Réduction du nucléaire : effets pervers environnementaux et coûts cachés, la vraie facture <!-- --> | Atlantico.fr
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En France, les 58 réacteurs nucléaires d'EDF fournissent entre 75 et 78 % de l'électricité du pays.
En France, les 58 réacteurs nucléaires d'EDF fournissent entre 75 et 78 % de l'électricité du pays.
©Reuters

Mise au point

En déclarant que l’objectif de François Hollande de réduire à 50 % la part du nucléaire français dans la production d'électricité en 2015 était irréalisable, Anne Lauvergeon, ex-patronne d'Areva, relance un vieux débat. Le nucléaire français ne semble pourtant pas vraiment menacé, tant le coût pour l'environnement et les comptes du pays seraient élevés.

Atlantico : Anne Lauvergeon, ex-patronne d’Areva, a déclaré que l'objectif de réduction de la part de nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l'horizon 2025 de François Hollande était irréalisable. Quelle est aujourd’hui la part du nucléaire dans la production et l’utilisation énergétique en France ? Avons-nous la capacité d’en sortir et dans quels délais ?

Bertrand Barré : En France, aujourd'hui, les 58 réacteurs nucléaires d'EDF fournissent entre 75 et 78 % de l'électricité, soit un peu plus de 40 % de l'énergie "primaire" consommée. Peut-on réduire la part du nucléaire à 50 % à l'horizon 2025 ? Il faudrait déjà savoir qu'elle sera la consommation française à cet horizon ! Quelle sera, par exemple, la part des véhicules électriques dans 12 ou 15 ans ?
Si l'on suppose une consommation peu différente de celle d'aujourd'hui, ce sont 140 milliards de kilowattheures nucléaires qu'il faudra remplacer chaque année par un mélange d'énergies fossiles et renouvelables. Ce n'est pas impossible, mais ce serait extrêmement onéreux pour les ménages et pour les clients industriels, et les émissions françaises de CO2 liées à l'électricité augmenteraient considérablement.

Florent Detroy : La part du nucléaire dans la consommation d‘énergie en France n’a quasiment pas bougé depuis 10 ou 20 ans et elle s’élève à environ 75 %. Nous ne produisons en fait guère plus que ce que nous consommons puisque contrairement à ce que l’on pense parfois, notre balance commerciale énergétique n’est pas excellente.  Ce que nous vendons par exemple à l’Italie ou à l’Espagne, nous l’achetons en Allemagne.

Madame Lauvergeon jette donc dans la marre un pavé que tout le monde connait puisque aujourd’hui en France, la logique consiste à essayer de prolonger la vie des centrales nucléaires plutôt que de les fermer. En effet, Il est extrêmement coûteux de démanteler les nombreuses centrales qui arriveront bientôt à échéance (soit plusieurs dizaines de milliards d’euros selon la Cour des comptes, ndlr), trop, probablement, pour les fonds provisionnés à ce propos par EDF.

Deux grands pays comparables à la France sont actuellement engagés dans une démarche de sortie du nucléaire. Nos voisins allemands d’une part, le Japon d’autre part. Quel est à l’heure actuelle le bilan écologique et économique ? Quels ont été les relais énergétiques ?

Bertrand Barré : Aujourd'hui, le début de sortie volontaire du nucléaire en Allemagne se traduit par une augmentation de leur consommation de charbon et de lignite, au grand dam de l'environnement, et l'arrêt - probablement temporaire - des réacteurs japonais a entraîné une augmentation considérable des importations de gaz et de pétrole par le Japon, se chiffrant à 36 milliards de dollars supplémentaires par an.

Florent Detroy : Dans les deux cas, il y a eu une augmentation du prix de l’électricité. Au Japon, la baisse de l’utilisation du nucléaire a entrainé une augmentation de celle du charbon qui correspond à une tradition énergétique du pays ainsi que de celle du gaz (GNL) qui vient notamment d’Australie, d’Indonésie et du Qatar. Si écologiquement, l’impact a été nocif mais est difficile à chiffrer, économiquement il a fait passer le prix de l’unité de gaz au Japon à 17 dollars alors qu’en Europe il oscille autour de 10 dollars et entre  3 ou 4 aux Etats-Unis, à cause du gaz de schiste.

En Allemagne, c’est essentiellement le charbon qui a pris le relai du nucléaire. Et même si le pays a fait d’énorme progrès sur la question du charbon propre, celui-ci n’a pas fait ses preuves financièrement parlant, les centrales "pilotes" étant pour l’instant des gouffres financiers. Par ailleurs, le reste du remplacement, qui s’est fait par le renouvelable, a également couté très cher à l’Allemagne. Un impact écologique important, donc, mais surtout économique.

La France bénéficie-t-elle des moyens nécessaires pour assurer cette transition ou devra-t-elle acheter une partie de son énergie ailleurs si elle sortait progressivement du nucléaire ? Quelles en seraient les conséquences et les bénéfices ?

Florent Detroy : Je ne vois pas comment la France pourrait revenir au charbon, tant nous essayons de réduire nos émissions de CO2, et parce que je crois que le pays n’a de toute façon plus les équipements adéquats. Pour être honnête, je pense que personne ne l’envisage de toute façon.

Nous avons cependant ouvert l’année dernière de nouveaux ports, un dans le sud et un dans le nord, pour augmenter l’importation de gaz liquéfié. C’est donc plutôt de ce côté-là que nous pourrions nous orienter, mais là encore l’impact financier est très important.

Bertrand Barré : Si la France décidait réellement de réduire significativement sa production d'électricité nucléaire, cela aurait de sérieuses conséquences : augmentation des factures d'électricité, importations de gaz, en substitution directe et pour compenser l'intermittence de l'éolien et du solaire, perte de recettes pour l'Etat actionnaire d'EDF, perte d'emplois très qualifiés et diminution du prestige international du nucléaire français qui aurait un effet déplorable sur nos exportations de biens et services dans ce domaine "high-tech".

Quid des projets de fusion nucléaire annoncés comme révolutionnaires il y a quelques années ? Peuvent-ils changer la donne pour de bon ?

Bertrand Barré : La fusion nucléaire est un sujet de recherches passionnant, mais ses perspectives en tant que source d'énergie sont encore très lointaines : Qand ITER, la grande installation internationale en construction à Cadarache, réalisera ses premières réactions de fusion deutérium-tritium, ce qui est prévu pour 2027, la fusion aura à peine atteint le degré de développement qu'avait la fission en décembre 1942...

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