François Asselin : "Le gouvernement tend à sous-estimer un peu le risque systémique qui pèse sur les PME"<!-- --> | Atlantico.fr
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Le patron de la CPME François Asselin à l’Elysée, le 12 octobre 2017.
Le patron de la CPME François Asselin à l’Elysée, le 12 octobre 2017.
©LUDOVIC MARIN / AFP

Impact sur les entreprises

Pour le patron de la CPME, le gouvernement a bien pris la mesure de l’impact de la crise énergétique sur les entreprises mais peut être pas totalement en ce qui concerne les plus petites d’entre elles.

François Asselin

François Asselin

François Asselin est chef d'entreprise et président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME).

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Atlantico : Quelle est la situation actuelle des PME ?

François Asselin : Pour l’instant, les pme gardent le cap, il y a toujours de l’activité. On commence quand même à remarquer un certain effritement des carnets de commande. Les carnets de commandes étaient à un niveau très haut et le renouvellement se fait de manière moins dynamique qu’il y à 6 mois. On sent poindre un ralentissement d’activité. 

Par ailleurs, l’impact de l’inflation est désormais bien présent dans les comptes des entreprises et les pme ont beaucoup de mal à répercuter l’intégralité de l’inflation sur le prix de vente. Cela signifie que les entreprises voient leurs marges se rogner au fil des mois. Même celles qui avaient des trésoreries solides les voient elles aussi grignotées. Cependant, il n’y a pas du tout de panique puisque l’activité reste encore bonne mais on voit très bien que l’équation est en train de se resserrer. 

Évidemment, il y a un sujet central qui est le coût de l’énergie. Si jamais on n’arrive pas à trouver un moyen pour amortir l’inflation liée à ce coût de l’énergie il peut y avoir un décrochage immédiat. C’est pour ça que nous avons dit qu’il y avait peut-être un risque systémique sur les entreprises de notre pays si jamais nous n’arrivions pas à réguler les prix. C’est la priorité et on constate que Bruno le Maire s’est saisi du sujet. 

Pour le reste, il y a toujours une volonté de recruter et il y a toujours ces mêmes problèmes : on a du mal à trouver les compétences dont on a besoin. On voit toutefois remonter le nombre de CV dans les entreprises. 

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Arrivons-nous à estimer les baisses d’activités liées aux coûts de l’énergie ?

Pour l’instant c’est difficilement mesurable. Ce qui est sûr c’est que les grandes entreprises qui ont des sites de production un peu partout sur la planète sont en train de réorienter leur production dans des pays où l'énergie est moins coûteuse qu’en France. Quand on sait que l’objectif est de réindustrialiser la France, là il se passe le phénomène inverse au niveau des grandes entreprises. Si votre fournisseur français devient très cher et que vous pouvez retrouver les mêmes produits / prestations moins cher à l’extérieur c’est une conséquence logique. 

Donc tout cela fait que l’urgence actuelle c’est effectivement d’arriver à juguler les prix de l’énergie. Nous réclamons un bouclier tarifaire au niveau européen. Si nous n’y arrivons pas, quand on voit que les Allemands mettent sur pied un plan à 200 milliards on peut craindre que la situation soit catastrophique pour notre économie. 

Quelle est l’ampleur du risque systémique ?

On a estimé qu’environ 150 000 entreprises sont particulièrement exposées à l’évolution du coût de l’énergie. Potentiellement vous pouvez avoir des pans entiers de l’économie qui s’arrêtent. Vous pouvez avoir des industries agro-alimentaires qui s’arrêtent de produire parce que plus on produit plus on génère de pertes.  Aucune entreprise ne peut échapper à ce principe de réalité. Tout le monde en est conscient même si ça n’a pas toujours été le cas et il faut trouver des solutions pour rassurer au niveau européen et franco-français.

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Tous les secteurs sont-ils menacés ?

Certains secteurs sont moins menacés que d’autres. Mais à partir du moment où la facture énergétique peut être multipliée par 5, 10 ou plus, cela peut concerner tous les secteurs. Et ce qu’on constate c’est que tous les secteurs et toutes les tailles d’entreprises sont concernées. Le tertiaire est peut-être un peu moins exposé. 

Est-ce que le gouvernement a suffisamment pris la mesure du problème ? Et fait suffisamment ce qu’il faut ?

L’explosion des prix de l’énergie est révélatrice de deux choses : une stratégie énergétique prise il y a dix ans proprement catastrophique et un budget de l’Etat qui n’a jamais su être à l’équilibre, ce qui nous fragilise.  Les Allemands l’ont bien compris. C’est pour cette raison qu’ils peuvent investir autant. Evidemment, c’est très égoïste, puisque cela désavantage tous les autres pays. Et si chacun jouait sa partition, ce serait de la concurrence déloyale. Mais malgré tout, cela doit nous renvoyer à nos propres responsabilités. 

Le choix très clairement assumé a été de protéger le pouvoir d’achat des Français, donc le plus grand nombre, mais un pays c’est un tout : ce sont notamment des consommateurs qui peuvent consommer parce qu’ils ont un travail. Et si les entreprises sont victimes de la crise énergétique et doivent fermer, ces consommateurs seront sans salaires. On peut comprendre qu’il faille protéger le pouvoir d’achat des Français, mais l’outil de production est essentiel à la survie du pays. L’exécutif en a conscience, mais parfois entre la grande entreprise – qui a des solutions pour traverser les crises – et la PME qui n’a pas le pouvoir de négocier avec son énergéticien, la réalité n’est pas la même. Et cette différence, l’exécutif a parfois un peu de mal à l’appréhender et sous-estime parfois un peu le risque.

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La situation va-t-elle donc être plus dure pour les PME ?

Bien sûr. C’est toujours le cas. Dans les moments compliqués, les entreprises qui ont le pricing power sont les gagnantes des crises. Et les PME n’ont pas ce pouvoir. 

Que pouvons-nous faire pour aider les entreprises ?

Il y a d’abord ce qu’on peut faire tout de suite : discuter, négocier au niveau européen pour trouver un accord entre nous et arriver à plafonner les prix en Europe. Au niveau français, il faut adapter les mesures de soutien aux entreprises pour éviter ce risque systémique, tout en ayant conscience de la contrainte budgétaire. Cela veut dire mieux cibler les aides vers les entreprises particulièrement à risque.

Sur le moyen et long terme, il nous faut revoir complètement notre logiciel afin de refonder notre souveraineté énergétique et engager les réformes structurelles dont notre pays a cruellement besoin. A force de vouloir éviter les vagues nous faisons face à un tsunami de problème. 

Craignez-vous la situation du pire ?

Non. Je pense que nous arriverons à atterrir. Mais quand bien-même nous y arriverions, il ne faudra pas oublier ce qui est en train de se passer et en tirer les leçons. Il va falloir prendre des mesures énergiques. 

Comment se portent les chefs d’entreprise ?

Ils ont l’habitude des difficultés. Ils savent regarder avec courage et sérénité ces dernières et arrivent souvent à les franchir. Mais ce n’est pas pour autant qu’ils aiment les subir. Et beaucoup d’entre nous subissons des contraintes dont nous ne sommes pas responsables.

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