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Liberté d'expression : des limites au double langage ; gauche, République et islam : le cri d'alarme du maire PS de Sarcelles
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Revue de presse des hebdos

Mais aussi les critiques du Pape François, de Rania de Jordanie, des Anglo-saxons et... des jeunes de la cité des 3000 contre la liberté d'expression "made in Charlie" ou "made in France" ?, combien de temps va durer "l'état de grâce" de François Hollande et Manuel Valls et, et, et... l'analyse au vitriol de Clémentine Autain sur "le mirage de l'union sacrée". Ca bouge, dans la revue de presse des hebdos !

Barbara Lambert

Barbara Lambert

Barbara Lambert a goûté à l'édition et enseigné la littérature anglaise et américaine avant de devenir journaliste à "Livres Hebdo". Elle est aujourd'hui responsable des rubriques société/idées d'Atlantico.fr.

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Mouvement inévitable, souhaitable, constructif ou mal venu ? Deux semaines après les attentats, dix jours après le remarquable mouvement d'"union nationale"  — et même internationale — du 11 janvier, des critiques se font jour, qui pointent les limites et les incohérences de la liberté d'expression "made in Charlie" et "made in France". Et cela par la voix, non seulement, des "enfants des cités", mais aussi de personnalités de premier plan...

Quand l'épouse du "descendant de Mahomet" prend la parole...

Scoop ? Dix jours après avoir participé à la marche pour la paix du 11 janvier, Rania de Jordanie donne un grand entretien à "L'Express". Curieux choix de la part de l'hebdomadaire, vous direz-vous (comme nous nous le sommes dit en découvrant le papier)... Lecture faite de l'entretien, force est de le constater : la souveraine n'est pas que belle, elle sait aussi parler. Si elle est diplomate, elle ne pratique pas pour autant la langue de bois. Or, comme ne manque pas de le rappeler le mag, le roi Abdallah II, son époux, est le "descendant de Mahomet"... C'est dire le poids de la parole de Rania.

Rania de Jordanie : "Je suis contre ces caricatures"

"Dans l'islam, rappelle Rania de Jordanie, il est simplement inacceptable de représenter tous les prophètes, pas seulement le prophète Mahomet (Que la paix soit sur lui), de quelque manière que ce soit (...). (...) En tant que musulmane, je suis donc contre ces caricatures, et je suis offensée et blessée par le manque de respect témoigné à l'égard de ma foi". Ah, on vous avait dit que Rania ne se cachait pas derrière son petit doigt ! La reine n'a pas fini...

Quand Rania interroge la liberté d'expression à sens unique

Au sujet de la liberté d'expression, la souveraine ne se prive pas en effet de souligner l'existence d'un "double langage". "Pourquoi invoque-t-on la liberté d'expression quand il s'agit de l'islam, alors qu'il existe des tabous et une ligne rouge lorsqu'il s'agit d'un autre problème ?", demande-t-elle. 

Rania ferme et "claire"

"Je veux être très claire, précise la reine de Jordanie ; la réponse ne devrait jamais être violente. Jamais". A propos des "terroristes de Paris", la reine de Jordanie le dit, en effet : "Leurs actions constituent l'antithèse de l'islam, qui est une religion qui met en valeur la sainteté de la vie humaine par-dessus tout". Message bien reçu, Rania.

Quand le Pape François pointe les limites de la liberté d'expression

Ce n'est pas anecdotique : le Pape, lui-même, a, sur les caricatures de "Charlie Hebdo", le même avis que Rania... Dans "Paris-Match", Caroline Pigozzi, qui a suivi François au Sri Lanka et aux Philippines, rappelle que "Sa Sainteté (a tenu) à exprimer à 19 heures (le 7 janvier) sa "plus ferme condamnation pour l'horrible attentat". Mais le Saint-Père a aussi indiqué que "la liberté d'expression est certes un droit fondamental, mais qui n'autorise pas à insulter la foi d'autrui", et que "tuer au nom de Dieu est une aberration"". Très clair, aussi, le Pape François. 

"I'm Not Charlie", ou les critiques des médias et des intellectuels anglo-saxons

Mais il n'y a pas que le Pape ou Rania de Jordanie pour faire entendre des réserves quant à la "liberté d'expression made in Charlie"... Dans le monde anglo-saxon, remarquent "Les Inrocks", ça grince et ça coince aussi. "Intitulé "Charlie Hebdo, le magazine français à la fois héroïque et raciste", l'article de Jordan Weissmann publié sur "Slate.com, réputé de gauche", précise le mag, "reprend une opinion de plus en plus partagée, outre-Manche comme outre-Atlantique". Nombre d'entre eux, raconte le journal, ont d'ailleurs préféré ne pas publier les caricatures de Mahomet pour "ne pas offenser les musulmans". "Les Inrocks" le soulignent aussi : le "I'm Not Charlie" de l'écrivain Will Self "est devenu le credo (d'un) bon nombre de journalistes, intellectuels et (d') une partie de l'opinion publique anglophone". Mais qu'est-ce qui explique une telle différence ?

