Le général De Gaulle, la force de l’espérance lors de la Seconde guerre mondiale<!-- --> | Atlantico.fr
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Flavien Dupuis publie « Les grandes figures de l’unité française » aux éditions du Cerf.
Flavien Dupuis publie « Les grandes figures de l’unité française » aux éditions du Cerf.
©STF / AFP

Bonnes feuilles

Flavien Dupuis publie « Les grandes figures de l’unité française » aux éditions du Cerf. Philippe le Bel, Charles V le Sage, François Ier, Gambetta, Clemenceau, de Gaulle, ils ont tous travaillé à construire et à maintenir l'unité du peuple dans des situations périlleuses, en s'appuyant sur des ressources politiques, militaires et culturelles. Extrait 1/2.

Flavien  Dupuis

Flavien Dupuis

Flavien Dupuis est l'auteur du Lion de France, l'histoire épique du roi Louis VIII, paru en 2021 aux Editions du Cerf. Il a publié Les grandes figures de l'unité française en 2022 aux Editions du Cerf.

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Aucune figure, aucun nom ne bénéficie aujourd’hui en France d’un tel capital de respectabilité. L’homme est un monument sur lequel tout ou presque a déjà été écrit. Les années se terminant par un zéro, anniversaires ronds de la naissance de Charles de Gaulle et de l’appel du 18 juin, donnent lieu à de véritables avalanches commémoratives, éditoriales et documentaires, et le phénomène – l’année 2020 l’a encore montré – ne fait que s’accentuer avec le temps. La gageure est donc à la mesure de l’ampleur du personnage et de la masse gigantesque des travaux qui lui ont été consacrés. Les polémiques historiques ne l’ont guère touché. Si la distanciation qui saisit tôt ou tard les grands personnages n’hésite plus à faire remonter à la surface les aspects les plus obscurs de la légende gaullienne, la critique du fondateur de la Ve République reste un exercice de niche.

Militaire par vocation mais politique par nature, rebelle par instinct et solitaire par tempérament, le général de Gaulle a toujours répugné à se laisser enfermer dans les catégories établies. De Gaulle était un homme d’ordre et de tradition féru de mouvement et adepte du progrès, pourvu que celui-ci fût dans l’intérêt de la France. Hostile plus que tout aux courants politiques établis, il préférait le tête-à-tête entre le chef et son peuple aux « tripatouillages » des partis et aux intrigues du Parlement, qu’il traita toujours avec méfiance ou mépris.

Né dans un milieu monarchiste, républicain plus par réalisme (autre valeur cardinale du gaullisme) que par conviction, il rétablit les libertés publiques fondamentales mais claque la porte du gouvernement en 1946 devant la restauration annoncée des pratiques parlementaires de la IIIe République. Revenu au pouvoir à la faveur de la crise algérienne en 1958, il fait rédiger une constitution synthétisant la puissance présidentielle et la représentativité républicaine, dont la longévité actuelle témoigne de ce qu’elle correspond sans doute, dans sa lettre comme dans son esprit, à ce que les Français attendaient de leurs institutions. Le désintérêt aujourd’hui croissant de la société française pour la politique est manifestement le symptôme d’une crise démocratique grave, pourtant il est frappant que toutes les tentatives pour y répondre n’aient jamais modifié qu’à la marge l’organisation des pouvoirs voulue par l’homme de Colombey.

Mais la pensée gaullienne est peut-être aussi et surtout une pensée du mouvement et de l’action. Le lieutenant-colonel de Gaulle fut l’un des premiers théoriciens de l’emploi des chars groupés en unités compactes et mobiles. En opposition frontale avec la doxa militaire de son temps, il prôna l’art de saisir les circonstances au vol, d’exploiter le terrain, de s’adapter en permanence à l’ennemi sans s’attacher aux idées et aux doctrines préconçues.

