Salman Rushdie ou le courage qui manque si souvent à l’Occident<!-- --> | Atlantico.fr
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Salman Rushdie, visé par une Fatwa depuis 1989, a été poignardé à Chautauqua, dans l’Etat de New York alors qu’il s'apprêtait à donner une conférence.
Salman Rushdie, visé par une Fatwa depuis 1989, a été poignardé à Chautauqua, dans l’Etat de New York alors qu’il s'apprêtait à donner une conférence.
©HERBERT NEUBAUER / APA / AFP

Les Versets sataniques

Alors que l’écrivain faisant l’objet d’une fatwa islamique vieille de plus de 30 ans a été attaqué aux Etats-Unis ce vendredi, son destin agit comme un révélateur de cette tendance des pays occidentaux à se complaire dans la haine d’eux-mêmes plutôt que d’affronter celle qu’on leur porte.

Jean-Pierre Sakoun

Jean-Pierre Sakoun

Jean-Pierre Sakoun, pionnier de l’édition numérique, fut conservateur de bibliothèques et ingénieur de recherche au CNRS avant de créer sa propre entreprise. Il préside l’association Unité Laïque. Il est à l’origine de l’initiative pour l’entrée de Missak Manouchian au Panthéon.

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Atlantico : Salman Rushdie, visé par une Fatwa depuis 1989, a été poignardé à Chautauqua, dans l’Etat de New York alors qu’il s'apprêtait à donner une conférence. L’auteur des « Versets sataniques » a été placé sous respirateur artificiel. Selon l'agent de l'écrivain britannique de 75 ans, Andrew Wylie, auprès du New York Times, « Salman va probablement perdre un oeil; les nerfs de son bras ont été sectionnés et il a été poignardé au niveau du foie ». L’assaillant a pu être interpellé. Qu’est-ce qui peut avoir mené à cet événement ?

Jean-Pierre Sakoun : A l’heure où nous écrivons ces lignes, l'homme qui est soupçonné d'avoir attaqué Salman Rushdie ce vendredi aux Etats-Unis serait un jeune homme de 24 ans, originaire du New Jersey. [Il s'appellerait Hadi Matar, selon la police américaine, Ndlr]. Nous ne savons pas si l’écrivain survivra. 

Nous savons en revanche qu’il ne serait pas au cœur d’une telle obsession meurtrière s’il n’avait pas été frappé d’une fatwa par les mollahs iraniens en 1989 pour avoir publié, l’année précédente, Les Versets sataniques. Nous savons encore qu’il a été l’objet, un vendredi, jour de prédilection des attaques de fanatiques islamistes, d’une tentative d’égorgement que nos autruches journalistiques s’attachent à renommer « coup de couteau à la gorge » pour ne pas dire les choses.

L’histoire de Salman Rushdie, le jour retenu, le modus operandi laissent donc peu de doutes sur cette spectaculaire et effroyable tentative d’assassinat qui doit tout à l’islam fanatique. Ce qui a mené à cet événement tient de l’évidence. Lorsque le Cheikh Youssouf al Quaradawi, « penseur » des Frères musulmans en particulier en Europe, disait « avec vos lois démocratiques nous vous coloniserons. Avec nos lois coraniques nous vous dominerons », il omettait d’ajouter que si cela n’allait pas assez vite, l’égorgement sacrificiel des humanistes et des innocents viendrait suppléer les manœuvres politiques.

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Que la fatwa soit chiite, que ces propos aient été tenus par un Frère musulman sunnite, tout cela n’a au fond pas beaucoup d’importance. Il suffit de savoir que l’abêtissement, l’abrutissement, la fanatisation engendrés par l’analphabétisme, l’inculture, la superstition, l’obscurantisme religieux, la haine des autres et de soi-même, trouveront toujours un bras prêt à frapper pour ce qu’il croit être la plus grande gloire d’un dieu sanguinaire qui, s’il a une voix, s’il existe, se dit sans aucun doute qu’il est vraiment « dur d’être aimé par des cons ». Personne, mieux que la rédaction de Charlie Hebdo, ne s’est fait le messager de Dieu face aux ignominies que l’on commet en son nom.

