Remise en cause de l’avortement aux Etats-Unis, panique morale en France (ou les effets pervers de l’importation de débats radicalement étrangers)<!-- --> | Atlantico.fr
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Des manifestants tiennent des banderoles alors qu'ils participent à un rassemblement appelant à ce que le droit à l'avortement soit protégé par la Constitution à Paris, le 2 juillet 2022.
Des manifestants tiennent des banderoles alors qu'ils participent à un rassemblement appelant à ce que le droit à l'avortement soit protégé par la Constitution à Paris, le 2 juillet 2022.
©Christophe ARCHAMBAULT / AFP

Constitution

La Cour suprême américaine a révoqué le célèbre arrêt Roe v. Wade qui garantissait le droit à l’avortement aux Etats-Unis. Emmanuel Macron a déploré la "remise en cause" des "libertés" des femmes. La majorité présidentielle a depuis annoncé vouloir inscrire ce droit dans la Constitution française.

Eric Deschavanne

Eric Deschavanne

Eric Deschavanne est professeur de philosophie.

A 48 ans, il est actuellement membre du Conseil d’analyse de la société et chargé de cours à l’université Paris IV et a récemment publié Le deuxième
humanisme – Introduction à la pensée de Luc Ferry
(Germina, 2010). Il est également l’auteur, avec Pierre-Henri Tavoillot, de Philosophie des âges de la vie (Grasset, 2007).

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Jean-Marie Le Méné

Jean-Marie Le Méné

Jean-Marie Le Méné est le président de la Fondation Jérôme Lejeune, fondation scientifique et médicale sur la recherche scientifique des soins et de la défense de la vie.

Jean-Marie Le Méné est chevalier de la Légion d’Honneur, membre de l’Académie pontificale pour la vie et consulteur au Conseil pontifical pour la santé. Il est l'auteur du livre Les Premières victimes du transhumanismme qui sera publié au mois de février 2016.

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Atlantico : Vendredi 24 juin, la Cour suprême a révoqué le célèbre arrêt Roe contre Wade de 1973 qui garantissait la possibilité d’avorter dans les 50 États des États-Unis. Peu après, Emmanuel Macron a déploré la "remise en cause" des "libertés" des femmes. LREM a annoncé vouloir inscrire ce droit dans la Constitution française, avec le soutien d’Elisabeth Borne. À quel point cette proposition est-elle le signe d’une panique morale ?

Eric Deschavanne : Je n’aime pas cette expression qui sent le cuistre à plein nez. Il ne s’agit pas d’une « panique morale », mais de l’expression ordinaire de la politique à l’ère des réseaux sociaux. On conçoit, sur la base du buzz médiatique des dernières 24h, une proposition qu’on prétend valable pour le futur millénaire ! Cette proposition de constitutionnalisation du droit à l’avortement procède en réalité du mariage de la bêtise et du cynisme. Bêtise de ceux qui agitent sincèrement la peur irrationnelle d’une remise en cause du droit à l’avortement, cynisme de ceux qui utilisent cette peur pour instrumentaliser la constitution à des fins politiciennes dérisoires. 

Le droit à l’avortement est solidement installé en France, soutenu par les mœurs, lesquelles mœurs sont elles-mêmes soutenues dans la durée par deux principes simples et pérennes, l’égale liberté d’une part, la laïcité d’autre part, qui sépare religion et politique. Le principal garant du droit à l’avortement est le sens de l’histoire, les tendances lourdes de la sécularisation, de l’émancipation des femmes et des progrès de l’individualisme. Le facteur déterminant en France et en Europe est la déchristianisation, qui s’est accélérée au cours du dernier demi-siècle. Contrairement à ce qu’affirment les féministes, le militantisme anti-avortement n’a rien à voir avec le patriarcat et la domination masculine. Pour les hommes aussi, la légalisation de l’avortement fut une libération, puisqu’elle les dispensait de se soucier outre mesure des conséquences de l’acte sexuel. Rappelons par ailleurs que les femmes ne sont pas une minorité, mais composent la moitié de l’électorat, de sorte qu’on voit mal comment le droit à l’avortement pourrait être remis en cause sans leur accord. La menace ne pourrait venir, si on y croit, que d’un éventuel « Grand remplacement », l’islam étant d’ores et déjà la première religion en France en nombre de pratiquants. 

