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Pourquoi la guerre Sarkozy-Copé est bel et bien déclarée
©Reuters

Par juges interposés

Après la mise en examen pour financement illicite de campagne de Nicolas Sarkozy dans l’affaire Bygmalion, la guerre repart entre ce dernier et Jean-François Copé. Une sorte de remake de celle qui avait vu s’affronter en 2013 Copé et François Fillon, pour l’élection mouvementée à la tête de l’UMP. Voilà qui devrait réjouir Alain Juppé, candidat aux primaires des Républicains en novembre prochain.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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Cette affaire Bygmalion, aura-t-elle une vertu pédagogique pour la prochaine élection présidentielle ? On aimerait pouvoir répondre oui. Car enfin cette course à l’argent, cette course au toujours plus où l’on a vu que, lors d’un meeting à Nice en 2012, on offrait aux militants champagne Ruinart et petits fours, cela fera-t-il partie du passé ? Définitivement. Le monde politique est un monde de gourmands. Où l’on aime les beaux hôtels, les repas dans les restaurants de qualité et les voitures avec chauffeur. Cela coûte cher. Très cher. Or, la classe politique française n’a guère le goût pour la diète. Ou à défaut le goût pour mener le train de vie d’un citoyen, disons normal. C’est aussi l’un des enseignements de l’affaire Bygmalion. L’autre enseignement - fondamental - c’est qu’elle a définitivement scellé la fracture entre Jean- François Copé et Nicolas Sarkozy. Certes, ces deux-là ne se sont jamais aimés, sans doute parce que trop semblables. Trop sûr d’eux. Trop cassants. Encore que le député-maire de Meaux apparaisse plus madré que Sarkozy et que l’ancien président de la République semble plus véhément. Pour le reste, ils ont un côté frères jumeaux, à s’y méprendre, faisant une fixette sur un seul objectif : la présidence de la République en 2017… Sauf que le royaume, quel qu’il soit, ne peut avoir qu’un seul roi. Bizarrement, et Copé et Sarkozy l’ignorent totalement, ou plutôt feignent... C’est bien pour cette raison que la paix des braves est impossible.

Témoin, l’audition de Nicolas Sarkozy, ce mercredi 17 février, par le juge Serge Tournaire qui enquête aux côtés de ses collègues Van Ruymbeke et Le Loire sur cet empoisonnant dossier Bygmalion. Interrogé pendant une douzaine d’heures, l’ancien chef de l'Etat ne s’est pas privé de lancer quelques missiles vers Jérôme Lavrilleux, son ancien directeur adjoint de campagne, une façon de viser Jean-François Copé. En substance, on ne m’a jamais rien dit sur le dépassement de mes frais de campagne (elles ont atteint près de 50 millions d’euros, soit près de 28 millions de plus que le plafond autorisé). Ces dépenses astronomiques, Nicolas Sarkozy ne les comprend pas : "J’ai été deux fois candidat à la présidentielle, dit-il, les salles, les meetings, les déplacements que j’ai faits en 2012 sont les mêmes que ceux que j’ai faits en 2007". Et de faire remarquer que la cinquantaine de réunions publiques qu’il a organisées toujours en 2007 se sont chiffrées à 10 millions d’euros. C’est bien la preuve qu’il s’est passé des choses peu orthodoxes du côté de Bygmalion. Visiblement fort mécontent d’être pris dans ce feuilleton qui a débuté en mai 2014 sur le plan judiciaire, Sarkozy répète au cours de son interrogatoire les nombreux liens qui unissaient l’ancien président de l’UMP, Jean-François Copé et les dirigeants de Bygmalion, parmi lesquels Bastien Millot. Pour Sarkozy, il n’y a aucun doute, c’est la direction de Bygmalion qui s’est livrée à des fausses factures, pour le seul profit de sa filiale Event. Finalement, après une défense abrupte, argumentée, Nicolas Sarkozy est mis en examen pour financement illicite de campagne électorale. Au fond, c’est parce qu’il aurait engagé des dépenses sans tenir compte de deux alertes adressées les 7 mars et 27 avril 2012 que l’ancien chef de l’ Etat écope de cette mise en examen.

Evidemment, pour Sarkozy, cette audition n’a guère été une partie de plaisir. Mais il ne s’en tire pas si mal, puisqu’il échappe à une mise en examen pour escroquerie et abus de confiance sur le volet proprement dit des fausses factures émises par Bygmalion. A dire vrai, ce qu’il a surtout du mal à supporter, ce sont les déclarations du député-maire de Meaux, qui a déclaré au juge Tournaire le 8 février que le système des fausses factures – 18,5 millions d’euros- auraient été décidées "par l’ensemble des équipes UMP et présidentielle". Copé aura beau jeu de dire à la sortie de son audition chez le magistrat qu’il n’avait pas été mis en examen dans ce dossier. Et qu’il était donc mis hors de cause.

Aujourd’hui, la hache de guerre est à nouveau déterrée entre Copé et Sarkozy. Leur double audition en est l’accélérateur. Déjà en octobre 2015 dans l’Obs, Jérôme Lavrilleux, proche de Copé, avait déclaré que Sarkozy était parfaitement au courant de ce qu'il s’était passé chez Bygmalion lors de la campagne de 2012. Ce qui avait déclenché cette promesse de Sarkozy, selon le Canard Enchaîné : "Moi vivant, jamais Copé ne sera candidat à la primaire". Près de 18 mois ont passé. Quelques jours après son audition chez le juge, l’ancien président de l’UMP annonçait sa candidature aux primaires. La haine est à nouveau présente. Sans doute aussi forte que celle qui s’était manifestée entre François Fillon et Jean-François Copé lors de la pathétique élection à la tête du parti gaulliste. Jouez, jouez comme cela, dirigeants de mouvement politiques – cela vaut aussi pour le PS -, continuez à vous chamailler et vous n’aurez plus de militants dans vos partis…

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