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Pandémie du Covid-19, le test grandeur nature de notre déni suicidaire et notre impuissance face aux futures formes de terrorisme global
©STR / AFP

Coronavirus

Sébastien Boussois revient sur l'impact de la crise sanitaire du Covid-19 et sur cette menace mondiale tout à fait inédite en un siècle.

Sébastien  Boussois

Sébastien Boussois

Sébastien Boussois est Docteur en sciences politiques, chercheur Moyen-Docteur en sciences politiques, chercheur Moyen-Orient relations euro-arabes/ terrorisme et radicalisation, enseignant en relations internationales, collaborateur scientifique du CECID (Université Libre de Bruxelles), de l'OMAN (UQAM Montréal) et consultant de SAVE BELGIUM (Society Against Violent Extremism). Il est l'auteur de Pays du Golfe les dessous d’une crise mondiale (Armand Colin, 2019), de Sauver la mer Morte, un enjeu pour la paix au Proche-Orient ? (Armand Colin) et Daech, la suite (éditions de l'Aube).

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Nous vivons des temps que certains pourraient à escient qualifier d’apocalyptiques. Ce que les évangélistes de tous les continents redoutent et attendent en même temps. De soucieux, à effrayés, nous avons basculé dans quelque chose d’autre : nous sommes aujourd’hui terrorisés par une menace mondiale tout à fait inédite en un siècle par sa rapidité d’expansion et sa capacité de contagion. En quelques semaines, le coronavirus a détrôné toutes les autres menaces existentielles d’ordre géopolitique qui nous occupaient depuis des années et fédéré un temps les Hommes contre une menace exogène: exit le terrorisme islamiste, la menace d’extrême-droite populiste, la Corée du Nord, l’Iran, le Golfe, mais une revient pourtant. De guerre économique fratricide menée par les USA contre la Chine, nous semblons aujourd’hui dans une guerre civilisationnelle où la Chine a gagné son rang de première puissance de nuisance mondiale. De là tout est parti et de là tout risque de finir. La grippe espagnole était partie de Chine, comme le fut la grippe A H1NI. Cela dit quelque chose des failles meurtrières de notre mondialisation. A commencer par le déni des Occidentaux pendant des semaines à se croire intouchables. 

Parti probablement du marché aux fruits de mer de Wuhan (1), le virus a pu surfer aisément sur les routes et les ailes de la mondialisation à une vitesse jamais vue pour un virus, à part peut-être Ebola sur le continent africain, pour arriver jusqu’en Europe. Voilà pour le moment le produit numéro un véhiculé sur les nouvelles routes de la soie que nous promettait Li Xiping : un virus mondial. Inutile de rappeler la grippe espagnole, d’un autre temps, pour minorer le danger que représente pour nos corps mais aujourd’hui pour nos esprits le Covid-19. S’il ne tue pas parait-il autant, il tue déjà plus selon les derniers rapports que la grippe saisonnière. Ce n’est pas parce que le virus n’est pas aussi mortel qu’il n’en est pas terrorisant. C’est parce qu’il n’a pas de vaccin attendu au mieux dans plus d’un an : c’est parce qu’il profite aussi surtout à l’image du terrorisme humain de nos modes de vies concentrés, de nos faiblesses de réactivité globale, de notre impuissance collective à fédérer les êtres tous ensemble contre une menace suprahumaine, mais surtout de notre déni permanent à croire en un danger glocal.  Masque, pas masque ? Gel, pas gel ? Personne ne sait suffisamment mais tout le monde a un avis, noyant les quelques connaissances avérées au milieu d’un torrent d’inepties populaires. Et cerise sur le gâteau, le complot est vite survenu : manigances politiques, virus venu des USA pour affaiblir la Chine et l’Iran (2), etc. 

