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En France, les syndicats font de la politique pendant que les élus décident des lois sociales
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Touche-à-tout

Lundi, Nicolas Sarkozy dénonçait l'activisme politique des syndicalistes de la CGT et de la CFDT. Les relations entre syndicats et politiques découlent en France d'une longue tradition historique. Cette différence d'avec leurs homologues européens vient aussi du fait que chez nous, les politiciens ont la main sur les lois sociales.

Stéphane Sirot

Stéphane Sirot

Stéphane Sirot est historien, spécialiste des relations sociales, du syndicalisme et des conflits du travail.

Il enseigne l’histoire politique et sociale du XXe siècle à l’Université de Cergy Pontoise.

Derniers ouvrages parus : « Les syndicats sont-ils conservateurs ? », Paris, Larousse, 2008 ; « Le syndicalisme, la politique et la grève. France et Europe (XIXe-XXIe siècles) », Nancy, Arbre bleu éditions, 2011.
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Les échanges acrimonieux entre Nicolas Sarkozy d’une part, la CGT et la CFDT de l’autre, font resurgir une question aussi ancienne que le syndicalisme : quel rapport entre les organisations syndicales et la politique ? 

En France, le salariat organisé a toujours été sensible à cette question. Il est un trait de caractère historique de notre pays qui contribue à l’expliquer : depuis la Révolution, le pouvoir politique s’est presque toujours montré méfiant à l’égard des corps intermédiaires. Au fond, l’Etat accepte mal l’existence de contre-pouvoirs entre lui-même et le citoyen. De plus, la tradition jacobine et centralisatrice française a contribué à conférer à l’Etat une fonction interventionniste majeure dans les questions sociales. D’ailleurs, aujourd’hui encore, l’Etat est le principal producteur des lois sociales, alors que dans des pays voisins comme l’Allemagne, le droit social traduit plus volontiers les accords conclus de manière autonome entre les partenaires sociaux. Face à cette configuration nationale particulière, les organisations du monde du travail ne peuvent donc rester indifférentes aux choix électoraux les plus cruciaux. 

Par ailleurs, le syndicalisme français ne conçoit pas son implication dans le champ politique de la même manière que celui des grands pays voisins. Là encore, les racines historiques sont profondes. Trois modèles se cristallisent en Europe occidentale en 1906 : en Allemagne, le Congrès des syndicats entérine un partage des tâches : les revendications quotidiennes au syndicat et la politique au Parti social-démocrate ; au Royaume-Uni, les Trade Unions britanniques créent le Parti travailliste, pour relayer au Parlement les intérêts immédiats des travailleurs ; en France, enfin, la fameuse « Charte d’Amiens » proclame l’autonomie ouvrière, qui consiste en fait à considérer que le syndicat suffit à tout : il soutient la revendication prosaïque tout en préparant la grève générale qui doit mener à une transformation radicale de la société. Bref, le rapport du mouvement syndical au champ politique est plus intense ici qu’ailleurs, dans la mesure même où l’organisation ouvrière se considère comme dépositaire des grands changements de l’avenir. 

Au fil du temps, si les syndicats semblent avoir renoncé à renverser par eux-mêmes le système capitaliste, ils se sont rapprochés de certaines organisations partisanes. Longtemps, la CGT a été identifiée comme la courroie de transmission du PCF et son leader s’affiche aujourd’hui au côté de Jean-Luc Mélenchon. La CFDT, à l’origine autogestionnaire, s’est rapprochée du PS. La CGT-FO est plus partagée, entre des militants sympathisants ou membres, pour certains, du PS, pour d’autres de l’extrême gauche trotskyste, pour d’autres encore de la droite républicaine. La CFTC et, davantage encore, la CFE-CGC, sont plus marquées au centre droit, voire à droite. Les organisations plus récentes comme l’UNSA ou SUD sont perçues, pour la première, comme proche du PS, pour l’autre, du NPA et de la gauche de la gauche. Le syndicalisme patronal penche pour sa part nettement à droite. 

L’actuelle campagne des élections présidentielles paraît réactiver les engagements politiques de chacun. Sa nature en est la cause de fond. La démarche et la personnalité volontairement clivantes du Président-candidat en sont la raison conjoncturelle.

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