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Cette proposition relève donc du principe de précaution appliqué à la démocratie. L’argument qu’on entend partout est à peu près celui-ci : puisqu’il y a un consensus en faveur du droit à l’avortement, profitons-en pour graver celui-ci dans le marbre de la constitution, de peur qu’il n’y ait un jour plus de consensus. C’est aussi intelligent que de proposer la suppression du suffrage universel pour prévenir une dérive du peuple vers la tentation de la dictature ! Cette proposition affaiblit en réalité le droit à l’avortement. Il importe de comprendre pourquoi en tirant de la décision de la Cour suprême américaine la leçon qu’il convient d’en tirer. La culture politique américaine confie à des juges non élus un pouvoir de décision sur les questions de principe, lesquelles sont ainsi soustraites au pouvoir du peuple de se gouverner par la loi. Le fameux arrêt Roe vs Wade, que la décision du 24 juin a abrogé, avait fait du droit de l’avortement un droit constitutionnel, limitant le droit des États de légiférer sur les conditions et les délais de l’avortement. Inversement, les juges conservateurs ont aujourd’hui beau jeu de dire qu’ils ne se prononcent pas sur le fond de la question, le droit à l’avortement et les conditions de son exercice, mais qu’ils se bornent à rendre aux États leur souveraineté et au peuple sa liberté. Il est bien évident que cette séparation entre État de droit et démocratie, entre protection constitutionnelle d’un droit individuel et droit des États de légiférer, fournissait un formidable argument aux adversaires du droit à l’avortement et contribuait à précariser celui-ci. Or, c’est précisément ce modèle-là que les partisans de la constitutionnalisation du droit à la l’avortement veulent introduire en France ! Le droit à l’avortement est en réalité bien mieux protégé dans le contexte français, précisément parce qu’il est garanti par la loi, c’est-à-dire par la volonté du peuple souverain, et non pas par des gardiens du temple non élus dont les décisions peuvent être contestées au nom des droits du peuple et de la démocratie. 

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Il est en vérité tout à fait paradoxal que cette proposition intervienne au moment même où la décision de la Cour suprême américaine, en abrogeant l’arrêt Roe vs Wade, souligne les limites et l’échec de la stratégie de la constitutionnalisation. Il est bien évident que s’il existe un jour un consensus en France pour remettre en cause le droit à l’avortement, ce consensus permettra également de réviser la constitution. D’autant que l’on aura brisé le « marbre » de la constitution à force de s’autoriser à changer la constitution comme on change de chemise, sous l’effet des buzz médiatiques, transformant la réforme de la constitution en simple carte du jeu politique parmi d’autres.

Un sondage Kantar mené pour la Fondation des femmes et la Mutuelle générale de l'Éducation nationale indiquait en 2021 que 93% des Français se disent attachés au droit à l'avortement. Pour 81% de la population, il faut même progresser en la matière. Face à ce quasi consensus sur le sujet, peut-on craindre des effets pervers suite à l’importation du débat en France ?

Eric Deschavanne : Ce n’est pas l’importation du débat qui est à craindre mais l’absence de débat. La contradiction stimule la réflexion, le consensus encourage la paresse de la pensée, favorise la bêtise, l’intolérance et le fanatisme. On constate d’ailleurs que le fanatisme est en train de changer de camp : ce sont désormais les lobbys féministes les plus fanatiques qui dictent l’agenda médiatico-politique par une surenchère permanente. Cette proposition de constitutionnalisation du droit à l’avortement émane du reste initialement de l’extrême-gauche. Lorsque 93% des Français se disent favorables au droit à l’avortement, l’affirmation selon laquelle celui-ci serait menacé ne peut relever que d’une peur irrationnelle ou d’un aveuglement idéologique. 

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Sur le plan politique, les motivations sont diverses. La gauche et l'extrême-gauche s'alignent sur le féminisme le plus fanatique, celui qui fait du droit à l'avortement un absolu, un "droit naturel" de la femme. L'extrême-droite et les militants laïques voient dans la défense du droit à l'avortement et sa constitutionnalisation une arme contre l'islam. Pour le centre macronien, le projet de constitutionnalisation n’est sans doute qu’une tentative d'utiliser un buzz de l'actualité pour neutraliser les oppositions. Il s'agit d'un machiavélisme court-termiste bien dérisoire. La force centrale n'a plus aucune boussole intellectuelle ou idéologique. Quand le "cercle de la raison" déraisonne, il ne lui reste plus aucun avantage. 

