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Le Brésil, nouvel épicentre du Covid-19 ?
©EVARISTO SA / AFP

Vague épidémique

Le Brésil, avec 350 000 cas le 23 mai est le deuxième pays au monde touché, en valeur absolue, par la pandémie. Mais contrairement à d'autres pays, dont les Etats-Unis, l'épidémie y est en pleine accélération.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Le Brésil, avec 350 000 cas le 23 mai est le deuxième pays au monde touché, en valeur absolue, par la pandémie. Il se classe après les États-Unis (1 652 000), ces chiffres étant à rapporter à un total mondial de 5 361 000 cas. On voit aussi monter le Pérou (112 000 cas), le Chili (65 000), le Mexique (63 000)… Ces chiffres sont très sous évalués, mais ils marquent le déplacement de la maladie vers l’Amérique latine, un ensemble de pays émergents plus fragiles d’un point de vue sanitaire et surtout économique. Dans ces pays en particulier, le confinement ne peut être envisagé, notamment sur une longue période. Par exemple, le président mexicain, Andrés Manuel López Obrador, estime que l'urgence consiste à relancer l'économie. « Oui, nous devons faire avec la pandémie. Mais le plus important, en dépit des souffrances et des pertes humaines, c'est que le système de santé ne soit pas submergé ». Pas si simple, mais au moins le Président Mexicain le dit !

1 million de cas : trois fois plus que le chiffre officiel au Brésil ?

C’est, selon la BBC (Hard Talk) qui cite une étude de l’Université de Sao Paulo, le vrai chiffre de cas au Brésil. Ce pays demande une attention particulière, la situation économique et financière y étant fragile, pour des raisons de pauvreté et de promiscuité. Les Brésiliens, mais ils ne sont pas les seuls, font en outre remarquer que les propositions sanitaires de l’Organisation Mondiale de la Santé :
- « se laver fréquemment les mains avec une solution hydro-alcoolique ou à l’eau et au savon
- éviter les contacts proches : maintenir une distance d’au moins 1 mètre avec les autres personnes, en particulier si elles toussent, éternuent ou ont de la fièvre.
- tenez-vous informé et suivez les conseils de votre médecin »,

sont impraticables dans des endroits sans eau courante, où plusieurs personnes vivent dans la même pièce et sans médecin. L’OMS sait-il à qui il parle ?

COVID-19 : les nouveaux pays affectés par la pandémie

En nombres absolus, l’épicentre de la pandémie est toujours aux Etats-Unis, mais avec l’idée que les nouvelles infections devraient peu à peu s’atténuer, avec 25 000 cas par jour et un taux de guérison de l’ordre de 80%. On comprend alors que les marchés financiers regardent ailleurs : vers un risque de « deuxième vague » qui affecterait les pays les plus touchés par la première, les pays d’Europe et surtout les États-Unis, sachant qu’une autre première vague avance en Amérique Latine, pesant sur une situation humainement et économiquement critique.

Cette logique par vagues est extrêmement importante pour bien prendre en compte la vitesse de l’épidémie dans trois pays : France, États-Unis et Brésil. France, où le processus décélère, États-Unis, où sa vitesse est constante et Brésil, où il accélère. C’est cette logique par vagues, qui donne la clef de la propagation de la pandémie, avec deux inconnues : celle des vrais chiffres, de plus en plus difficiles à connaître dans les pays moins développés, celle de l’évolution des cas, au fur et à mesure que le confinement sera partout levé.

France : baisse, États-Unis : stabilisation, Brésil : accélération, les 3 vagues de la pandémie

Les bourses regardent toujours les situations économiques et les capacités de rebond

Les marchés intègrent ainsi, dans leurs évaluations, à la fois l’importance des chocs économiques et financiers et les capacités de rebond des entreprises et les résistances des budgets. Le Nasdaq, avec les GAFAM, sort grand vainqueur de l’épreuve, pas le Cac 40 affecté plus sans doute par les messages préoccupants sur la situation économique et politique française.


La poursuite de la reprise dépend des soutiens des politiques budgétaires : le jugement de la Cour Fédérale Allemande est-il une bénédiction ?

