Peut-on dire du bien des jeunes d’origine asiatique sans se faire mal voir ?<!-- --> | Atlantico.fr
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60% des étudiants asiatiatiques accèdent après le collège aux filières généralistes.
60% des étudiants asiatiatiques accèdent après le collège aux filières généralistes.
©Reuters

C'est mathématique

L’épreuve du bac approchant, un très sérieux organisme publie une enquête sur la réussite à cet examen. Les immigrés originaires d’Asie confirment leur excellence. Pourquoi ? Et pourquoi il n’est pas très bien vu d’en parler.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Les statistiques ethniques sont interdites en France. Enfin, pas tout à fait… S’il est prohibé de révéler qui est en prison, qui, au banc des prévenus, s’entasse dans les tribunaux, qui sont les délinquants, il est licite en revanche de dire qui réussit. Ainsi, Trajectoire et Origine (un organisme dépendant de l’INSEE et de l’INED) publie chaque année un rapport qui consigne la réussite, jamais démentie, des jeunes issus de l’immigration asiatique. Quelques chiffres. 60% d’entre eux accèdent après le collège aux filières généralistes (moyenne nationale : 50%). 60% de ceux d’entre eux dont les parents sont non-bacheliers obtiennent le bac (moyenne nationale : 50%). Et s’agissant de l’enseignement supérieur, les pourcentages sont encore plus éloquents.

Et pourtant, une grande partie de ces jeunes souffrent d’un handicap que ne connaissent pas les autres, y compris ceux issus d’immigrations différentes. Leurs parents, très souvent, ne parlent pas - ou parlent mal - français et ne peuvent donc les aider dans leurs devoirs et leurs études. Socialement, ils viennent le plus souvent de familles d’artisans et de petits commerçants. Donc un peu moins pauvres que d’autres, ce qui expliquerait, selon une pensée dominante et nivélatrice, leur succès. Soit. Et alors ? Comment cette pensée négationniste (du verbe nier) expliquerait-elle que les petites épiceries parisiennes aient changé de statut, “le Chinois d’en bas” remplaçant “l’Arabe du coin” ? Qu’est-ce qui a fait que le Sentier, de juif, soit devenu asiatique ? Et par quel mystère, dans la plupart des cafés-tabacs, ce sont des hommes et des femmes aux yeux bridés qui vous servent ? Et qui s’occupe de vos ordinateurs dans les petits magasins d’informatique ?

La réponse fournie par les sociologues tient en quelques phrases. Une structure familiale où le travail, l’apprentissage, la compétition et le désir de réussir sont des valeurs transmises de génération en génération. Une tradition religieuse (shintoïsme, bouddhisme, culte des ancêtres) qui relève d’une douce promenade contemplative. Les concernant, le mot fourre-tout d’intégration est dépourvu de tout sens réel. Ils assument sans complexe et sans difficulté leur identité d’origine. Et sont fidèles à la langue vietnamienne ou chinoise : presque tous sont bilingues, ce qui est un atout évident pour la gymnastique nécessaire de l’esprit.

Il n’est pas très bien vu de parler de la réussite des jeunes asiatiques. Car on est aussitôt accusé de stigmatiser, en creux, ceux - eux aussi enfants d’immigrés - qui, dans les statistiques scolaires et dans d’autres, non publiables, obtiennent des résultats moins flatteurs. Ni la pauvreté, incontestable, ni la colonisation (nous avons fait des choses pas très belles en Indochine et - que l’on sache - les jeunes Vietnamiens ne demandent pas réparation à la France) ne peuvent éclairer le décrochage de nombreux jeunes « issus de la diversité ». Cette tragédie - car c’en est une - a d’autres raisons. Une acculturation dévastatrice : ils ne savent pas, ne savent plus ou n’ont jamais su qui ils sont. Des structures familiales qui transmettent un mépris insondable de la femme. Une tradition religieuse qui est à des millions d’années-lumière de la nonchalante tolérance des rites asiatiques.

Cela peut changer. Et cela changera. Car il y a évidemment ni fatalité biologique ni hérédité génétique qui favoriserait les uns et accablerait les autres. L’horloge du temps est la même pour tous. Mais pour les asiatiques, ses aiguilles tournent plus vite.

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