En réalité, cet étrange et paradoxal consensus n'est évidemment qu'apparent. Outre le fait que la constitutionnalisation serait une erreur stratégique, conduisant à l’affaiblissement du droit à l’avortement, elle constituerait également une absurdité philosophique et juridique. Il y a un consensus à propos de la nécessaire pérennité du droit à l’avortement tel qu’il existe. Mais y a-t-il réellement un consensus pour abroger le principe du « respect de l’être humain dès le commencement de la vie », affirmé par l’article 16 du Code civil ? Y a-t-il réellement consensus pour proclamer un droit absolu et illimité à disposer de soi et de son corps, lequel conduirait nécessairement à justifier non seulement la légalisation de l’avortement jusqu’à neuf mois, mais aussi la GPA, le suicide assisté, l’eugénisme et le commerce des organes ? 

Un principe constitutionnel, cela oblige en effet ! Il convient donc de réfléchir à toutes les conséquences qui résulteraient d’une transformation du droit à l’avortement en principe constitutionnel, conséquences auxquelles les partisans de la constitutionnalisation ne semblent pas avoir réfléchi. Il n’est pas impossible qu’un débat sérieux, s’il avait lieu (ce qui est cependant peu probable compte tenu du niveau de la classe politique) fasse éclater ce pseudo-consensus. Car le droit à l’avortement tel qu’il existe dans la loi française n’est précisément pas un principe, puisqu’il résulte de l’arbitrage entre plusieurs principes (le respect de la vie humaine, l’égale liberté). C’est un droit qui est soumis à des conditions prévues par la loi, à propos desquelles il existe un débat permanent et légitime : débat à propos des délais, mais aussi des exceptions qui justifient la permission des avortements tardifs. Les partisans de la constitutionnalisation voudraient en faire un droit fondamental, une sorte de droit naturel, absolu, illimité, exigeant un respect inconditionnel en toutes circonstances. J’appartiens aux 93% de Français favorables au droit à l’avortement. J’en suis même farouchement partisan, car une grossesse non désirée est un drame pour une femme, qui justifie l’assistance de la société à son égard. Mais je suis résolument hostile à la constitutionnalisation, à la transformation du droit à l’avortement en droit fondamental à disposer de son corps, à l’idée défendue par un certain féminisme selon laquelle le fœtus, quel que soit le stade développement et même si on lui attribue le statut de personne humaine, devrait être considéré comme un parasite, un passager clandestin, un squatteur violant le droit de propriété de la femme, n’ayant par conséquent en tant que tel aucun droit à faire valoir.

En France, les députés ont voté une loi pour l’extension de l’IMG pour détresse psychosociale jusqu’à 9 mois de grossesse dans la nuit du 31 juillet au 1er août 2020. Quel est véritablement l’intérêt d’inscrire ce droit dans la Constitution ? Peut-on y voir une part de calcul électoral de la part d’Emmanuel Macron ? 

Eric Deschavanne : Pas nécessairement. Il ne faut pas oublier que le macronisme reste marqué par son origine. La macronie, c’est l’aile droite de l’ex-PS. Les lobbys féministes y sont puissants. Si tant est qu’on puisse prêter à Macron des convictions, celles-ci sont proches de celles des « liberals » américains, à la fois pro-business, libéraux sur le plan économique, et promoteurs du wokisme sur les questions de société. Macron singe les démocrates américains, cherchant à promouvoir en France le racialisme (à travers notamment la nomination de Pap N’Diaye), la conception libérale de la laïcité (une séparation de la politique et de la religion qui protège non pas la politique de la religion mais la religion de l’État), ainsi que le principe de la libre disposition de soi (ne pas oublier que les États-Unis, c’est aussi le pays de la GPA commerciale et du transhumanisme). Le risque, en effet, est celui de l’importation en France des conflits américains, la guerre des races, le wokisme contre le populisme, ainsi bien entendu que le débat pro-choice vs pro-life. Qu’il agisse par calcul ou par conviction, Macron n'est peut-être du reste que l’agent d’une américanisation de la société française qui s’opérerait tout aussi bien sans lui.

