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Quand Starbucks s’est rendu compte qu’accepter de payer ses impôts au Royaume-Uni était bon pour son business
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Incitation à la vertu

La ministre de la Culture Aurélie Filippetti a déclaré en début de semaine que compte tenu de son chiffre d'affaires, sous couvert de respecter la loi, Amazon ne payait pas les impôts que le géant numérique devrait verser en France. La dénonciation de l'optimisation fiscale n'est pas nouvelle en Europe, à tel point que la chaîne américaine de cafés Starbucks s'est mise à communiquer au Royaume-Uni sur le fait qu'elle payait enfin ses impôts dans le pays.

Jacky Isabello

Jacky Isabello

Jacky Isabello est le fondateur de Press & Vous, aujourd’hui filiale du groupe Wellcom, dont il est le directeur associé. Fort de plus de 15 années d’expérience, il a pour principales missions d’accompagner le conseil stratégique en communication corporate et sensible, ainsi que le développement du portefeuille clients dans les secteurs institutionnels et économiques.

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Atlantico : La décision de la société Starbucks de communiquer sur le fait qu'elle s'acquitte enfin de ses impôts au Royaume-Uni est-elle surprenante ? Cela s'est-il déjà vu, et pourquoi ?

Jacky Isabello : Dès lors qu'un dossier prend une valeur morale et symbolique forte, on a trop tendance à appliquer les principes classiques de communication de crise, à savoir : faire preuve d'empathie, et éviter les "coups dans la figure". C'est ce qui est en train de se passer dans ce dossier de l'optimisation fiscale : on est au confluent de l'illogisme législatif des États, qui se font concurrence fiscalement pour attirer des entreprises, et qui de l'autre coté se drapent dans les oripeaux de la bonne conscience fiscale en reprenant les grands principes de Montesquieu, qui écrivait que plus on paye d'impôts, plus la démocratie s'installe.

En voyant les gens dans la rue et les appels au boycott émis par certaines organisations, Starbucks a décidé de réagir, à l'instar de ce qu'on pu connaître d'autres multinationales. Sauf que sa situation est différente : lorsque par exemple Danone annonce des licenciements boursiers, et que donc des salariés se retrouvent à la rue, ou qu'une entreprise se fait prendre le doigt, non pas dans le pot de confiture, mais d'huile de palme, cela est autrement plus choquant.

Alors que l’optimisation est un sport pratiqué par l’ensemble des multinationales, la "vertu fiscale" pourrait-elle devenir un argument de poids dans leur stratégie de communication ? Est-ce une piste à explorer, ou les obstacles sont-il trop importants ?

La stratégie de communication des entreprises consistant à faire amende honorable va se généraliser, car tout le monde va leur conseiller de faire cela pour apaiser le climat. Mais lorsque le calme sera revenu, les entreprises devront toutes endosser le message qui a été porté par Eric Schmitt, président de Google, qui lors de sa tournée en Europe a mis les États face à leurs contradictions : tout en faisant porter le chapeau aux multinationales, ceux-ci se livrent une concurrence effroyable pour les inciter à s'installer chez eux, via des agences de promotion des investissement étrangers.

Les entreprises doivent communiquer ainsi. A l'avenir, elles ont un intérêt réel à organiser leur lobbying, à mobiliser les patrons des différentes filiales, et surtout les "patrons monde", pour qu'ils s'adressent aux pouvoirs publics et dénoncent leur mauvaise foi, qui sur ce dossier est accablante. D'autant plus qu'il n'y a pas eu de fraude au fisc ; les entreprises ont fait ce que n'importe quelle entreprise fait lorsqu'un pays lui propose des conditions d'accueil favorables.

La mauvaise foi politique est flagrante. Preuve en est le discours de David Cameron, qui d'un côté vante les qualités de Londres comme lieu d'investissement, et de l'autre donne des leçons de morale à Starbucks. Il y a une quinzaine d'années, Jean-Marie Messier faisait l'apologie en France du principe d'exception culturelle, puis soutenait exactement l'inverse aux États-Unis. C'est ce qui d'ailleurs a marqué le début de sa fin.

Qu'en est-il de l'actionnaire ? Celui-ci va-t-il assurer Starbucks de son soutien ?

Nous verrons ce qu'ils en diront lors de la prochaine assemblée générale. Ils sont effectivement en droit de dire jusqu'où ils sont prêts à supporter ce genre d'oukase. C'est pour cela que le dirigeant d'entreprise aurait tout intérêt, avec son conseil d’administration, à entamer une forte opération de lobbying, pourquoi pas en y associant d'autres patrons dans une situation semblable, pour former une sorte de Medef international, à l'instar de ce qu'on fait les grands patrons de l'énergie pour ne pas se laisser prendre en otages par les États. Les dirigeants d'entreprises n'étant pas des hommes politiques, ils sont pris de court.

L'enseigne pourrait-elle réussir à faire revenir ses clients, et à en attirer de nouveaux ?

Une fois les esprits calmés, Starbucks a intérêt à reprendre son bâton de pèlerin pour faire comprendre aux pouvoir publiques que cette attitude dénonciatrice ne lui plaît pas en tant qu'employeur. Des entreprises comme Starbucks, Macdonald ou Quick sont dans l'ensemble assez louables, car elles intègrent des publics qui ne sont pas toujours intégrés ailleurs, elles donnent des contrats qui conviennent bien aux étudiants, et elles donnent un accès au monde professionnel à des gens assez jeunes. En termes d'employabilité, elles n'ont rien à se reprocher, bien au contraire. Elles se sont souvent fait enfermer dans des débats, comme celui de la fiscalité, qui n'étaient pas les leurs. De plus, n'oublions pas que les emplois en questions ne sont pas délocalisables.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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