L'"universalisme" français contre le "multiculturalisme" anglo-saxon

A côté de "l'humour très français de "Charlie Hebdo" qui passe mal la Manche et a fortiori l'Atlantique", analysent "Les Inrocks", il y a "les différences historiques et culturelles qui distinguent la France du monde anglo-saxon, caractérisées par l'opposition entre notre modèle "républicain" universaliste et le modèle "multiculturaliste" ou "communautariste" anglo-saxon, fondé sur le respect de la différence, au risque du politiquement correct". Or, en France, on n'aime pas le politiquement correct. On ne le pratique d'ailleurs pas du tout, hmmm ? (!)

Pourquoi les jeunes de la cité des 3 000 sont "contre Charlie"

Pas "politiquement correcte", la parole des jeunes de la cité des 3 000, au nord d'Aulnay-sous-Bois ? Elle mérite d'être entendue, comme en témoigne le reportage que "Les Inrocks" ont mené dans cette cité "oubliée de la République". ""Dieudonné, c'est n'importe quoi, dit l'un d'eux. Quand il vanne les Juifs, eux, ils ont le droit de ne pas être contents. En revanche, quand on insulte le Prophète, il ne faudrait plus rien dire. On est contre Charlie. Et comme on est libre en France, on a le droit de le dire". Malik, 25 ans, fait une mise au point, précise l'hebdo : "En même temps, on est tous contre le terrorisme. Notre religion, ce n'est pas de tuer, c'est d'aider son voisin"". C'est un peu ce que disait Rania de Jordanie, ou on ne s'abuse ?

Quand les jeunes des 3 000 regrettent leur école

""Le vrai problème, c'est l'emploi", dit encore Malik aux "Inrocks". Interviewé par le mag, Issam, lui, pointe en direction de ce qu'est devenue l'école : notre école, dit-il, était ""classée la plus nulle d'Ile-de-France, mais nous, on l'as tous aimée. Et puis, j'ai connu des professeurs, c'était des merveilles". Chahine, un grand frère, intervient : "A notre époque, le CPE venait nous chercher dans les cages d'escaliers. Aujourd'hui, les petits fument leur joint devant le proviseur. Les profs, c'est plus pareil"". Najat, on dirait que tu as un message, là...

Clémentine Autain et les "recommandations hallucinantes" de Najat Vallaud-Belkacem

Clémentine Autain lui en envoie un autre... Interviewée dans "Les Inrocks", toujours, à l'occasion de la sortie de son livre, "Nous avons raison d'espérer — fragments de vie politique" (Flammarion), la représentante du Front de gauche le dit, en effet : "La ministre de l'Education Najat Vallaud-Belkacem a donné publiquement des recommandations hallucinantes : au lieu de suggérer d'engager la discussion, elle a affirmé qu'il y avait trop de questionnements "insupportables" de la part des élèves. Comme si les valeurs pouvaient se transmettre par autorité". Bien vu, non ?

Et que pense Clémentine Autain de "la solidarité politique autour de François Hollande" ?

Clémentine Autain n'est pas plus emballée par "la solidarité politique autour de François Hollande le 11 janvier". Entre la présence "indécente" d'Ali Bongo, Viktor Orban ou Benyamin Netanyahou, le fait que "l'Assemblée a voté (...) la poursuite de la guerre en Irak" alors que, selon elle, "ces guerres sans fin produisent de la radicalisation", le fait que "la France vend des armes à l'Arabie saoudite" et que Nicolas Sarkozy "touche 100 000 euros pour une conférence au Qatar, pays qui finance les réseaux jihadistes", la jeune femme l'affirme : "l'union sacrée est un mirage".

François Hollande et Manuel Valls : combien de temps va durer "l'effet Charlie" ?

Nouveau mirage, la remontée en flèche de la cote de popularité du président de la République et du Premier ministre ? Selon le baromètre Ifop/Fiducial réalisé pour "Paris-Match", François Hollande gagne 21 points, avec 40 % de personnes satisfaites (38 % d'avis favorables et une augmentation de 20 points selon le baromètre Ipsos/"Le Point"). "La seule comparaison possible est la remontée de 19 points accomplie par François Mitterrand dans une enquête Ifop/JDD entre janvier et mars 1991, au moment de la guerre du Golfe : un gain qu'il reperdra dès l'été suivant...", commente "Match". En ce qui concerne Manuel Valls, c'est "l'état de grâce", souligne l'hebdo : d'après l'étude Ifop/Fiducial, le Premier Ministre "gagne 17 points et obtient son meilleur score (61 %) dix mois après sa nomination à Matignon" (+ 23 points avec 59 % d'avis favorables selon Ipsos/"Le Point"). Combien de temps cela durera-t-il ? Ni "Match", ni "Le Point" ne se prononcent sur le "cas Valls". En revanche, dans l'article qu'ils consacrent au rebond spectaculaire du "président le plus impopulaire de la Ve République", Mariana Grépinet et Bruno Jeudy de "Paris-Match" indiquent que "pas dupes, les amis de Hollande" pronostiquent un sursis de soixante jours. "Soixante jours, exactement le délai qui nous sépare des prochaines élections départementales".

