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Le coût exorbitant d’un nouveau confinement pourrait faire reculer le gouvernement et l’obliger à appliquer une autre stratégie
©Francois Mori / POOL / AFP

Atlantico Business

« Quoi qu’il en coûte », cet engagement solennel pris par l’exécutif devient de plus en plus difficile à supporter… Les aides de l’Etat ne suffisent pas aux entreprises qui voudraient surtout travailler, et elles plombent aussi les comptes publics. Un 3ème confinement pourrait donc être celui de trop. Pour tout le monde.

Aude Kersulec

Aude Kersulec

Aude Kersulec est diplômée de l' ESSEC, spécialiste de la banque et des questions monétaires. Elle est chroniqueuse économique sur BFMTV Business.

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Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les répliques d’un séisme, même si elles sont moins élevées sur l’échelle de Richter, sont tout autant douloureuses. Le 1er confinement avait fait l’effet d’un séisme et mis les acteurs en état de sidération. L’activité économique et sociale s’est arrêtée quasie totalement et le PIB du deuxième trimestre est tombé de -13,8%, en rythme annualisé.

Au dernier trimestre de l’année, la première réplique du séisme a été moins forte sur le plan de la récession, avec un chiffre de -4,5%, mais les conséquences ressenties sont plus douloureuses car elles durent, sans perspective de reprise pour certains acteurs. Aujourd’hui, la prévision de croissance du gouvernement pour 2021, ramenée de +8% à +6% il y a quelques semaines, ne prend pas en compte la dégradation de la situation sanitaire au cours de l’année. Compte tenu des risques de réplique en 2021…Toute la question est de savoir maintenant combien couterait à l’économie un troisième confinement ?

On peut l’estimer en s’appuyant sur les deux expériences précédentes, au printemps puis en novembre.

Au démarrage de la crise sanitaire, en mars-avril, l’Etat a mobilisé pas moins de 450 milliards d’euros. Parmi ces 450 milliards, il n’y a pas que des dépenses directes. On retrouve d’abord l’argent mis à disposition pour les prêts garantis par l’Etat. Ils ne coutent rien à l’Etat, car ce sont les banques qui émettent les prêts, l’Etat vient seulement en garantie en cas de non remboursement. Ce qui n’est pas encore arrivé vu que les entreprises, qui avaient un an pour rembourser, vont se voir offrir la possibilité d’un délai supplémentaire. Sur les 300 milliards d’euros que l’Etat était prêt à garantir, seulement 130 milliards ont été réellement demandés.

Autre poste de dépenses, le chômage partiel (50 milliards d’euros lors du premier confinement), un dispositif qui va s’étaler dans le temps ; le soutien direct aux entreprises (fonds de solidarité) et les dépenses de santé pour soigner les malades. Sans compter le manque à gagner fiscal et social dû à la baisse d’activité (50 milliards sur la TVA et près de 30 milliards sur les charges sociales).

Le deuxième confinement a, lui, été plus souple. L’activité a été moins impactée, les entreprises ont eu le temps de s’adapter. Le coût mensuel a été estimé à 15 à 20 milliards par mois réellement décaissés en aides aux entreprises ou aides aux ménages.

Sans perspective de reprise pour certains secteurs gravement touchés depuis mars, les aides aux entreprises ont été musclées. C’est le cas de l’hôtellerie, la restauration, de l’événementiel (foires, salons et conventions commerciales), sans parler de tout le secteur culturel et sportif.

Annonce faite en janvier par le gouvernement mais applicable de façon rétroactive à partir du mois de décembre, les entreprises perdant au moins 70% de leur activité recevront une compensation de 20% de leur chiffre d’affaires mensuel 2019, avec un plafond à 200 000 euros. Du coup, l’État s’acquitte désormais de 70 % des charges fixes (loyers compris) des entreprises fermées administrativement, dont les restaurateurs, les stations de ski, dès lors qu’elles réalisent plus d’un million d’euros de chiffre d’affaires annuel.

Ce qui ne reste pas sans conséquence sur les comptes publics et la crédibilité de la France au niveau international. Il y a 10 jours, le chef de mission France au FMI s’inquiétait ouvertement de l’aggravation des comptes publics : « La France doit travailler dès maintenant à un plan qui lui permettra d’assainir ses finances publiques dès que l’économie aura surmonté la crise due au coronavirus […] La dette en France est élevée et nous pensons que le moment est venu d’élaborer et d’approuver un plan d’assainissement budgétaire crédible à moyen terme ». On y apprenait donc que le « quoi qu’il en coûte » imposera après-crise, des réformes structurelles au niveau du fonctionnement de l’Etat.

Quelques jours après, Olivier Dussopt, ministre chargé des Comptes publics, souhaitait donner une fin datée au « quoi qu’il en coûte », impossible à continuer en l’état après 2021 selon lui. Mais sous la menace d’un reconfinement, Bercy a depuis quelques jours de nouveau changé de ton, affirmant pouvoir continuer les dispositifs d’aides au-delà de la fin d’année.

Il faudra donc continuer à vivre avec l’épidémie et trouver des solutions pour couvrir les dépenses publiques sans s’endetter dans de telles proportions. Actuellement, la dette publique de la France atteint 120% du PIB. A taux zéro, c’est encore supportable. A taux de 2 ou 5 %, ce serait explosif pour l’équilibre de la société.

Rappelons que, pour l’année 2020, le coût total de la crise en 2020 peut être mesuré par le surplus de déficit qui a été enregistré. Pour une prévision avant-crise d’un budget en déficit de 93 milliards d’euros, l’année s’est finalement terminée à 178 milliards de dépenses supplémentaires non compensées par des recettes. On a donc eu à la fois des dépenses non prévues, mais aussi un manque à gagner fiscal et social qui a accentué le déséquilibre des comptes publics.

A terme, et même avec un projet de reprise assez violent dès qu’on aura vacciné la totalité de la population, le coût global des confinements successifs seront insupportables au pays. Le problème, c’est que le gouvernement s’est jusqu'à maintenant résolu au confinement parce que le cout en vie humaine n’était pas supportable par la population et donc pas acceptable politiquement. C’est d’ailleurs le choix qu’ont fait la plupart des grandes démocraties occidentales.

Reste qu‘aujourd’hui, le cout économique et social d’un confinement va devenir de moins en moins acceptable politiquement. La course de vitesse, entre la vaccination de toute la population, qui protègerait à la fois les humains et leur activité, et le confinement qui bloque le virus en asphyxiant l’économie, est engagée. Elle est évidemment gagnable à condition qu’on ait suffisamment de vaccins. En attendant les vaccins, il faudra, pour éviter le confinement, essayer une autre stratégie que certains pays ont pratiqué avec succès : la Corée du Sud, Taiwan, l’Australie, la Nouvelle Zélande. Cette autre stratégie passe par les tests, puis le traçage, puis l’isolement des cas positifs et des cas contacts. Curieusement, la France avait annoncé une telle stratégie au départ, mais elle n’a jamais pu ou su la mettre en œuvre. La politique de tests a été compliquée à lancer, celle du tracage systématique n’a jamais été acceptée ni même envisagée. Quant à l’isolement, il dépend de la bonne volonté ou de la responsabilité individuelle des cas positifs. Coincés par la RGPD qui protège les données personnelles, obsédés par les risques de favoriser les inégalités entre ceux qui sont isolés parce que positifs et ceux qui sont négatifs, on a abandonné. Tout se passe comme si le corps social français préférait le confinement de tout le monde, comme s’il n’était pas liberticide et suicidaire.

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