L'illusion du régime pour tous : pourquoi la lutte contre l'obésité est vouée à l'échec tant que les stratégies de perte de poids ne seront pas individualisées<!-- --> | Atlantico.fr
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Chacun est unique et ne peut pas avoir le même poids au final, comme il n'a pas la même taille ou la même couleur de cheveux que son voisin.
Chacun est unique et ne peut pas avoir le même poids au final, comme il n'a pas la même taille ou la même couleur de cheveux que son voisin.
©Pixabay

A la carte

En 2009, le docteur Franck Sacks révélait dans une étude publiée dans The New England Journal of Medicine que l'obésité et le surpoids avaient des origines et des méthodes de traitement différentes en fonction des patients touchés. Ainsi, un même régime proposé à plusieurs personnes n'auraient pas les mêmes effets sur chaque individu.

Arnaud Cocaul

Arnaud Cocaul

Arnaud Cocaul est médecin nutritionniste. Il est membre du Think Tank ObésitéSIl a dernièrement écrit Le S.A.V. des régimes aux éditions Marabout.

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Atlantico : Une étude américaine dirigée par le professeur Franck Sacks et publiée en 2009 (lire ici) nous apprend qu'il existe plusieurs causes à l'obésité et au surpoids. En conséquence, un régime n'aura pas les mêmes effets sur deux patients distincts (même taille, même sexe...). Qu'est ce qui explique qu'un régime ne fonctionne pas de la même manière sur deux personnes atteintes de surpoids ou d'obésité ? 

Arnaud Cocaul : On prend conscience avec l'évolution constante des connaissances médicales que la prise en charge nutritionnelle d'un patient en obésité doit se faire à la carte, avec un accompagnement personnalisé. Chaque individu est unique, son parcours médical lui est propre comme son environnement économique, social, professionnel, familial peut l'être. Déjà, un passé de régimes restrictifs peut être responsable d'une obésité installée et réfractaire à toute perte de poids car en quelque sorte l'organisme en a marre et se défend d'un amaigrissement indu conduit dans des conditions mettant à mal l'intégrité du corps. Cette violence perpétuée par des régimes coercitifs provoque au niveau du système nerveux central des incitations à craquer et à manger de façon outrancière afin de restaurer ses réserves énergétiques. Le cerveau enregistre tout amaigrissement violent comme une mise en danger. On se doit donc d'interroger dans le cadre de la consultation singulière engagée avec le patient, sur les motivations à perdre, l'idée du poids souhaité, le poids stable tenu le plus longtemps en-dehors des régimes et en-dehors d'une prise de tabac durant la vie. On doit cerner les complications médicales ou au contraire l'état de bonne santé. Car il peut sembler paradoxal pour les néophytes en la matière qu'il puisse exister des obèses en bonne santé comme des gens de poids normal peuvent être métaboliquement obèses et être dans l'obligation de perdre quelques kilos non illusoires. Donc chacun traîne sa propre histoire faite de génétique familiale et d'un environnement spécifique. Par conséquent, chacun est unique et ne peut pas avoir le même poids au final, comme il n'a pas la même taille ou la même couleur de cheveux que son voisin.

Dans ce cas, ne serait-il pas plus efficace d'adapter chaque régime à chaque patient pour obtenir les résultats les plus probants ?

La réponse est oui, oui, oui ! On doit aboutir à une médecine prédictive personnalisée. L'évolution médicale tend à aboutir à une cartographie génétique et à évaluer l'empreinte de l'environnement sur cette génétique. Les régimes tels que nous les entendions jusqu'à présent sont morts et à enterrer. Ce qui est valable pour vous ne l'est pas pour autrui. On va apprendre à cerner nos prédispositions au développement de telle ou telle maladie et ce dès la naissance, voire même in utero. David Barker, un épidémiologiste britannique mort en 2013, a révolutionné le concept de prise en charge en évoquant l'origine développementale des maladies de l'adulte. Des affections comme les maladies métaboliques, cardio-vasculaires ou cancéreuses peuvent faire leur lit in utero selon la façon dont les parents (mère mais aussi père) se sont alimentés durant la conception et la grossesse et même après la naissance. On parle de période des 1000 jours qui englobent la grossesse et la période post-natale immédiate.

Quelle part occupe la génétique dans la compréhension des problèmes de surpoids et d'obésité ? Est-ce que le facteur environnemental de l'individu concerné par les problèmes de surpoids et d"obésité (alimentation, pratique sportive, activité professionnelle…) peut entrer en ligne de compte dans la compréhension du problème ?

Tout individu doit être interrogé sur ses habitudes sociétales, sa famille, son environnement professionnel, son exposition aux perturbateurs endocriniens, son pouvoir d'achat, ses antécédents médicaux, chirurgicaux, ses prises médicamenteuses antérieures ou actuelles comme les antidépresseurs, les neuroleptiques, les anti-inflammatoires, les béta-bloquants, la cortisone, les prises d'antibiotiques à répétition qui peuvent altérer la flore digestive et engendrer une modification de l'assimilation des nutriments.

Un ami à la question de savoir quelle est la poule ou l'œuf à la problématique de poids répond que l'obésité est une maladie 100% génétique et 100% environnemental. C'est la collusion entre les deux qui peut engendrer l'apparition d'une maladie chronique comme l'obésité. Donc l'obésité est une maladie plurielle. Comme on évoque les cancers et non le cancer, on se doit de changer de paradigme et d'évoquer les obésités. Celles-ci méritent donc des prises en charge médicalisées personnalisées. C'est notre société malade qui amplifie le taux d'obésité dans le monde. Le monde actuel est obésogène. L'homme de demain sera plus gros que celui d'aujourd'hui. Les politiques de ville doivent radicalement changer comme le regard posé par la société sur les obèses. On doit encourager l'activité physique par des moyens non onéreux (du matériel de ville est utilisé pour faire des exercices à Bangkok). On doit faire en sorte que Paris retrouve des espaces verts (la capitale est la moins bien pourvue en jardins de toutes les capitales européennes). La lutte contre la pollution ne doit pas consister en mesurettes amatrices, les microparticules comme les perturbateurs endocriniens sont stockés dans les adipocytes qui servent de rempart de défense pour l'organisme humain afin de ménager notre cerveau et notre système reproducteur. Donc on peut l'affirmer, la pollution est l'un des contributeurs à la fabrique d'obèses.

La réflexion doit être sociétale et englober différents acteurs, pas seulement médicaux. Il en va de notre espérance de vie qui va régresser dans les années qui viennent. Il y a urgence, nous n'avons que trop tardé. Réveillons-nous !

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