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Ces batailles culturelles à mener d’urgence pour sauver la démocratie française de ces "mots maux" qui l’étranglent
©Reuters

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A l'occasion des fêtes, Atlantico republie les articles marquants de l'année qui s'achève. En 2017, Vincent Peillon s'est fendu d'une comparaison entre le sort des musulmans français actuels et celui des juifs sous le régime du maréchal Pétain. Avec cette rhétorique moraliste, l'ancien ministre de l'Education nationale empêche le débat d'idées dans la primaire de la gauche et érode la cohésion nationale.

André Bercoff

André Bercoff est journaliste et écrivain. Il est notamment connu pour ses ouvrages publiés sous les pseudonymes Philippe de Commines et Caton.

Il est l'auteur de La chasse au Sarko (Rocher, 2011), Qui choisir (First editions, 2012), de Moi, Président (First editions, 2013) et dernièrement Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi : Chronique d'une implosion (First editions, 2014).

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Yves Roucaute

Yves Roucaute

Yves Roucaute est philosophe, épistémologue et logicien. Professeur des universités, agrégé de philosophie et de sciences politiques, docteur d’État en science politique, docteur en philosophie (épistémologie), conférencier pour de grands groupes sur les nouvelles technologies et les relations internationales, il a été conseiller dans 4 cabinets ministériels, Président du conseil scientifique l’Institut National des Hautes Etudes et de Sécurité, Directeur national de France Télévision et journaliste. 

Il combat pour les droits de l’Homme. Emprisonné à Cuba pour son soutien aux opposants, engagé auprès du Commandant Massoud, seul intellectuel au monde invité avec Alain Madelin à Kaboul par l’Alliance du Nord pour fêter la victoire contre les Talibans, condamné par le Vietnam pour sa défense des bonzes.

Auteur de nombreux ouvrages dont « Le Bel Avenir de l’Humanité » (Calmann-Lévy),  « Éloge du monde de vie à la française » (Contemporary Bookstore), « La Puissance de la Liberté« (PUF),  « La Puissance d’Humanité » (de Guilbert), « La République contre la démocratie » (Plon), les Démagogues (Plon).

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Invité à l'Entretien politique sur France 2 mardi soir, Vincent Peillon s'est fendu d'une comparaison entre le sort des musulmans français actuels et celui des juifs sous le régime du maréchal Pétain. Ce n'est pas la première fois qu'une personnalité de gauche s'empare de ce que les historiens qualifient de "falsification de l'Histoire". Mais au-delà du contresens qui est fait, en quoi ce discours est-il dommageable pour la société française, tant du point de vue de la cohésion sociale, que pour la pertinence du débat ? Economie, sujets de société... Voyez-vous d'autres sujets dans le débat publics qui sont ainsi paralysés par les arguments de cette gauche morale ?

André Bercoff : Cela n'a pas de sens de comparer la période de Vichy d'une manière ou d'une autre avec la période d'aujourd'hui. C'est une bêtise. Cela ne peut qu'accentuer les fossés, augmenter les malentendus. Que quelqu'un de gauche, se prétendant de gauche, dise cela est navrant. Cela ne va que dramatiser un débat déjà assez pitoyable. Il ne fait qu'ajouter sa goutte de fiel dans l'histoire, c'est regrettable, surtout pour lui un ancien ministre de l'Education nationale. De manière générale, le débat public est aujourd'hui asphyxié par ce processus d'intimidation. C'est à dire le camp du bien contre les hérétiques, si vous ne pensez pas comme moi vous êtes quelqu'un de dangereux, un ennemi à combattre et à abattre. Il est dommage de constater qu'aujourd'hui, on n'écoute plus les arguments de l'autre. Le débat public n'est plus un débat mais une sorte de coexistence inerte de gens qui ne s'écoutent pas et se contentent de se lancer des orions. Cela ne fait qu'engendrer de la confusion et un sentiment de ras-le-bol.

Yves Roucaute :Cette rhétorique n'est pas étonnante venant de la gauche du parti socialiste et de Vincent Peillon qui essaye de draguer les voix musulmanes. Il crée par cette façon odieuse, un faux débat et des oppositions. Ce n'est pas nouveau de la part de cette gauche socialiste qui a été plus qu'ambiguë avec les islamistes, elle n'a pas hésité sous prétexte de lutte contre les Palestiniens à flatter des courants antisémites et à manifester avec eux. De façon plus objective, il y a eu en France, de la part de la droite, des lois prises contre les islamistes, contre les terroristes, en aucune façon ce sont des lois contre les musulmans. Cette gauche fait l'amalgame et c'est le signe d'une pauvreté rhétorique immense et d'un désarroi profond par rapport aux défis que connait la France.

