Plans Covid-19 : pourquoi nous devrions nous préparer à vivre comme si la pandémie allait durer à l’infini <!-- --> | Atlantico.fr
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©JOEL SAGET / AFP

Stop à l’effet de surprise

Personne ne peut prédire l’évolution de la pandémie. En revanche la possibilité de l’apparition de nouveaux variants, elle, est prévue. Tout comme la récurrence de contagions zoonotiques et de virus respiratoires est annoncée par de nombreux scientifiques.

Eric Billy

Eric Billy

Eric Billy est chercheur en immuno-oncologie à Strasbourg. Il est membre du collectif Du côté de la science.

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Atlantico : Nous sommes actuellement sous la menace du variant Omicron, le dernier d’une longue série. Dans quelle mesure l’émergence de nouveaux variants du Covid est-elle crédible ?

Eric Billy, chercheur en immuno-oncologie, membre du collectif "Du côté de la science" :Penser qu'Omicron pourrait être le dernier variant, c'est une tradition qui se perpétue sur tous les variants récemment, dont Delta. Encore récemment dans le sud de la France, certains disaient que le variant Omicron ne prendrait jamais le dessus sur le variant Delta, et les faits ont démontré encore une fois qu’ils se trompaient. Aujourd'hui, il n'y a aucune raison de penser que la variant Omicron sera le dernier circulant, de la même manière qu'il n'y avait pas de raison de dire que le variant Delta serait le dernier. Aujourd'hui, la seule chose que l'on sait avec un peu plus de certitude depuis 2 semaines parce que nous avons des données anglaises et danoises qui correspondent à des populations qui ont un niveau de vaccination similaire, une pyramide d'âge assez proche de la nôtre, dans le même hémisphère, à la même saison, avec une forte prévalence d’Omicron,  c'est qu'effectivement, ce variant envoie moins de gens em rea (-30%). Mais comme Omicron est plus contagieux, le nombre de cas supplémentaires pourrait venir annuler le bénéfice de cas graves sur le nombre de personnes envoyées à l'hôpital (soins conventionnels). Le fait qu'il y ait une pathogénicité inférieure (en particulier au niveau des poumons), pourrait être compensé par une contagiosité largement supérieure à Delta. Et ce n'est pas parce que la pathogénicité est inférieure qu'il faut se dire qu'on est sortis du Covid et que ça va bien se passer à présent.Par ailleurs, une contamination antérieure, n’apporte qu’un bénéfice partiel (50%), indiquant qu’il n’y a pas d'immunité stérilisante suite à une infection. Une vaccination trois doses est la seule apportant une protection à 50% d’une infection par Omicron. Des données préliminaires du Charite indiquent que Omicron semble induire des symptômes 1-2j plus rapidement que Delta chez les vaccinés (liés à la rapidité de la réponse immunitaire).

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Après deux ans de circulation virale, il y a eu un certain nombre de variants qui sont apparus. Nous ne sommes pas sûrs que les vaccins avec la souche initiale, malgré une très bonne réponse immunitaire, cellulaire et anticorps démontrée jusqu'à Delta, ne demanderont pas une mise à jour, en particulier depuis l'apparition de Delta et surtout Omicron. Nous devrions sérieusement se poser la question de la mise à jour des vaccins. Pour approfondir cette question, il faudra de manière internationale, globaliser la production des vaccins, et faire évoluer et généraliser la Spike que l'on utilise pour préparer ces vaccins. Dans beaucoup de pays où il y a très peu de vaccination et où le virus circule, nous risquons de voir apparaître des variants dans ces populations. On a vu avec Omicron qu'il faut peu de temps à un virus pour traverser le globe et diffuser quand il a un fort pouvoir de contagion. 

Omicron n'est certainement pas le dernier variant, et il faudra peut-être mettre à jour les vaccins de façon à renforcer et améliorer l'efficacité vaccinale, non pas sur les cas graves/décès, où deux doses suffisent à les prévenir, mais bien sur la transmission. Dans le cas contraire nous perdrons en efficacité sur la transmission  à chaque variant majeur, à cause de mutations supplémentaires. Mais cela ne signifie pas qu’on devra se vacciner tous les trimestres comme certains le prétendent à tort et sans fondement. Le meilleur schéma d'immunité c’est de se vacciner 3 doses afin d'éliminer le risque de cas grave, ainsi d'être prêt à contrer Omicron quand il se présentera, établissant ainsi une immunité mucosale avec peu de risques et dégâts.

