A bas l'entrepreneur, vive le fonctionnaire : chronique d'un désamour ravageur<!-- --> | Atlantico.fr
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Seuls 21% des Français ont une très bonne opinion de leur patron.
Seuls 21% des Français ont une très bonne opinion de leur patron.
©Reuters

Bonnes feuilles

Eric Brunet explique pourquoi des millions de Français ne se sentent plus aimés et quittent leur pays. Extrait de "Sauve qui peut !" (2/2).

Eric Brunet

Eric Brunet

Eric Brunet est l'auteur de l'Obsession gaulliste aux éditions Albin Michel (2017). Il présente Radio Brunet tous les jours sur RMC de 13 heures à 15 heures

Il a par ailleurs publié Etre de droite, un tabou français (Albin Michel, 2006) et Dans la tête d’un réac (Nil, 2010).

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"Maman, je veux être vétérinaire ! Et moi, infirmière… Ou professeur des écoles ! Papa, je veux être pilote de chasse ! Et moi, D.J. Moi, médecin ou caméraman… » En France, le métier de chef d’entreprise ne fait pas rêver les écoliers. Ni leurs aînés collégiens ou lycéens. Ni même les étudiants. L’Éducation nationale ne s’est jamais vraiment attachée à magnifier le modèle entrepreneurial. Chez nous, le chef d’entreprise, considéré dans la plupart des sociétés modernes comme un maillon essentiel du monde du travail, n’a pas un statut envié. Tous les soirs, au journal de 20 heures, les leaders syndicaux, les représentants du corps social ou de la société civile nous révèlent avec force détails le vrai visage du patron français : un profiteur, un affameur, un pressureur, un spoliateur, un écorcheur, une sangsue, un rançonneur, un tricheur, un agioteur, un boursicoteur, un accapareur, un charognard, un affairiste… bref, un type qui n’a qu’une vocation : l’argent.

Le vétérinaire comme l’enseignant ou le pilote de chasse ont de véritables métiers. Le patron, lui, est un aventurier qui a réussi. Il n’est mû que par un dessein : générer du profit. Sans véritable vocation, il est nécessairement enclin à exploiter son prochain. Pas très exaltant… Le seul chef d’entreprise sympathique est celui qui ne gagne pas d’argent. Dans l’imaginaire collectif, un chef d’entreprise au RSA devient même un type estimable. Je caricature ? Pas tant que ça. Les vocations professionnelles naissent souvent dès le plus jeune âge. Une école incapable de fabriquer des représentations sociales valorisantes du métier de chef d’entreprise pratique une forme dangereuse de cécité pédagogique.

Une situation générale qui a été considérablement aggravée par l’administration Hollande. Selon le Baromètre Ifop Fiducial réalisé au printemps 2013 sur les très petites entreprises, François Hollande et Jean-Marc Ayrault ont perdu en quelques mois la confiance des petits patrons. À la question : « Diriez-vous que l’action de François Hollande donne envie de devenir chef d’entreprise ? », 2 % répondent « Oui tout à fait », 6 % répondent « Oui plutôt », et 92 % répondent « Non » ! Moins d’un patron de TPE sur dix estime que l’exécutif ne pourra pas inverser la courbe du chômage, freiner les départs à l’étranger des jeunes diplômés et des créateurs de startups et stopper l’exil fiscal des plus riches. Une chute vertigineuse puisque, juste après l’élection de Hollande, un patron de TPE sur 3 avait encore une opinion positive de l’action gouvernementale. Les petits patrons sont en outre découragés par les 20 milliards de hausses d’impôts qui ont frappés depuis l’été 2012 les sociétés et les particuliers. Ils condamnent au passage l’absence de stratégie en faveur des entreprises. Une majorité d’entre eux affirme avoir renoncé à investir et craindre une explosion du travail au noir.

Qu’on se rassure, la défiance des patrons pour le pouvoir socialiste, n’a d’égale que la défiance des Français pour leurs chefs d’entreprises. D’ailleurs, selon un sondage IFOP publié dans le JDD en octobre 2012, seuls 21 % des Français ont une très bonne opinion de leur patron. Cette faible proportion descend à 15 % quand il s’agit de juger les dirigeants de PME en général et plonge à 5 % pour les chefs de grandes entreprises. On a pourtant oublié qu’à l’origine, le mot « patron » avait un sens positif (sa racine latine signifiant « protecteur »), et qu’en couture il désigne un modèle. Ce n’est que durant la seconde moitié du xixe siècle, avec la popularisation des idées socialistes, que le mot « patron » a pris sa connotation actuelle en qualifiant le chef d’entreprise.

Progressivement, le patron est devenu synonyme d’exploiteur dont la rapacité était la cause de la misère ouvrière, voire même la cause des guerres (Anatole France écrivait au lendemain de la Grande Guerre : « On croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels. ») Aujourd’hui, le chef d’entreprise a plus que jamais mauvaise presse et son image reste étroitement associée à celle de Laurence Parisot, Ernest-Antoine Sellière, Serge Dassault ou Jean-Marie Messier. Il arrive parfois qu’à la seule évocation de son statut social, sa moralité soit remise en cause. Une affaire sans doute anodine me revient en mémoire. En août 2003, le comédien Guillaume Depardieu avait défrayé la chronique lorsque, de passage à Trouville, il avait pointé un pistolet vers un admirateur venu l’aborder. Le quidam ayant déposé plainte, Guillaume Depardieu décida de riposter dans les médias. Pour décrédibiliser le plaignant, le comédien choisit de révéler, de manière appuyée et répétée, sa profession de chef d’entreprise !

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 Extrait de "Sauve qui peut !" (Albin Michel), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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