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Des véhicules circulent sur le périphérique parisien à la porte d'Orléans à Paris, le 11 mai 2020.
Des véhicules circulent sur le périphérique parisien à la porte d'Orléans à Paris, le 11 mai 2020.
©Thomas SAMSON / AFP

Fin du télétravail

Avant la crise sanitaire, les temps de trajet pour se rendre au travail étaient souvent critiqués ou considérés de manière négative par les travailleurs. La pandémie et la généralisation du télétravail semblent avoir inversé cette tendance.

Xavier  Camby

Xavier Camby

Xavier Camby est l’auteur de 48 clés pour un management durable - Bien-être et performance, publié aux éditions Yves Briend Ed. Il dirige à Genève la société Essentiel Management qui intervient en Belgique, en France, au Québec et en Suisse. Il anime également le site Essentiel Management .

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Atlantico : Avant la pandémie, les temps de trajet étaient honnis, le prix Nobel Daniel Kahneman avait un jour déclaré que c’était la pire partie de la journée de nombreux travailleurs. La tendance était à la réduction autant que possible de ces derniers. Pourquoi les temps de trajets étaient-ils si décriés ?

Xavier Camby : Il y a de multiples causes à ces perceptions négatives, qui engendrent une authentique pénibilité psychique : tout d'abord, nous effectuons ces trajets le matin, pas forcément très alertes ou le soir, alors que la fatigue de la journée commence à peser. Ils sont très souvent effectués dans des tunnels, sous terre ou en traversant d'immenses banlieues - passablement moches et impersonnelles. Et que nous soyons prisonniers dans notre voiture enkystée dans les bouchons des heures de pointes ou bien encastrés les uns dans les autres aux mêmes heures dans les transports en commun, nous avons la perception permanente d'une privation de liberté autant que celle d'une intrusion permanente dans notre espace périmètre de sécurité. Ces déplacements s'effectuent trop souvent dans le bruit, celui de la circulation ou bien des grincements métalliques des rails. Ce bruit incessant fatigue, catalysant même l'ensemble de nos autres perceptions négatives, ce qui consomment presque toute notre énergie psychique inconsciente. Créant même cette forme d'impatience, qui nous étouffe et nous fait nous presser sans cesse ! Nous pouvons dire qu'il s'agit d'une forme de stress, qui nous prive peu à peu de notre joie de vivre. 

La distance sanitaire exigée par la pandémie a au moins eu le mérite de faire comprendre que nos entassements quotidiens sont très malsains, biologiquement et psychiquement.

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Si bien sûr c'est en vélo - reconnu pour être un exercice jubilatoire, plein de liberté et sans abusive promiscuité- le long d'un ruisseau ou au milieu de prairies - comme je le vois faire en Hollande, en Allemagne ou en Suisse - que vous faites vos trajets professionnels, il y a fort à parier que ces déplacements quotidiens deviendront des moments de plaisirs et de ressourcement.

La pandémie et la généralisation du télétravail semble avoir changé ce phénomène. La privation de se rendre sur les lieux de travail a-t-elle suscité un manque qui se manifeste par un regain « d’intérêt » pour les temps de trajet ?

Le télétravail a premièrement eu un effet libérateur (91% des salariés déclarent vouloir conserver cette liberté d'organiser leurs travaux) en démontrant la puissante efficacité de la collaboration asynchrone et distante. Plus besoin d'être entassé dans des open-space bruyant pour obtenir de bons résultats collaboratifs. Il a très souvent permis aussi d'échapper un temps aux intrusions intempestives de certains petits chefs hypercontrollants. Il a encore démontré que la confiance exclut le contrôle, contrairement à une affirmation aussi éculée, qu'apocryphe et idiote.

Mais cette organisation nouvelle du travail a surtout mis en relief le besoin que nous avons les uns des autres. Et oui, nous sommes des animaux grégaires, notre intelligence est sociale et nos interactions humaines positives constituent le plus puissant moteur de notre motivation. Nous l'avions amplement expérimenté avant la crise sanitaire : un salarié peut aisément travailler jusqu'à 50 % de son temps sans contact avec ses collègues. Ensuite sa motivation faiblit drastiquement. Favoriser les bons moments d'échanges et de partages, sans plus jamais aucun conflit - terrifiant destructeur d'énergie - voilà ce qui crée une bonne équipe et engendre une performance durable.

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Pour ma part, je n'ai pas observé de regain d'intérêt pour les trajets professionnels, à l'exception de ces petits moments de convivialité, lorsqu'on peut s'arrêter pour prendre un café sur une terrasse ré-ouverte ou bien s'acheter une viennoiserie dans sa boulangerie préférée...

Y-a-t-il un intérêt objectif aux temps de trajets sur certains aspects de nos vies ou n’est-il que circonstanciel ?

Une illusion, portée par certaines théorie du "work-life-balance", voudrait nous faire croire qu'ils peuvent constituer des sas utiles, voire même indispensables, pour passer d'un monde à l'autre, du monde du travail stressant à la vie harmonieuse et sereine de nos familles. Malgré de généreuses intentions, ses propositions sont très dangereuses et nous laissent penser que nous pouvons nous inventer des vies à compartiments, bien étanches et cloisonnées, sous la seule maîtrise de notre invincible raison. Mais notre vie émotionnelle échappe complètement à cette tentative : si vous revenez du travail chargé d'émotions négatives, le travail intérieur nécessaire pour vous en débarrasser afin de n'en être pas contagieux demandera un peu plus d'effort qu'un simple décret de votre cerveau rationnel ! 

A défauts de temps de trajet, faudrait-il se dégager un moment ritualisé pour se mettre en condition de travail ?

Il s'agirait là sans doute du seul intérêt d'un temps de trajet, effectué dans de très saines circonstances (liberté, non intrusion, beauté et calme): aider à me mettre en condition émotionnelle positive, qu'il s'agisse de rentrer auprès des miens ou bien d'aller partager une entière journée de labeur avec mes collègues, mes collaborateurs ou mes clients. Les circonstances extérieures ne sont pourtant pas suffisantes. Seul un travail intime authentique et résolu peut le permettre. Qu'il m'est possible d'entreprendre sans me déplacer. Qu'on l'appelle méditation, contemplation, silence, prière ou yoga, c'est à chacun de nous qu'il appartient de rétablir notre paix intérieure, qui fédère alors toutes nos énergies et crée ainsi cette véritable motivation durable, qu'on appelle l'engagement.

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