Malgré notre degré prétendu de civilisation, de développement, nous riches des continents gâtés, avons refusé, au nom du principe de précaution, de prendre des dispositions à minima pour nous épargner une contamination virale inexorable. Tout en oubliant que les trois quarts de l’humanité vivent encore dans des conditions déplorables en matière sanitaire et risquent d’être à terme les plus grandes victimes par le nombre. Et pourtant, ce n’est toujours pas d’eux que l’on parle le plus ces derniers jours. Car eux n’ont pas les moyens de produire ou de s’approvisionner de suffisamment de tests. 

A l’instar des attentats terroristes qui frappèrent l’Europe, le coronavirus ébranle nos fondamentaux et notre confiance en notre supériorité et domination. Il montre aussi une fois encore les ravages du suicide organisé de nos sociétés à avoir privatisé la santé tout en vidant la recherche fondamentale de ses moyens. Preuve en est que nous nous pensions encore il y a peu, épargnés par ce mal que nous considérions sans l’avouer tiers-mondiste: lorsque un drame se passe loin de nos yeux, il est souvent loin de notre cœur. Mais aujourd’hui, c’est l’Europe qui trinque. Le virus est notre nouveau joker : un électron libre, à la vengeance froide qui parvient à taire un peu de notre arrogance enfin, et à risquer de nous faire perdre une fois encore toute confiance en toutes nos institutions. Car c’est de cela qu’il s’agit : plutôt que d’interdire l’ensemble des vols venant de Chine dès le début, nos autorités ont laissé le venin se répandre partout sur le vieux continent. Elles ont montré leur impuissance. Preuve de l’interconnexion de nos échanges et de nos vies, cette toile qui s’est tissée en moins d’un mois a eu raison, comme le terrorisme, de nos modes de vies. Nous risquons tous à terme d’être confinés. L’Europe ne voulait pas y croire : elle prend en plein visage une fois encore son sentiment de supériorité à vivre dans le déni du déclin par arrogance et persuasion d’être toujours sur le podium de l’excellence politique. Il n’y a pas que l’héritage qui compte pour politique. Il y a aussi la vision d’avenir. Aujourd’hui, c’est le lock-out en Italie, en France, en Belgique. Qui demain ? Les frontières se ferment, les sentiments de rejet, de racisme, de haine, de xénophobie explosent dans l’effroi existentiel et la peur de l’apocalypse chère aux Evangélistes, qui sont 700 millions sur terre, à commencer surtout dans les Amériques et..  en Chine. Les USA ferment leur territoire aux Européens, l’Inde aussi. Mais le virus continue à toucher jusqu’aux plus hautes sphères car le ver est déjà dans le fruit. C’est une leçon de modestie pour l’avenir. 

Car nous le savons tous, et Daech et consorts doit s’en délecter, le terrorisme humain mimera dans les années à venir la nature, par définition souvent parfaite, en ayant recours aux armes bactériologiques. La guerre sera celle des drones, des robots, et des armes non conventionnelles. Que ferons nous alors contre la menace invisible ? La modeste expérience de la secte Aum qui déversa du gaz sarin dans le métro de Tokyo en 1995 était un galop d’essai. Tout le monde s’en souvient encore. Les grandes organisations terroristes transnationales sont déjà toutes sur le qui-vive pour parvenir au nom de leur idéologie nihiliste à une destruction massive de nos civilisations dites développées. Que pourra-t-on faire contre de tels produits toxiques issus des pires laboratoires de la haine ? Le coronavirus est la preuve vivante que nous ne sommes pas prêts à de telles éventualités. Et c’est probablement le plus inquiétant. Le défi de nos institutions internationales par les plus grands dirigeants populistes qui gouvernent la planète est trop important. Donald Trump, comme Jaïr Bolsonaro, ou Narendrah Modi n’ont cure des organisations internationales qui, à l’instar de l’OMS, alertent sur le risque de pandémie sur la planète. Oui, il y a de quoi être sérieusement inquiet pour l’avenir car le multilatéralisme à l’heure actuelle ne peut plus rien pour nous sauver.

(1) : Contredit à ce stade aussi dans des études très sérieuses. Voir cet article : ICI

(2) : Les deux pays les plus touchés. L’Iran a actuellement plus de 11 000 cas de coronavirus et officiellement 620 morts. 

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