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Faut-il laisser couler SeaFrance ?
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Zone franche

SeaFrance n’a à peu près aucune chance de survivre sur un marché transmanche acquis au ferroviaire et à l’aérien. D’où le peu d’empressement de ses salariés à y engloutir leurs économies.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Je lis et j’écoute tout ce qui s’écrit et se dit de l’affaire SeaFrance, cette compagnie maritime à deux doigts de couler ― OK OK, c’est pas drôle, il y a un tas d’emplois en jeu, ne vous énervez pas, je retire ― et j’ai l’étrange impression qu’il manque un tout petit quelque chose au débat.

J’ai bien compris que tout le monde était d’accord ― CGT, CFDT, gouvernement, élus locaux ― pour sauver la boîte et un maximum de salariés (ce qui est bien la moindre des choses dans notre France humaine et solidaire) mais que les uns et les autres se prenaient le chou sur la manière de le faire (ce qui est bien le minimum dans notre France vindicative et querelleuse).

Transformation en SCOP,  reprise partielle ou intégrale par Machin SA ou Truc Ltd, propriété des navires par celui-ci ou celui-là, mise au pot commun des primes de licenciement du personnel, soulte de la SNCF, subventions locales et nationales... Ajoutez deux-trois ratons-laveurs et vous êtes couverts.

Le petit quelque chose dont on ne parle pas, pour autant, et qui rend pourtant tout le reste assez surréaliste, c’est l’absurdité d’engloutir quelques dizaines de millions d’euros dans une initiative aussi manifestement vouée à l’échec. Et le peu d’empressement des matelots à "investir" dans leur outil de travail devrait au moins mettre la puce à l’oreille des plus enthousiastes parmi les relanceurs.

Déficitaire depuis une bonne décennie, SeaFrance n’est pas seulement dans les choux parce qu’elle est gérée par une poignée de gros bras ayant érigé l’absentéisme et le népotisme au rang des beaux-arts (dixit la Cour des comptes), mais surtout parce qu’il y a un bail que le trafic transmanche, qu’il s’agisse de transporter des voyageurs et des marchandises, a déserté la voie des eaux. Et de la kyrielle d’armements qui, il y a encore une vingtaine d’années, se tiraient la bourre entre Douvres et Calais ne demeure plus qu’une poignée de survivants ― dont une SeaFrance sous perfusion permanente de son grand actionnaire ferroviaire et une P&O britannique quasi hégémonique.

Pourquoi ? Allez, je suis sûr que vous avez entendu parler de ce souterrain qui relie Albion au Continent depuis 1987 (comme le temps passe), voire de ces compagnies aériennes dites low-cost qui vous transportent de Paris à Londres ou de Bruxelles à Manchester pour des clopinettes. Grosso modo, le tunnel plus l’avion, ce sont les deux tiers des trafics de passagers ; sur le fret, le tunnel est à peu près à 40% de parts de marché.

Reconvertir efficacement les salariés (sans leur piquer leurs indems pour autant) et investir dans l'avenir de cités portuaires fatiguées semble, à tout prendre, un usage plus judicieux de l'argent public que la France prévoit déjà de débourser sous le regard sombre de Bruxelles.

Ah oui, on peut aussi fermer le tunnel et les aéroports mais à ce stade, personne ne l'a encore proposé.

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