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L’Union européenne sera-t-elle en mesure de faire des concessions sur la politique agricole sous peine de condamner les agriculteurs et de pénaliser les consommateurs ?
L’Union européenne sera-t-elle en mesure de faire des concessions sur la politique agricole sous peine de condamner les agriculteurs et de pénaliser les consommateurs ?
©JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Politique agricole

Ces dernières années, la politique agricole et alimentaire européenne s’est drapée de ses meilleures intentions entre développement durable et lutte contre l’agriculture intensive. Mais l’enfer est pavé de bonnes intentions. Face à la crise alimentaire mondiale qui s’annonce, l’UE doit faire des concessions sous peine de condamner nos agriculteurs, pénaliser les consommateurs… et menacer sa propre existence.

Jean-Jacques Handali

Jean-Jacques Handali

Jean-Jacques Handali est directeur et administrateur de Cosmopolis Conseil, une société basée à Genève.

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C’est la morale de la fable du chêne et du roseau de la Fontaine : face à la tempête, la souplesse est de mise ! Mais les institutions européennes auront-elles l’intelligence de suspendre et d’adapter leurs politiques agricole et alimentaire face à la pénurie mondiale qui s’annonce ?

La torpeur estivale, les vacances d’été et les inquiétudes pour les épisodes caniculaires à répétition ont masqué pendant quelques mois la catastrophe qui s’amoncelle à l’horizon. La reprise économique post-pandémie, la guerre en Ukraine, et peut-être demain un conflit ouvert à Taïwan, menacent l’approvisionnement mondial en matières premières agricoles : céréales, huiles, viandes… Au-delà, les laitages, les fruits et les légumes seront vraisemblablement ajoutés à la liste des carences… En un an, le prix du blé a ainsi bondi de 60%, imposant une augmentation des prix dans toute la filière agricole par un terrible effet domino. 

En première ligne : les pays du Moyen-Orient et les pays africains. En réalité, l’ensemble du globe risque de revoir apparaître le spectre des pénuries, voire des famines dans les zones les plus tendues. Une menace que nous pensions avoir définitivement effacée et qui revient subitement nous hanter. Mais l’Union européenne est-elle prête à mettre entre parenthèses son ambitieux programme alimentaire et agricole pour s’adapter à cette situation de crise ?

Le plan « From farm to fork » (« De la ferme à la fourchette ») établi par la Commission européenne, en 2020, épousait parfaitement les ambitions écologiques et durables à la mode à Bruxelles : réduction de moitié de l’usage des pesticides ; diminution d’un tiers du recours aux engrais ; augmentation de 10 % les surfaces agricoles utiles au repos ; extension de 25 % de la part des cultures consacrées au bio… 

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En parallèle, la Commission européenne tablait sur une possible généralisation de l’étiquetage nutritionnel « Nutriscore », censé guider les consommateurs dans les étals des rayons. Cet étiquetage ne se privait pas d’imposer des notes sévères aux produits du terroir, comme de très nombreux fromages, des charcuteries ou l’huile d’olive. 

Autant de mesures qui allaient forcément impacter nos modes de production, imposer de coûteux changements de paradigmes à nos filières et faire subir à nos agriculteurs de difficiles années d’adaptation. Toutefois, sur le papier, le jeu en valait la chandelle. 

« Mais ça, c’était avant ». 

Il n’y a plus grand monde pour douter du bien-fondé de la politique du tout « Bio et bien manger ». Mais en temps de paix seulement. En faisant passer au forceps sa politique alimentaire en pleine crise mondiale, l’Union européenne court le risque de mettre l’ensemble des producteurs dans une fâcheuse posture. Quant aux consommateurs, il y a fort à parier qu’ils ne goûteraient que moyennement la répercussion des prix dans leur assiette. 

En 2020, le département Américain de l’Agriculture tirait déjà la sonnette d’alarme : appliquées à la lettre, les mesures prévues pour « verdir » l’agriculture européenne pourraient conduire à une chute de la production et une explosion des prix. Selon les économistes de l’USDA, l’Europe doit s’attendre à une baisse de 12% de sa production agricole, une chute de 20% de ses exportations et une hausse de 17% du panier moyen du consommateur européen. 

Une concoction difficile à avaler en temps de paix, de prospérité et d’abondance, mais qui risque de devenir clairement indigeste en temps de récession économique et de rétractation du marché agricole mondial. 

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Face à cette situation d’exception, les fonctionnaires européens doivent d’urgence revoir de fond en comble cet agenda agricole du « Green Deal » européen, accepter de retarder certains objectifs et étaler dans le temps certains dispositifs, sous peine de tuer nos agriculteurs européens. L’Italie a déjà pris les devants en annonçant que le Nutriscore serait prohibé dans les supermarchés de la péninsule pour protéger ses producteurs traditionnels et sa filière agro-industrielle. 

Les fonctionnaires européens sont à un tournant : pour protéger nos producteurs, sauvegarder le pouvoir d’achat des consommateurs et pour ne pas briser la confiance des citoyens européens envers leurs institutions, ils doivent être souples comme le roseau… Ou nous nous briserons comme le chêne.

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