Ce n'est pas la première fois dans l'Histoire que cette Gauche sous couvert de moralisme protège des forces obscures, en particuliers fascistes et néofascistes. Cette stratégie nous l'avons vu en 1940. Il faut se souvenir qu'au nom de la lutte contre la guerre, cette extrême gauche a culpabilisé les gaullistes qui voulaient préparer la France contre le réarmement allemand. C'est cette même gauche qui a soutenu les pleins pouvoirs à Pétain toujours au nom de la morale. Rappelons que c’est l’Assemblée nationale du Front populaire qui a voté les pleins pouvoirs à Pétain par 569 voix contre 80 seulement. Laval était socialiste, Darlan de gauche. Et c’est cette extrême-gauche qui avait créé le parti fasciste français avec Déat.

De même manière, la politique d'immigration est l'objet d'une tentative de cette gauche extrême de ne pas vouloir assurer les lois de la République. Personne n'a dit qu'il faut laisser mourir des gens qui fuient leurs pays. La position classique de la droite est la même que celle de Michel Rocard, qui consiste à dire que la France ne peut accueillir toute la misère du monde et que ceux qui sont accueillis doivent accepter les lois et mœurs de la République. On a dans l'extrême gauche de la démagogie. Vincent Peillon essaye d'être réélu dans une ville avec une très forte population musulmane, il veut se présenter comme le Grand Défenseur des musulmans en faisant un amalgame entre islamistes et musulmans et il fait ainsi partie de ces fossoyeurs de la République

Comment expliquer cette incapacité de la gauche morale à reconnaître la légitimité de ceux qui ne pensent pas comme eux ? De quoi est-ce le symptôme ?

André Bercoff: Simplement parce qu'il y a "péril dans la demeure". La gauche dite morale a régné pendant 40 ans. Pendant ce temps, la droite comme les penseurs étaient complexés. Dans les années 50, il y avait le bon camp, les progressistes et l'Union soviétique et quiconque osait s'y attaquer était qualifié d'agent de la CIA. Depuis quelques années, le débat commence à évoluer mais des relents de cette époque surviennent, des philosophes et des écrivains se mettent à pétitionner en demandant l'interdiction d'accès aux tribunes pour certaines personnes comme Zemmour par exemple. C'est un signe que le Titanic a rencontré "l'iceberg de la vérité" et il se demande comment il va faire pour ne pas sombrer. Donc c'est l'invective, les insultes, l'excommunication, la stigmatisation etc… Cela marque la fin d'un modèle idéologique et c'est insupportable pour beaucoup de personnes qui vivaient grâce à ce modèle depuis 30 ou 40 ans et qui se prenaient pour des intouchables.

Yves Roucaute :Il y a plusieurs gauches moralistes. C'est dans la tradition de l’extrême-gauche socialiste d’être particulièrement dogmatique et fermée à toute discussion. Cela contrairement à la gauche socialiste de Rocard, de Montebourg qui est sur des positions morales mais pas sur des positions de destruction du socle républicain et qui admet la discussion.

La gauche de Vincent Peillon, héritière de Pivert, est prête à inventer une opposition de la société française a tous les musulmans en oubliant que les Français n’ont aucune haine, et que nombre de ces musulmans sont morts pour la France. Il n’y a en France chez les Républicains lucides, de droite ou de gauche, que la volonté de préserver les intérêts de la nation. Il n’est pas anodin que cette extrême-gauche moralisatrice ait été contre l’interdiction du le voile ou le Burkini sur les plages… Ces gens-là ne sont pas gênés que de manière claire des militants islamistes se baladent dans le pays en faisant du prosélytisme, qu’ils développent des thèses salafistes, tout simplement parce que ces gens sont des démagogues qui voient le monde à travers le prisme de la lutte contre les « dominants », les « bourgeois . Ils n'ont pas le courage d'affronter l'islamisme en France et ils n’en ont pas même le désir.

Cette gauche idéologique est logiquement enfermé dans son moule idéologique et pourquoi discuterait-elle alors qu’elle est persuadée d’être dans le vrai. Karl Popper avait admirablement montré que cette gauche est dans l’incapacité d’avoir une approche scientifique et juste du monde. Habitée d’une idéologie qui est infalsifiable, puisque c’est une idéologie,  elle trouve toujours des arguments pour sauver son système de penser et ses dogmes.  Elle est persuadée que les musulmans sont des opprimés, donc que les « dominants » veulent les opprimer voire les détruire. Elle est extrêmement sectaire. 

Pourtant, lorsque l'on regarde les enquêtes d'opinion, on se rend compte que les Français ne partagent pas forcément cette approche des idées de droite. Estimez-vous qu'il puisse y avoir une surreprésentation dans les médias du logiciel de pensée de cette gauche morale ?