Vouloir mettre le droit à l’avortement dans la Constitution est-ce une manière de préempter le débat et de privilégier une forme de coercition plutôt que de conviction ?

Eric Deschavanne : La plupart des partisans de la constitutionnalisation n’ont sans doute pas d’autre intention que de faire taire les opposants. Cette proposition est anti-démocratique, en tant qu’elle vise explicitement à limiter le droit du peuple à se gouverner lui-même par la loi, et anti-libérale, en tant qu’elle vise à limiter la liberté d’expression et empêcher le débat. La constitution d’un pays est sa Loi fondamentale, la règle du jeu commune qui rend possible le pluralisme. Quand on dit, paraphrasant Montesquieu, qu’il ne faut toucher à la constitution que d’une main tremblante, c’est pour rappeler qu’on rend à la démocratie un mauvais service en instrumentalisant celle-ci pour des raisons de basse politique. La démocratie est l’organisation du dissensus et le droit à la réforme permanente, ce qui requiert comme conditions le consensus sur l’organisation des institutions et la permanence de quelques principes « simples et incontestables », comme il est écrit dans la Déclaration de 1789.

Vendredi 24 juin, la Cour suprême a révoqué le célèbre arrêt Roe contre Wade de 1973 qui garantissait la possibilité d’avorter dans les 50 États des États-Unis. Peu après, Emmanuel Macron a déploré la "remise en cause" des "libertés" des femmes. LREM a annoncé vouloir inscrire ce droit dans la Constitution française, avec le soutien d’Elisabeth Borne. Pour vous Jean Marie Le Mené, qui êtes membre de la fondation Lejeune et ouvertement opposé à l'avortement, à quel point cette proposition est-elle le signe d’une panique morale ?

Jean-Marie Le Méné : Cette panique est d’abord due à une ignorance du droit américain. Aux Etats Unis, ce sont les Etats fédérés qui font la loi. La Cour Suprême a révoqué une jurisprudence ancienne - Roe v. Wade - qui garantissait la possibilité d’avorter (jusqu’à 24 semaines de grossesse) en se fondant sur une interprétation erronée de la Constitution américaine. En révisant cette interprétation, la Cour Suprême a rendu aux citoyens des Etats fédérés le choix d’autoriser, de limiter ou d’interdire l’accès à l’avortement. 

Par ailleurs, on semble oublier que la situation est comparable dans l’Union européenne qui laisse toute liberté aux Etats membres d’interdire l’avortement sur leur sol, comme c’est maintenant le cas aux Etats-Unis. Le peuple américain décide désormais. Et dans de nombreux Etats américains, le peuple choisira majoritairement de protéger la vie de l’enfant en gestation. 

Quant à la proposition française de loi intégrant un prétendu « droit à l’avortement » dans la Constitution - "Nul ne peut être privé du droit à l'interruption volontaire de grossesse" – elle serait une aberration sur le plan juridique. Car la Constitution ne contient pas de droits subjectifs. En France, comme aux Etats-Unis, ce sont les parlementaires qui font la loi, pas les juges.

Un sondage Kantar mené pour la Fondation des femmes et la Mutuelle générale de l'Éducation nationale indiquait en 2021 que 93% des Français se disent attachés au droit à l'avortement. Pour 81% de la population, il faut même progresser en la matière. Est-ce le signe d'un consensus sur le sujet ?

Jean-Marie Le Méné : Il n’est pas raisonnable de faire le constat d’un quasi consensus sur la base d’un seul sondage. En réponse, il faut rappeler qu’en 2020, l’IFOP avait déjà interrogé les Français sur leur perception de l’avortement. Les principaux résultats de ce sondage sont les suivants : 

« Les Français se montrent très partagés face à l’avortement et au nombre d’interventions pratiquées en France, moins de la moitié (49%) jugeant que les 230 000 avortements en France par année relèvent d’une “situation normale car avorter est un acte auquel les femmes peuvent être exposées au cours de leur vie”. Les 51% autres estiment qu’une telle “situation est préoccupante car avorter reste un acte que l’on préférerait éviter”, une opinion partagée par 52% des femmes.