Comme le dit le proverbe africain, « vous avez la montre, nous avons le temps ». Dans une religion, interprétée par des fanatiques dont le seul objectif insensé est de revenir à toute force à l’islam tel qu’ils croient qu’il était pratiqué à l’époque du premier, deuxième ou troisième calife, la notion de temps n’existe plus. Seules comptent la superstition, la haine et leur prorogation éternelle.

Quelle est la portée symbolique d’une attaque contre Salman Rushdie, au vu de son parcours ?

Salman Rushdie n’a jamais été un fanatique. Homme de grande culture, doté d’une immense liberté d’esprit et d’un talent littéraire universel, il n’a pu qu’exciter sans relâche et à son corps défendant – c’est le cas de le dire – la haine des imbéciles à front de taureau qui ont de tout temps constitué la piétaille et la chair à canon des grands inquisiteurs.

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Les abrutis sanguinaires qui défenestraient l’amiral de Coligny, les monstres barbares qui tuaient les bébés juifs en fracassant leur crâne contre les murs ou en les jetant en l’air pour en faire leur cible au pistolet, devaient ressembler comme des frères à l’assaillant de Salman Rushdie. Il n’y a pas ici de symbole, ce serait donner bien trop de noblesse aux actes lamentables de ces tueurs à gage. Il n’y a que la misère morale, intellectuelle, éthique, de pauvres types, même si on finit par apprendre que l’agresseur est un homme originaire du New Jersey et qu’il n’est pas impossible qu’il ait fait ses études dans une grande université.

Qu’est-ce que cette attaque nous dit du climat actuel en Occident ? L’Occident a, avec une certaine lâcheté, longtemps hésité à défendre Salman Rushdie. Quelle est la part de responsabilité occidentale ?

N’accablons pas les Etats-Unis ou la France, pays dans lequel des meurtres rituels par égorgement se produisent pratiquement chaque mois. On peut être sûr que nos dirigeants actuels font leur possible pour empêcher cette barbarie qui est de fait pratiquement impossible à prévenir. Posons-leur en revanche la question de l’autorité du pouvoir démocratique et de la volonté de l’assumer. Lorsqu’un empilement sans fin de normes, de lois, de règlements vient paralyser l’action publique au point qu’il est impossible d’expulser un Iquioussen, dont les ignobles positions ne font de doute pour personne, en tout cas pas pour 91% des Français ; lorsque les Etats-Unis, au nom de la sacro-sainte liberté des individus, laissent libre cours à tous les débordements verbaux, à tous les appels à la haine ; lorsque la culpabilisation indigéniste, décoloniale et communautariste fait oublier aux hommes et aux femmes qui nous gouvernent que l’Europe, plus encore que les Etats-Unis peut être fière d’avoir été la première – et peut-être encore aujourd’hui la seule -  à être capable de penser contre elle-même et d’extirper de ses lois tout racisme et toute iniquité, alors on peut se dire que nous sommes sur le chemin périlleux de l’effondrement d’une culture qui est probablement ce que le monde a produit de plus digne et de plus émancipateur.

La haine de soi et le refus d’affronter avec courage et fermeté la haine que nous portent d’autres aires culturelles théocratiques, inaccessibles à la démocratie, sont nos pires faiblesses. Si le choix qui nous reste un jour est celui de l’asservissement aux ukases d’un fanatisme religieux ou du refuge dans les bras de l’extrême-droite, alors, nous les démocrates, les républicains, les laïques, porteront une responsabilité incommensurable.

Jean-Pierre Sakoun

Président

Unité Laïque

Unité Laïque – (unitelaique.org)

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