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Pendant que la rumeur donne Macron partant, Manuel Valls prouve qu’il pourra le remplacer et annonce une baisse des impôts sur les sociétés
©Reuters

Atlantico Business

Paris Europlace, qui rassemble l’industrie financière, veut devenir plus attractive que Londres. Manuel Valls va s’y employer. Il va donc faire du Macron. Il remplacera Macron.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Encore un spectacle dont Paris va se délecter. Lors des assisses 2016 de Paris Europlace, Manuel Valls a essayé hier de montrer qu’il pouvait faire encore mieux qu'Emmanuel Macron. Sur les objectifs à atteindre pour que Paris soit aussi attractif que Londres, il est évidemment très crédible, autant sinon plus que Macron. Sur les moyens à mettre en œuvre pour toucher ces objectifs, il est beaucoup moins convaincant.

Les assises de Paris Europlace convoquent chaque année à cette époque le gratin de la finance française et internationale. C’est un must présidé par Gérard Mestrallet où tous les banquiers, investisseurs et responsables politiques se bousculent.

L'objectif des financiers français est d'être capables d’attirer les financiers qui sont installés à Londres et qui pourraient ne plus avoir intérêt à y rester. L'exercice est un peu artificiel, parce que les financiers français sont aussi installés à Londres. Ils sont parfaitement capables de faire les arbitrages entre Paris et Londres après le Brexit.

Et cet arbitrage dépend évidemment de l’attractivité fiscale, sociale, culturelle de la grande région de Paris-Île-de-France.

Mardi midi, Emmanuel Macron a planché sur les changements impactés par le digital. Un papier assez convenu qui n’a pas résonné comme son auteur l'aurait souhaité. A cela une raison : le public l’écoutait très attentivement d’une oreille; alors que l'autre oreille captait les rumeurs qui parcourent tout Paris depuis 48 heures et qui colportent l'idée que le ministre de l’Economie pourrait claquer la porte de Bercy dès la semaine prochaine. Mardi soir, deux jours avant le 14 juillet.

Bien sûr, Emmanuel Macron n’a donné aucune indication, mais comme tout le monde pensait à son avenir, il aurait bien été le seul à ne pas y songer.

Hier, changement de ton : c'est le Premier ministre Manuel Valls qui a pris la parole. Pendant 45 minutes, les participants en ont eu pour leur argent. Si le but était de faire oublier que Macron avait parlé la veille, c’est assez réussi. Pour résumer, Manuel Valls, qui sortait de l'Assemblée nationale où il a affronté les frondeurs et qui venait de tourner en rond une fois de plus à ménager l'extrême-gauche avec cette loi Travail qui n'intéresse plus personne, a prononcé un discours pour prouver qu’il pouvait très bien remplacer Emmanuel Macron.

Devant les décideurs du monde de la finance, plus question des frondeurs et des susceptibilités de la gauche sociale, Manuel Valls a fait un plaidoyer pro domo pour le pragmatisme et la responsabilité. Du super Macron. On vit dans un monde en pleine mutation, il faut donc accepter et assumer ces mutations pour en saisir les opportunités. La mondialisation, le progrès technologique, la concurrence sont les armatures de la modernité.

1) Manuel Valls reprend donc son refrain à la mode depuis le Brexit. Puisque Londres va sortir de l’Union européenne, l'industrie financière installée dans la City, les investisseurs et les grandes entreprises qui sont en Grande-Bretagne pour avoir accès au grand marché vont réfléchir à des stratégies alternatives.

2) Dans la concurrence que se livrent déjà les grandes capitales d'Europe, Paris et l'Île-de-France ont toutes les possibilités et les qualités d’attirer ceux qui vont s'exiler du Royaume-Uni. Le tapis rouge, c’est pour les Britanniques. Welcome in Paris. La France a les plus beaux sites touristiques, les plus grands restaurants, de bonnes écoles supérieures, des communications fiables, des hôpitaux et de l'imagination à revendre.

3) Comme l'attractivité ne se montre pas seulement en cartes postales et qu'il faut la prouver, Manuel Valls décline tout un catalogue de mesures et de réformes qui n'ont qu'un seul but : améliorer les moyens de travail. Plus de souplesse et moins d'impôts. Avec cette décision grave de baisser l'impôt sur les sociétés à 28%. Tout le monde est désormais obligé de s'interroger sur la provenance de cette innovation fiscale : quand, où, comment. Le projet est attirant, mais audacieux pour un responsable qui veut partir en guerre contre le dumping.

Le catalogue est impressionnant, la détermination est convaincante et les déclaration d’amour en direction des entreprises et de la finance internationale ont paru sincères.

Macron n'aurait pas mieux fait. Il aurait été sans doute plus brouillon, le jeune âge sans doute.

Manuel Valls voulait donc prouver qu’on pouvait remplacer Emmanuel Macron et que sa connaissance du monde de l'entreprise était aussi profonde et sincère, sinon plus, que celle de son ministre de l’Economie.

Cela dit, en dépit de ces flots de preuve, il manquait à Manuel Valls un petit quelque chose qui bridait l’enthousiasme des auditeurs.

Ce petit quelque chose est très simple : Manuel Valls peut être intéressant et dire ce qu'il veut pour sécuriser l’avenir, il restera toujours emprisonné dans les promesses de campagne de François Hollande, un Président qui s’était fait élire en proclamant que la finance était son ennemi et que l'entreprise devait payer... Ces promesses électorales sont comme des tâches indélébiles que la gouvernance traîne depuis quatre ans et qui l'empêche de faire la moindre réforme.

Mais ça va plus loin : Manuel Valls restera comptable du bilan qui n’est sans doute pas désastreux mais qui est mauvais.

Il est co-responsable de ce que François Hollande n’a jamais pu faire. Plus grave, il est coincé par la gauche de la gauche avec des députés qui le haïssent et c’est réciproque. Ce qui le paralyse dans l’action.

Le discours de Valls est percutant, moderne, réaliste mais il est sous hypothèque des échecs de François Hollande et surtout sous hypothèque des frondeurs.

Le discours d'Emmanuel Macron est aussi percutant, mais son crédit est intact. L'opinion publique ne le considère pas comme complice du Président dans les promesses de campagne, ni lié par l’action de la gouvernance. Quelque part, il n'est pas sous hypothèque, il est vierge. Et c’est pour le rester qu’il laisse circuler la rumeur de son départ prochain.

La question est de savoir si la virginité en politique, qui est assez rare pour être remarquable, est une qualité pour accéder au pouvoir. "Who knows ?",comme on dit à Londres depuis le Brexit.

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