du marché et de tous les corps intermédiaires par cette élite.

Pour la religion musulmane, le but était la soumission de l’individu à la volonté de Dieu telle qu’elle s’exprime dans le Coran, incréé et éternel, (Islam veut dire soumission. Il n’y a pas de mot pour la notion de Liberté en Arabe), le moyen était la théocratie et la réalité économique une inévitable stagnation puisque les taux d’intérêts étaient interdits, ce qui interdit toute comparaison entre le futur et le présent et donc tout calcul économique rationnel.

Ma thèse à l’époque était que l’idée missionnaire issue de la Révolution française qui avait été reprise par l’URSS qui en était devenue le porte drapeau, était en train d’échouer lamentablement et que donc son pouvoir d’appel allait disparaitre, ce qui allait laisser face à face les idées de la Révolution américaine et les idées issues de la religion musulmane.

A l’époque, j’en avais tiré comme conclusion que la prochaine guerre aurait lieu entre les Etats-Unis et le monde musulman tant leurs points de départ, liberté individuelle pour les USA et soumission de l’individu à une sharia qui ne peut être changée pour les musulmans, étaient antinomiques.

En revanche, ce que je n’avais pas prévu du tout, mais pas du tout, était que les élites françaises allaient purement et simplement refuser d’accepter que leurs idées de toujours avaient échoué comme peu d’idées l‘ont fait dans l’Histoire et allaient mener, en France, un grand combat d’arrière garde pour essayer de prouver au monde entier qu’ils avaient eu raison d’avoir tort.

Et donc, la France a mis tout ce qui lui restait de pouvoir dans la balance pour prouver qu’une technocratie pouvait arriver à créer une société égalitaire "ex post" en autorisant le poids de l’Etat dans l’économie à monter sans cesse, au détriment bien sûr de la Liberté.

Or l’un des principes de la logique aristotélicienne est que les mêmes causes produisent les mêmes effets.

De fait, la France est en plein dans ce que l’on pourrait appeler ses années Brejnev.

Tout le monde se souvient des années Brejnev en Union soviétique, où le système lentement mais sûrement se prenait en masse  pendant que toute vie économique, intellectuelle ou artistique s’arrêtait.

Nous en somme là en France.

Depuis la chute du mur de Berlin en effet, le seul but de nos élites, de droite comme de gauche a été de siphonner toute la matière vive de ce qui restait chez nous comme espace de liberté pour continuer à faire croitre le secteur technocratique, au détriment bien sur du secteur libre qui s’est réduit comme une peau de chagrin.

Et comme cela ne suffisait pas a couvrir la note, ces mêmes élites ont utilisé les ressources que leur offraient les marchés financiers pour s’endetter de façon à transférer vers les secteurs étatiques et égalitaires les ressources qui permettent à ces parties de l’économie, toujours en déficit, de continuer à survivre.

Que périsse mon pays plutôt que mes idées, telle a été le cri de guerre de tous ceux qui nous gouvernent depuis au moins 1973.

Nos élites sentent  cependant confusément  que nous arrivons à  la fin des astuces comptables et n’ont qu’un seul mot à la bouche, reforme.

Et donc, comme en URSS après Brejnev, nous avons de fort belles déclarations selon lesquelles, grâce à  la Perestroïka et la Glasnost,  nous allons pouvoir réformer un système dont tout le monde sait cependant qu’il ne peut pas marcher pour des raisons de logique interne.

Apres tout Von Mises avait montré des les années 30  que le communisme (la recherche de l’égalité ex post) ne PEUT pas marcher.

Nous avons donc une élite incompétente cherchant a prolonger coûte que coûte les erreurs qui nous ont amené la ou nous nous sommes. Ce qui nous ramène a  notre point de départ.

Pour Toynbee, lorsqu’un défi se présente à un pays , le rôle des élites est d’y répondre.

Si elles n’arrivent pas, le défi se présente encore et encore.

Si les classes dirigeantes ne trouvent pas de solution, alors, on a soit un changement  de régime  (La Vème République succédant à la IVème pour régler le problème de la décolonisation), soit la disparition du pays (URSS) soit enfin la disparition de la civilisation (Amérique du Sud après l’arrivée des espagnols).

Le drame de la France est que le logiciel de base de nos élites est faux et que donc, dans notre pays, il ne peut y avoir de changement politique autrement que par une révolution, puisque toutes les élites souscrivent aux idées issues de la Révolution française.

Imaginons par exemple que le FN arrive au pouvoir en France, compte tenu de l’inimaginable incompétence de ce qu’il est convenu d’appeler les partis de gouvernement, oxymore s’il en fut.

Qui croirait une seconde que le logiciel de ce parti soit porteur de Liberté ?

Le FN a  exactement le même bagage intellectuel que la gauche de 1936 ou l’extrême gauche d’aujourd’hui.

Reste un sursaut du peuple et de la société civile, appuyé sur un profond changement des mentalités  consécutifs à un effondrement économique, un peu du style de ce que la Grande-Bretagne a connu a la fin des années 70.

Mais il avait fallu d’abord le FMI à Londres et une perte totale de souveraineté en Angleterre.

Comme je ne cesse de l’écrire, la France est en train de rentrer dans des temps révolutionnaires. Mon pari était et reste qu’elle survivra à la génération la plus bête de l’Histoire de France, celle de Mai 1968.

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