“Spice” : la nouvelle drogue à la mode qui tue les Russes à la pelle <!-- --> | Atlantico.fr
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Le "Spice", officiellement vendu comme "encens" sur Internet, est en combiné ultra-puissant de différentes drogues de synthèse.
Le "Spice", officiellement vendu comme "encens" sur Internet, est en combiné ultra-puissant de différentes drogues de synthèse.
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Mortel

Le "Spice", officiellement vendu comme "encens" sur Internet, est un combiné ultra-puissant de différentes drogues de synthèse.

Dan Véléa

Dan Véléa

Le Docteur Dan Véléa est psychiatre addictologue à Paris.

Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur les addictions, dont Toxicomanie et conduites addictives (Heures-de-France). Avec Michel Hautefeuille, il a co-écrit Les addictions à Internet (Payot) et Les drogues de synthèse (PUF, Que sais-je ?, Paris, 2002).

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Atlantico : Selon Viktor Ivanov, directeur du Service fédéral des stupéfiants de la Russie, le "spice" est directement responsable de la mort de douzaines de personnes et de plus de 700 hospitalisations depuis début octobre. Concrètement, le "spice" qu'est-ce que c'est ? 

Dan Véléa : Les services de santé russes observent depuis quelques mois l’arrivée d’un cannabis de synthèse, qui est responsable de plusieurs centaines  d’hospitalisations. Des cas mortels qui ont aussi été répertoriés. Les bases de données étrangères – américaines et canadiennes – font état de la même inquiétude quant à l’utilisation de ce produit, appellé dans la plupart des cas « spice ». Il s’agit d’un mélange de produit de synthèse contenant une grande majorité de produits à base de THC (le delta 9 tetra hydro cannabinol est le principal alcaloïde contenu dans le cannabis). Ces produits proviennent pour la plupart de recherches scientifiques concernant les dérivés du cannabis mais aussi les endocanabinoïdes (notre organisme possède la capacité de synthèse de certains produits apparenté au cannabis, et possède aussi deux types de récepteurs CB1 et CB2 qui « accueillent » les différentes molécules analogues). 
Le produit est vendu de manière légale comme encens à brûler, mais les usagers se rendent vite compte de ses pouvoirs et de ses effets (surtout hallucinogènes). Ils sont très proches de ceux du cannabis, ils sont toutefois plus longs et violents.  Le spice est en vente libre sur Internet, ainsi que dans quelques magasins spécialisés, comme étant capable de procurer une legal highs (défonce légale).

Est-ce une nouvelle drogue ? Est-elle déjà présente sur le territoire français ?

Les premières données concernant le spice datent de plusieurs années mais les récits et les saisies de produits restaient jusqu'à il y a peu assez anecdotiques. Désormais, les usagers nous font part des effets parfois très violents de ces produits et d'autres nous questionnent quant à la possibilité d’usage ("Suis-je en danger en fumant ces encens ?").
On a ainsi constaté depuis quelques années l’apparition des nouvelles drogues, contenant des molécules mélangées ou des évolutions chimiques sur la base d’une molécule préexistante (c’était à l’époque le cas des dérives du MDMA – composant principal de l’Ecstasy – et l’apparition des molécules beaucoup plus fortes, crées par le génie chimique des usagers eux-mêmes, mais aussi par des filières de trafiquants). L’intérêt est de produire une drogue plus forte, mais surtout d’échapper au vide juridique concernant des molécules non-répertoriées.
La présence sur le territoire français ne fait pas de doute, Internet étant devenu un véritable supermarché de la drogue, la surveillance étant très difficile à assurer. Pour rappel, il y deux ans, un mélange de drogues de synthèse faisait fureur aux Etats Unis, les bath salt, comme par le passé les méthamphétamines (Ice Yaaba). 
Cette nouvelle drogue soulève le problème que représente l’usage de ces produits. Il ne s’agit pas seulement de développer un arsenal punitif contre les usagers, mais surtout de se poser la question sur la motivation de ces gens qui prennent de tel risque pour trouver des échappatoires à la réalité.  

Quels sont les effets de sa consommation ? Quels sont les risques ? (plus grand que pour le cannabis ?) 

Les consommateurs décrivent des effets très proches du cannabis, mais de plus longue durée et plus violents. Pourtant, la consommation à longue terme ou chez des usagers jeunes et fragiles peut avoir des effets graves sur la santé, notamment parce que la proportion et la concentration des mélanges est inconnue.
Cette drogue peut par exemple provoquer nervosité, irritabilité, crises de panique ou d'angoisse, pertes de mémoire mais aussi des bouffées délirantes aigués (états psychotiques brefs dans la plupart des cas, mais aussi des états plus prolongées nécessitant une surveillance particulière). Les symptomes phyisques sont de l'ordre des palpitations ou de l'hypertensions artérielle.

Comment se fait-il que tant de jeunes Russes se retrouvent hospitalisés ? Et en meurent ? Peut-on réellement succomber (au sens létal) au "spice" ?

Les mélanges varient en fonction des fabricants, avec des contenus beaucoup plus nocifs. Il arrive aussi que les jeunes mélangent du spice avec l’alcool et des produits plus forts, ces mélanges étant de nature de potentialiser les effets du spice. Par ailleurs, il existe des différences entre les données nord-américaines et russes. Ces pistes devraient être explorées pour analyser des échantillons, afin de vérifier ces différences en terme d’effets. Succomber aux effets létaux du spice est inévitable quand on prend un mélange de différentes drogues de synthèses à haute dose. 

Les procédures de désintoxication diffèrent-elles de celles engagées pour les accrocs au cannabis ? La guérison est-elle plus ou moins longue, plus ou moins difficile ?  

Les traitements d’urgence concernant les effets strictement somatiques du spice et les moyens de prise en charge psychologiques sont les mêmes : cure de sevrage et de détoxification, prise en charge psychothérapeutique et médicamenteuse, mise en place des traitements adaptés (anxiolytique, antidépresseurs, voire même des antipsychotiques). L’accompagnement psychothérapeutique doit s’imposer dans les suites du sevrage. 

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