Vers l’âge des pénuries ? Cette démondialisation à 1600 milliards de dollars qui pourrait s’imposer à nous après les chocs de l’année 2022<!-- --> | Atlantico.fr
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Un employé pulvérise un désinfectant le long d'une chaîne de production dans une usine automobile Mercedes Benz à Pékin pour lutter contre la pandémie de Covid-19 en Chine.
Un employé pulvérise un désinfectant le long d'une chaîne de production dans une usine automobile Mercedes Benz à Pékin pour lutter contre la pandémie de Covid-19 en Chine.
©WANG Zhao / AFP

Situation critique

L'invasion de l'Ukraine par la Russie et les contraintes liées à la stratégie Zéro Covid en Chine perturbent les chaînes d'approvisionnement, la croissance et poussent l'inflation à des sommets. Bloomberg a revu à la baisse ses estimations du PIB global de 2022, avec une impressionnante diminution qui se chiffre en milliards.

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Atlantico : Bloomberg revoit à la baisse ses estimations du PIB global de 2022, une diminution de 1600 milliards. Est-ce un phénomène de cette ampleur qui nous pend au nez ?

Don Diego de la Vega : Bloomberg a passé son temps à trouver que les personnalités type Navarro étaient des bons profils pour le commerce extérieur américain alors que ce sont eux qui ont organisé le foutoir sur les chaînes d’approvisionnement et de valeurs globales et notamment les semi-conducteurs. Et ce sont les mêmes qui nous disent qu’il y a un problème de shortage. De même, les Américains font tout pour isoler la Russie et vont jusqu’à livrer de l’armement lourd, et déplore la démondialisation liée au manque d’accès aux céréales ukrainiennes. « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. » On ne peut pas faire du protectionnisme quand cela nous chante et se plaindre des conséquences.

Les restrictions sur les chaînes de valeurs, les blocages, les shortages, les difficultés du commerce international, tout cela est vrai. Le Zéro Covid à Shanghai, les ports congestionnés à Long Beach cela joue. Mais il n’y a pas besoin de ça pour avoir peur de ce qui va advenir en 2023. Il suffit de regarder le durcissement monétaire en cours. Le marché nous dit que ce durcissement monétaire n’est pas bon. Il le dit sur le marché FX, avec des variations très fortes sur le dollar-yen ou le dollar euro. Il le dit sur le marché obligataire, il n’y a quasiment pas de différence entre un taux à 10 ans et un taux à 30, ce qui indique que la Fed déconne. Il le dit aussi sur le marché des actions. La Fed prévoit sur les prochaines années l’équivalent d’une hausse de 1000 points de base soit par hausse de taux direct soit par harmonisation bilancielle. Evidemment elle n’ira pas jusqu’au bout et capitulera sans doute avant. La question est de savoir quand. Plus elle cédera tard, plus les conséquences seront lourdes. Trois mois ce sera gérable, six mois ce sera une récession globale, neuf mois fera de 2023 un nouveau 2008. Heureusement, un certain nombre de ménages et de corporate ont stocké du cash et ont emprunté à taux fixe.

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Les prévisions de Bloomberg portent déjà sur 2022…

Pour 2022, on a déjà un acquis de croissance. Il nous dit que l’on ne pourra pas avoir moins de 2-2,5% de croissance en Occident en 2022, à moins d’avoir quatre trimestres de suite en négatif. Les économistes se sont emballés et prédisaient 4%, mais il n’y avait pas de croissance post-covid et à cela s’ajoute la restriction du policy mix. Donc on sera au niveau des acquis de croissance et sans aucune dynamique, aucun momentum. Et c’est à ce moment que les effets de la restriction de la politique monétaire vont se faire sentir. Pour limiter ces effets, il faut que la Fed change de stratégie. Comme elle a peu de crédibilité, elle ne le fera que quand le CPI aura dégringolé. Ce qui va laisser un été très tendu. Tout cela est bien plus inquiétant que les problèmes d’approvisionnements.

1600 milliards, comme estimé par la Fed, c’est à relativiser ?

1600 milliards à l’échelle mondiale, c’est beaucoup mais ce n’est pas terrifiant. Le NASDAQ a perdu 5000 milliards de dollars en 6 mois. Donc il ne faut pas s’attarder sur des chiffres symboliques. Il n’y a absolument pas les bases d’une surchauffe monétaire. D’autant que je ne me fais pas de problème sur l’offre, les entreprises se débrouilleront si on les laisse faire. Pareil pour l’écosystème chinois. Tant qu’on ne rajoute  pas de règlementation stupide, ce ne sont que des problèmes temporaires.

Quelles seraient les conséquences d’une démondialisation de la sorte ? Se dirige-t-on vers des pénuries massives et un âge des pénuries ?

La pénurie la plus flagrante est celle des neurones. Surtout, ils ne sont pas placés aux bons endroits, notamment pas dans les comités de politique monétaire. Quelle analyse peut apporter Meredith Black ? Et Esther L. George ? Elle est passée de la réserve fédérale de Kansas city au FOMC. Pareil pour Philip Jefferson, spécialiste de la pauvreté aux Etats-Unis et qui ne connaît rien à la politique monétaire. De  même pour Lisa Cook, spécialiste de la ségrégation raciale ou Raphael Bostic. Il faut des gens qui connaissent la politique monétaire pour agir et ce n’est pas le cas actuellement. Dans six mois, on ne parlera plus de pénuries mais d’une récession d’ampleur. On a le même problème de compétence à la BCE, mais ça a toujours été comme ça. Pour la Fed c’est nouveau et problématique. La pénurie est aussi celle d’un écosystème de la pensée critique. Personne ne bronche quand des erreurs sont dites ou faites. Cela fait que l’erreur persiste dans le système institutionnel. "Si les gens savaient, le système duraient 48h" disait Rosa Luxembourg a propos du système capitalisme. C'est valable pour les nomenclaturistes de banques centrales. Nous n'avons pas analysé les vraies causes des dernières crises, nous ne le ferons pas non plus cette fois.

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