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« Nous sommes rentrés dans l’ère des pandémies », a déclaré l’épidémiologiste Alice Desbiolles sur Europe 1 le cinq janvier dernier. Faut-il effectivement se préparer à des pandémies régulières ?

Il faut rester très humble vis-à-vis de la situation actuelle. D'abord nous n'en sommes pas sortis, et nous n'avons aucune preuve d'une fin du Covid, les hôpitaux en sont les témoins. Ce qui est vrai, c'est qu'avec la mondialisation des échanges, des voyages, on a énormément de brassage de population, et nous avons de moins en moins d’endroit sur le globe où l'homme ne va pas. Nous avons des zones sur le globe où les animaux ont leurs virus, leurs pathogènes, et s'ils ne sont encore jamais rentrés en relation avec l'humain, on ne sait pas si ces pathogènes peuvent effectivement infecter l'humain. Les pandémies qui sont liées à des virus qui circulent chez les animaux, il peut y en avoir, mais ça reste toutefois rare en dehors de celle qu'on vit. Maintenant, dire que ces épidémies seront plus fréquentes ce n'est pas prévisible. La production animalière dans des lieux très fermés et peu ventilés est une condition facilitante pour servir de réservoir soit à l'amplification d’une épidémie virale soit pour générer en cas de mesures sanitaire insuffisante des sauts d'espèces (passage à l'homme d’un virus affectant normalement uniquement l’animal, cas de la grippe aviaire).

Face à ces nouveaux variants ou nouvelles pandémies, faudrait-il avoir des grands plans d’action nationaux ou internationaux, des protocoles spécifiques à suivre pour réagir rapidement pour ne pas se laisser surprendre ?

Il est clair qu'à la sortie ou fin de cette crise, devront être mis en place des plans d'action, qui étaient déjà prévus, mais ce sont avérés très peu fonctionnels (on se souvient de la crise des masques.). Cette pandémie montre qu'une économie très internationalisée la rend très fragile à la disponibilité des produits ou composants. À la sortie de cette crise, il faudra faire en sorte d'avoir plusieurs lieux de production des vaccins, des réactifs pour les tests ou les composants pour les masques. Le fait que nos économies soient très interconnectées, la moindre baisse de production dans l'un des pays de la chaîne peut entraîner une rupture de la chaîne. Le président de la République a dit au début de la crise qu'il fallait atteindre une forme de souveraineté, mais ce n'est pas forcément à l'échelle d'un pays qu'il faut que cela soit fait, mais plutôt à une échelle continentale, comme en Europe, où nous devrions gagner en capacité de prévoyance et de réaction en cas de crise, ce qui permettrait aux pays européens de rapidement tester, isoler, prévenir et soigner. Tout cela nécessite des capacités de production, et les compétences à toutes les étapes de production.

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Lorsque l’on regarde les exemples étrangers, est-ce que certains éléments de stratégies zéro Covid peuvent faire partie de la solution ?

La stratégie zéro Covid pure ça marche très bien lorsque vous êtes un pays très isolé comme la Nouvelle-Zélande. Ce qui est plus applicable à l'Europe, c'est ce que l'on voit en Corée du Sud ou au Japon, c'est de réagir très vite aux clusters, et de pouvoir tracer en temps réel les contaminations. Ce qu'ils font dès le départ, en plus de tester, c'est du traçage rétrospectif, pour pouvoir remonter à la source, et connaître les personnes qui présentent un risque de contagion, pour les isoler. Autre exemple, les Japonais ont vite compris que c'était un problème de transmission aérienne, et ont intégré des systèmes de ventilation et des instruments de contrôle de la qualité de l'air dans beaucoup de lieux publics ou clos. Au Japon, personne ne se pose la question de l'intérêt de porter un masque ou non, on peut imputer ça à une culture du masque, mais surtout parce que le respect des autres est très important, pour éviter de transmettre ses pathogènes aux autres. Cette culture du soin, du respect et de la santé nous l'avons assez peu en Europe, et cela est probablement lié à notre concept de liberté individuelle très présent dans la culture européenne. Alors que ces deux points ne sont pas ambivalents ni mutuellement exclusifs.

Ces stratégies sont à réfléchir et à intégrer. Le problème de vouloir faire passer ses droits avant ses devoirs, c'est oublier que pour bénéficier de ces droits, il faut pouvoir assurer également la sécurité et le respect de la santé de tous afin justement que l'on puisse assurer les droits de tous, individuellement et collectivement. Et durablement.

Références : 

https://www.imperial.ac.uk/mrc-global-infectious-disease-analysis/covid-19/report-50-severity-omicron/

https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.12.27.21268278v1

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