Retraites, la réforme impossible<!-- --> | Atlantico.fr
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Des manifestants lors d'un rassemblement à Paris contre le projet du gouvernement français de transformation du système de retraite, le 6 février 2020.
Des manifestants lors d'un rassemblement à Paris contre le projet du gouvernement français de transformation du système de retraite, le 6 février 2020.
©Thomas SAMSON / AFP

Camouflage juridique

Pour réformer les retraites, il serait bon que les responsables politiques aient une idée claire et juste de la façon dont fonctionnent réellement les retraites dites « par répartition ».

Jacques Bichot

Jacques Bichot

Jacques Bichot est Professeur émérite d’économie de l’Université Jean Moulin (Lyon 3), et membre honoraire du Conseil économique et social.

Ses derniers ouvrages parus sont : Le Labyrinthe aux éditions des Belles Lettres en 2015, Retraites : le dictionnaire de la réforme. L’Harmattan, 2010, Les enjeux 2012 de A à Z. L’Harmattan, 2012, et La retraite en liberté, au Cherche-midi, en janvier 2017.

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Pour réformer le système français de retraites, celles des régimes complémentaires comme celles de la sécurité sociale et celles des fonctionnaires et autres « régimes spéciaux », il serait bon que les responsables de cette réforme aient une idée claire et juste de la façon dont fonctionnent réellement les retraites dites « par répartition », ceci quel que soit le camouflage juridique choisi par le législateur. Hélas, ce camouflage a été une réussite prodigieuse : à de rares exceptions près, les citoyens croient préparer leur propre pension quand leurs revenus sont ponctionnés au profit des retraités. La fiction légale a remplacé la réalité économique, qu’Alfred Sauvy exprimait de manière lumineuse : « nous ne préparons pas nos retraites par nos cotisations, mais par nos enfants ».

Un fonctionnement juridique basé sur la magie du « en même temps »

Le droit des retraites, en France mais aussi dans bon nombre d’autres pays, a mis en place des prélèvements sur les revenus du travail – les « cotisations retraite » - qui constituent le plus bel exemple du « en même temps » cher à l’actuel président de la République. Prélevées par les caisses de retraite dites « par répartition », ces cotisations sont immédiatement dépensées pour verser des pensions aux retraités, mais en même temps elles ouvrent des droits à pension. La sagesse populaire nous dit que l’on ne peut pas « être et avoir été », mais le législateur a cru pouvoir faire mentir ce dicton : les cotisations « de retraite » servent premièrement à faire vivre les retraités, ce qui est leur rôle, et deuxièmement elles ouvrent des droits à pension aux actifs qui les versent, ce qui est absurde.

L’oubli dramatique de l’investissement dans la jeunesse

En fait, les pensions futures sont préparées par l’investissement dans le capital humain : les grossesses, les accouchements, les soins aux nouveau-nés, l’entretien des enfants, leur formation à la maison, à l’école et dans les mouvements de jeunesse, voilà ce qui concrètement, réellement, prépare les futures retraites.

Le législateur a reconnu, mais de façon très marginale, le lien qui existe entre élever des enfants et préparer les futures retraites : les pères et mères de famille obtiennent des petits bonus quand ils ou elles liquident leurs pensions. Mais ces balbutiements législatifs se situent à des années-lumière d’une véritable reconnaissance du théorème de Sauvy. Le grand démographe indiquait clairement que le fondement des droits à pension est la mise au monde des enfants et leur éducation, au sens large du terme, qui englobe l’apport parental et toutes les mesures et institutions contribuant à la préparation des futurs adultes.

Hélas, le message d’Alfred Sauvy et de quelques personnes et institutions qui ont (ou ont eu) pleinement conscience de l’importance qu’a l’économie du capital humain, et donc de la démographie, n’a quasiment pas été entendu.  Le rôle économique de la formation des jeunes et de la formation continue est fondamental, mais il a été voilé par une façon bécassine de concevoir les institutions sociales : la priorité est donnée à l’aide, pas à l’investissement. Il nous faut retrouver le sens du dicton selon lequel donner un pain, cela nourrit seulement un jour, alors que former un jeune, cela conduit à une victoire durable sur la pauvreté.

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