Les Banques Centrales sont le pendant indispensable des politiques budgétaires destinées à atténuer l’effet de la pandémie, surtout, puis bientôt à préparer le rebond. Dans le cas américain, on voit que la Fed (la Banque Centrale Américaine) ne pose pas de problème pour mener cette politique d’achats de bons du trésor, puisqu’elle appelle le gouvernement à augmenter son soutien budgétaire, en se refusant à des taux négatifs à court terme. C’est donc en faisant baisser les taux longs que tout se jouera.

En Europe en revanche, le 5 mai, la Cour Fédérale Allemande semble donner un coup d’arrêt, au moins dans le cadre allemand, à des achats de bons du trésor. La Banque Centrale Européenne indique ne pas être astreinte à ce jugement, mais la BUBA ne peut faire comme s’il n’avait pas eu lieu. Depuis, les programmes publics de dépenses continuent (soutien au chômage partiel : 250 milliards d’euros, soutien à des secteurs en difficulté : 500 milliards) ce à quoi vient s’ajouter le 18 mai une proposition Franco-allemande d’un programme de 500 milliards supplémentaires.

Ce programme de 500 milliards est exactement ce que la Cour Allemande récuse : un système où l’Union Européenne s’endette, en fonction des poids des pays, et affecte les sommes collectées aux pays et aux secteurs en fonction de leurs besoins de relance, suite au Covid-19. Bref un système de transfert. En fait, en bloquant la voie antérieure où c’était la BCE qui compensait les écarts de situation, en faisant beaucoup baisser les taux allemands ce qui empêchait les taux italiens de beaucoup monter, les politiques sont forcés d’aller plus loin : dissocier les ressources financières des emplois. On dira que c’est une « union de transfert » qui naît, en fait la poursuite d’une logique fédérale. L’état de New York en finance d’autres aux États-Unis, comme au Mexique, au Canada ou au Brésil, sans que l’on demande à chacun d’équilibrer ses comptes pour la bonne raison que c’est impossible. La richesse se polarise dans les capitales et certains états, en fonction de leurs avantages comparatifs. Merci Karlsruhe ?

Les écarts de rémunération réelle des bons du trésor se poursuivent

L’inquiétude née de la Cour Fédérale Allemande semble s’atténuer, les marchés intégrant l’idée que l’engagement d’Angela Merkel vers la réécriture des Traités va permettre, sous conditions bien sûr, des transferts entre états. Plus profondément, on voit monter l’esquisse d’une politique industrielle, couplant des soucis de souveraineté sanitaire, de reconsidération des chaînes de production trop mondialisées et d’écologie. Derrière, la logique paraît politiquement puissante : l’écologie n’est pas un problème national ! Dans ce contexte, la montée des taux longs italiens devrait se réduire.

Pétrole : c’est d’un peak demand que l’on parle !

Rien ne se règle rapidement du côté du prix du pétrole, même si la guerre de surproduction Arabie Saoudite Russie s’éloigne (elle tuait les deux belligérants). Mais l’encoche sur la croissance est là et les nouvelles réorganisations de production et d’échange vont peser, donc de moindre croissance de la consommation de pétrole. C’est pourquoi le vieux souci de peak oil, qui était la limite de production pétrolière, devient celui de limite de la hausse de la demande, ce qui va poser des problèmes structurels à nombre de pays du golfe ou, plus proche de nous, à l’Algérie.


Le dollar encore et toujours superstar

Alors, si l’on ajoute que les États-Unis se lancent dans une politique de déconfinement, et donc que l’activité économique va remonter, au prix de plus de cas et de décès, avec une Fed qui soutient, l’espoir remonte en peu et, en termes relatifs, le dollar. Notons que les tensions croissantes sur les négociations avec l’Union Européenne pour le Brexit pèsent sur la livre sterling. Enfin, si l’on ajoute la crise sanitaire qui atteint le Brésil à la baisse des prix du pétrole et à celle des produits agricoles, plus les tensions politiques, on comprend la chute du Réal.

Plus le temps passe, plus le drame de la pandémie se déroule et se voient ses effets sanitaires bien sûr mais aussi et de plus en plus structurels. Vivre avec le Covid-19 : pas le choix, encore faut-il pouvoir le supporter. Le mieux serait de prévenir.

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