Le maire PS de Sarcelles "contre les tabous de la gauche"

Et puisqu'on parle des prochaines élections — et de la nécessité pour le Président et le Premier ministre d'être soutenus par la majorité —, le maire PS de Sarcelles, François Pupponi, jette un gros pavé dans la mare, ce jeudi, dans "L'Obs". Un gros pavé dans la mare... un gros pavé dans la mare ? Mais encore ?! L'édile de la cité-modèle du vivre-ensemble (où co-existent quatre-vingt nationalités) n'en peut plus. Entre le fait que sa ville "était le 8 janvier sur le trajet des frères Kouachi", que l'un de ses habitants, Yohan Cohen, 20 ans, est tombé sous les balles d'Amedy Coulibaly, et que "toute la communauté juive — un quart des 60 000 habitants — a basculé dans la peur", il faut dire que François Pupponi a été un peu soumis à rude épreuve ces derniers quinze jours. Elu il y a dix-huit ans, "ce Sarcellois pur jus d'origine corse" a amplement eu le temps de prendre la mesure des problèmes qu'il devait résoudre, des incapacités de l'Etat mais aussi... de son propre clan. C'est d'ailleurs, événement, "contre les tabous de la gauche" qu'il s'élève aujourd'hui !

Le discours de la gauche coupable ?

Dans "L'Obs", François Pupponi le dit tout net : "Je ne connais pas un élu d'une ville populaire qui ne savait pas que ça allait arriver. La question était où et quand". Le maire de Sarcelles le dit aussi : "Entre les défenseurs de la cause sociale et l'idéologie des fondamentalistes, dans la tête de certains jeunes, à un moment, ça fait boum ! On leur dit : tu vis un enfer et on peut t'amener au paradis, ça donne Coulibaly". Faut-il comprendre que "les défenseurs de la cause sociale", autrement dit la gauche, a sa part de responsabilité dans les drames que nous venons de vivre ?

"Il faut qu'enfin la France gère la relation entre la République et l'islam"

"Pour Pupponi, indique "L'Obs", il y a une forme de déni" sur ces sujets. Même si le gouvernement, à commencer par Manuel Valls, ancien maire d'Evry, est en prise selon lui, avec la réalité des quartiers, il reste des tabous à faire sauter à la gauche du PS ou dans la tête de certains intellectuels. (...) "Il faut qu'enfin la France gère la relation entre la République et l'islam. Comme on l'a fait avec la religion catholique en 1905. Ce débat, on tourne autour depuis vingt ans. Il n'est pas honteux et on peut le faire sans amalgame". Auteur du livre "Les religions sont-elles réactionnaires ?" (Textuel), le pasteur de gauche Stéphane Lavignotte disait exactement la même chose dans l'entretien qu'il nous accordait, ici-même, dans la rubrique "Un livre, un débat" ("Pourquoi la gauche a un problème avec la religion", 13 octobre 2014). A force — croisons les doigts —, le message finira bien par remonter, hmmm ? Sur ce, bonne semaine, les gourmands de l'info !

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Mots-Clés

Etats-Unis, Grande-Bretagne, Assemblée Nationale, école, Arabie Saoudite, islam, Nicolas Sarkozy, juifs, Catholiques, Irak, Emploi, guerre, François Mitterrand, Sarcelles, Benjamin Netanyahou, liberté d'expression, François Hollande, Qatar, république, gauche, Front de gauche, Multiculturalisme, Manuel Valls, Will Self, politiquement correct, Flammarion, déni, Dieudonné, communautarisme, Aulnay, Ipsos, Clémentine Autain, foi, Mariana Grépinet, François Pupponi, Charlie Hebdo, Rania de Jordanie, Mahomet, IFOP, JDD, viktor orban, guerre du golfe, tabou, caricatures, Slate, Najat Vallaud-Belkacem, Elections départementales 2015, Pape François, Caroline Pigozzi, universalisme, éditions Textuel, 11 janvier, Stéphane Lavignotte, Ali Bongo, I'm Not Charlie, 7 janvier, Nous avons raison d'espérer, Jordan Weissmann, Abdallah II de Jordanie, cité des 3000

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