André Bercoff : Il n'y a qu'à regarder un certain nombre de médias pour constater cette surreprésentation, c'est évident, c'est même aveuglant. Je suis pour la diversité et le vivre ensemble et les médias devraient prendre exemple pour exprimer et rendre compte de la diversité des opinions. Pour l'instant, on ne peut pas dire que ça soit le cas. Certains demandent la proportionnelle dans les élections, j'aimerai aussi voir la proportionnelle dans les médias pour que la diversité des opinions françaises soient vraiment exprimées.

Dans le service public les Français paient tous la redevance, il ne serait pas mauvais que toutes les opinions soient représentées : il faut des émissions de mentalités, d'idéologies différentes. Si je suis copropriétaire en tant que citoyen du service public, j'aimerais voir mes opinions représentées, cela n'a rien d'extravagant.

Yves Roucaute : On ne peut pas oublier qu'une grande partie des élites a été fabriqué par cette idéologie d'extrême gauche. Dans les écoles de journalisme, les universités, en Science po… Regardez en science politique ces universitaires formés par la pensée Bourdieu comme d’autres à mon époque étaient formés par la pensée Mao. Imaginer que le monde est une opposition entre dominants et dominés est d’une telle pauvreté théorique que cela conduit ceux qui la prônent à une morgue insensée, et à interdire toute véritable pensée du réel, et toute déviance sous prétexte qu’elle ne serait pas scientifique. Cette extrême-gauche a évidemment influencé un certain nombre de gens dans les médias.

Il y a une partie des journalistes formés au journalisme professionnel, celui qui consiste à organiser des débats autour de points de vue dans lesquels les opinions se confrontent. D'un autre côté il y a aussi des idéologues qui sont des militants dans le journalisme qui n'admettent pas le vrai débat. Pour un certain nombre de ces idéologues ce journalisme est une "entrée politique" dans le monde des médias. Il ne faut pas surévaluer ce phénomène, beaucoup de journalistes font leur travail et évitent cet écueil.

il est temps pour les journalistes de se rappeler que le plus beau travail d’un journaliste n’est pas d’être un censeur mais un intercesseur. On a une représentation historique de cette gauche de la gauche socialiste dans les médias mais tout montre que c'est un phénomène qui, heureusement, va s'éteindre rapidement sous les coups du réel et parce que les idéologies finissent toujours pas mourir, même avec retard. 

Quelle est alors l'importance de la bataille culturelle à mener contre elle ? Et quelles pourraient être selon vous les clés de la victoire, comment cette bataille culturelle doit-elle être menée ?

André Bercoff : La bataille culturelle n'est pas entre la gauche et la droite. C'est entre un conservatisme figé et une vision de bon sens du monde tel qu'il est en 2016. Il est hallucinant que certains se réfugient derrière des logiciels qui ont plus de 40 ans pour jauger une situation qui n'a rien à voir aujourd'hui en 2017 avec ce qu'on a connu il y a une dizaine d'année. Ce qui me navre, c'est qu'il n'y a globalement pas de débat intellectuel sur le tableau du spectacle médiatique. Il y a une calcination de la pensée qui est vraiment dommageable. On ne juge plus sur la vérité ou le bon sens de ce que l'on dit mais par l'ou on est sensé se situer et utiliser cela pour nier tous les arguments de la partie adverse. La bataille des idées elle doit être sur les réalités. La pluie n'est pas de gauche ou de droite, la précarité non plus, tout comme le chômage ou le communautarisme. Ces problèmes dépassent de loin le clivage partisan et on ne peut pas s'y attaquer en partant harnaché de ses préjugés ou vêtu d'un costume d'Arlequin. La bataille des idées se gagnera sur la bataille du bon sens, de l'analyse sans préjugés de la réalité. Ce n'est pas nouveau ça s'appelle philosopher, penser.

Yves Roucaute:La bataille culturelle est assez simple c'est la bataille de la vérité. Il faut expliquer la complexité des situations aux gens. Leur dire que la République est menacée par un certain nombre de défis qu'elle doit relever comme le chômage le terrorisme. On ne peut pas se contenter face à ces défis d'une relation idéologique. On doit analyser les choses et ouvrir les débats à tous les courants de pensée. Car nul n’a la vérité du futur, celui-ci, comme le disait Aristote, doit être l’objet de délibérations puis d’un choix. Contrairement à ce que pensent les Peillon, ces choix peuvent ausssi être des erreurs, voire des errances. C’est ainsi qu’avance l’humanité qui est faillible par nature dans un monde contingent.

Ces défis dépassent largement tous les clivages idéologiques. Je suis assez optimiste je pense que l'on voit bien avec les élections que ce sont les derniers soubresauts de cette gauche idéologique, encore puissante aux sommets de l'Etat et des médias mais qui n'a plus de prise dans la population. Les Français exigent des réponses à leur problème et ne veulent plus de ces idéologues. C'est plutôt bon signe.

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