Suite au constat partagé par 92% des répondants sur l’idée que “l’avortement laisse des traces psychologiques difficiles à vivre pour les femmes “, près de trois quart (73%) des répondants jugent que “la société devrait davantage aider les femmes à éviter le recours à l’Interruption Volontaire de Grossesse”, une opinion qui croit avec l’âge – 64% des jeunes âgés de 18 à 24 ans la partagent contre 80% des personnes âgées de 65 ans et plus. »

Il n’y a donc aucun consensus sur le sujet. 

Contrairement à l’opinion répandue, l’avortement n’est pas un droit. Il demeure une dérogation au respect de la vie – dès son commencement - protégée par l’article 16 du Code civil. Le principe, c’est l’interdit de tuer, pénalement sanctionné. Si la suppression des enfants en gestation conformément aux conditions posées par la loi est permise, c’est à titre d’exception. Car les atteintes à la vie sont par principe réprimées en droit français. Parler de droit à l’avortement est un abus de langage. Il n’existe que la dépénalisation, une tolérance qui demeure une transgression.

La procédure pour intégrer le droit à l’avortement dans la constitution serait nécessairement longue. A quel point cela risquerait-il de polariser le débat public et la population ?

Jean-Marie Le Méné : Si débat il devait y avoir, dans la situation politique d’aujourd’hui, il serait nécessairement biaisé. Sauf à ce que les promoteurs de l’avortement acceptent que soient décrites exactement la nature, les causes et les conséquences de l’avortement et qu’ils conviennent de la nécessité de mettre en place une politique de prévention. Mais dire ce qu’est l’avortement en réalité présente un grand risque que ses promoteurs ne sont pas prêts à courir.

Cela n’a pas été possible lors des débats en 2021 sur l’allongement du délai d’avortement de 12 à 14 semaines puisque la loi a été votée en dépit même de l’avis défavorable de la grande majorité du corps médical et de la population française. A la différence des Etats-Unis, les protecteurs de la vie humaine en France n’ont pas voix au chapitre. Avec l’instrumentalisation du revirement de la Cour suprême américaine, le ton est donné. Le débat sera univoque. 

En France, les députés ont voté une loi pour l’extension de l’IMG pour détresse psychosociale jusqu’à 9 mois de grossesse dans la nuit du 31 juillet au 1er août 2020. Quel est véritablement l’intérêt d’inscrire ce droit dans la Constitution ? Peut-on y voir une part de calcul électoral de la part d’Emmanuel Macron ? 

Jean-Marie Le Méné : Le calcul est effectivement politique. Cela n’a d’ailleurs échappé à personne. Mais il est à courte vue.

Paradoxalement, cette inscription dans la Constitution ne favorisera pas l’accès à l’avortement. Car si l’on entend dire parfois que l’accès à l’IVG peut paraître difficile, cela s’explique par le manque de professionnels de santé acceptant d’effectuer un acte qui porte atteinte à la vie humaine. Cette désertification de la profession ira inéluctablement en s’intensifiant car aucune norme, fût-elle constitutionnelle, n’obligera jamais les soignants à pratiquer des actes contraires à leur conscience. C’est ainsi, par exemple, qu’en Italie 80 % des gynécologues-obstétriciens ne pratiquent pas d’avortement. 

Symboliquement, donner la même valeur à la naissance et à l’avortement, à la vie et à la mort, est un non-sens. Le monde médical est sensible à cette dérive insensée. L’effet d’éviction est inévitable.

Vouloir mettre le droit à l’avortement dans la Constitution est-ce une manière de préempter le débat et de privilégier une forme de coercition plutôt que de conviction ?

Jean-Marie Le Méné : Même si l’avortement entrait dans la Constitution, cela ne changerait strictement rien à la nature de l’acte et à ses conséquences. La Constitution, comme la loi, sont des normes humaines qui ne sont jamais gravées définitivement dans le marbre et qui peuvent toujours être changées. En revanche, les seules normes indéracinables, contre lesquelles personne ne peut rien, sont celles qui sont inscrites au cœur de l’homme. Elles sont peu nombreuses et l’interdit de tuer en est une.

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