Cette conception toute de vitesse et de force, il la transposa dans l’ordre politique. Aussi fervent chrétien que pratiquant discret, de Gaulle croyait la France appelée depuis sa naissance à une destinée historique marquée du sceau de la Providence. Les déchirements, les querelles, les catastrophes, ne sont rien pour lui face à la conviction quasi religieuse que le pays survivra à ses malheurs parce qu’il est la France, et que la France est d’abord une espérance. Le geste du 18 juin, geste inouï sans équivalent dans notre histoire, trouve là son explication. La France vaincue, abaissée et humiliée, n’est une que dans la victoire. La force de croire en la France envers et contre tout est l’idée majeure de l’héritage gaullien. Tel est le fil rouge que nous proposons ici au lecteur en guise de conclusion : faire remonter ce qui, dans l’histoire personnelle de Charles de Gaulle, dans ses discours et ses actes, inscrit l’histoire de notre pays dans une dynamique d’avenir toujours à renouveler.

[…]

Sera-t-il à jamais le dernier des géants ? En une époque portée irréversiblement à la démocratisation de toute forme de rapport humain, tout porte à le croire. L’abandon progressif des marques d’autorités traditionnelles au profit de logiques plus collaboratives et horizontales, et qui touche jusqu’aux fonctions gouvernementales les plus élevées, est peu propice au retour des grands hommes. Obsédé par le rang de la France dans le monde, de Gaulle a fatigué les Français de grandeur, et tracé pour ses successeurs une voie difficile et exigeante.

Serviteur de l’État par vocation, il contribua à son rétablissement, et c’est lui qui, posant le pied sur le sol de la France libérée, restaura le pays dans son indépendance. Respectueux du droit, il ne le fut pas moins, tant dans son rapport au pouvoir, qu’il ne chercha jamais à confisquer ou à conquérir autrement que dans le respect de la légalité, que dans son exercice. Le retour aux affaires de 1958 comporte une part certaine de machiavélisme politique, pas d’illégalité. Il ne fut pas non plus un conquérant, et son allergie profonde au nazisme comme au communisme, comme sa conception de la place de la France en Europe ou la décolonisation qu’il mena à son terme, l’inscrivent dans la lignée des grands politiques français pour qui leur pays est avant tout un «pré carré» à défendre et non un empire à étendre. Écrivain, adepte de la belle langue, maniant un style qu’il avait notamment forgé à la fréquentation assidue des grands auteurs classiques et des récits des grands hommes, il n’est pas excessif de dire qu’il gouverna par le verbe autant que par le geste, et l’on ne peut que regretter – sur ce point comme sur d’autres – qu’aucun de ses successeurs ne se soit élevé à la hauteur où sa plume l’avait conduit. Républicain par raison sinon par pratique, il légua au pays ses institutions actuelles, institutions taillées pour un homme plus que pour une société politique, en laquelle les Français ont reconnu qu’elle est pour le moment l’organisation des pouvoirs publics la plus conforme à la façon dont ils souhaitent être gouvernés. Reste à se demander si la qualité humaine des individus qui ont aujourd’hui la charge de conduire les affaires du pays est à la mesure du degré d’exigence qu’induit une Constitution accordant autant de pouvoir à un seul individu. De Gaulle les avait sans doute. Mais cette Constitution, il est vrai, avait été modelée exprès pour lui… Homme de guerre enfin, il avait écrit en conclusion du Fil de l’épée qu’il « n’y a pas dans les armes de carrière illustre qui n’ait servi une vaste politique, ni de grande gloire d’homme d’État que n’ait dorée l’éclat de la défense nationale ».

Toutes ces facettes qui ont contribué à façonner l’unité française, Charles de Gaulle les a incarnées tour à tour, et si le personnage sur lequel nous avons choisi de conclure cette hexalogie ne s’était pas imposé de lui-même en sa qualité de plus grand homme d’État français des cent dernières années, cette correspondance frappante y aurait suffi. Mais au-delà des vérités historiques, ce que nous révèle l’histoire de cette vie hors du commun, c’est qu’il n’est pas de rassemblement possible des Français sans une solide foi en l’avenir. Sortant du camp d’Auschwitz lors de sa visite en Pologne de 1967, il avait murmuré, bouleversé : «Et pourtant… il faut quand même qu’il y ait l’espérance!» Propos de penseur stoïcien s’il en est, et dont l’exercice requiert une force d’âme collective qui paraît bien lointaine aujourd’hui. Mais le testament spirituel de ce général-prophète n’est-il pas au fond, qu’en dépit des drames et des abaissements, il ne faut jamais désespérer de la France ? 

Extrait du livre de Flavien Dupuis, « Les grandes figures de l’unité française », publié aux éditions du Cerf

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