Ocean Viking : l’histoire de l’Europe au XXIe siècle se joue maintenant. Mais allons-nous l’écrire ou la subir ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le navire Ocean Viking de l'ONG SOS Méditerranée a pu être accueilli par la France à Toulon, suite au refus de l'Italie et de Giorgia Meloni.
Le navire Ocean Viking de l'ONG SOS Méditerranée a pu être accueilli par la France à Toulon, suite au refus de l'Italie et de Giorgia Meloni.
©VINCENZO CIRCOSTA / AFP

Migrants

3 ans après l’Aquarius, la tempête politique européenne déclenchée par le navire de l’ONG SOS Méditerranée révèle qu’en matière migratoire, rien n’a changé malgré l’urgence ou les promesses électorales.

Bertrand Cavallier

Bertrand Cavallier

Bertrand Cavallier est général de division (2S) de gendarmerie. Spécialiste du maintien de l’ordre et expert international en sécurité des Etats, il est notamment régulièrement engagé en Afrique. Le général Bertrand Cavallier est l'ancien commandant du Centre national d’entraînement des Forces de gendarmerie de Saint-Astier. 

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Atlantico : Pour vous, l’affaire de l’Ocean Viking est un concentré de tous les fondamentaux, géopolitiques, économiques, sécuritaires voire civilisationnels qui déterminent notre avenir au long cours. Pourquoi ? 

Général Bertrand Cavallier : Le gouvernement français a décidé de prendre des mesures immédiates pour porter assistance à des dits réfugiés, dont des enfants, qui avaient été recueillis par le navire Ocean Viking, armé par l’association SOS Méditerranée. Nul ne peut contester l’urgence qu’il y avait à secourir ces personnes dont certaines ont dû être hospitalisées. 

Cependant, cet énième débarquement, par sa puissance d’image, amplifiée par l’émotion, feinte ou sincère, des classes dirigeantes et bien pensantes, aurait pu continuer de plonger les opinons dans une béate acceptation, ou une résignation conditionnée par une culpabilisation collective. Mais les temps changent. Nous sommes à la croisée des temps, à la croisée de ce que sera l’histoire, du moins notre histoire. Les peuples ressentent profondément les choses, la portée lourde des évènements. Les dissensions diplomatiques générées au sein de l’Union européenne, mais encore l’affirmation du caractère « exceptionnel » de cet accueil par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, sont révélatrices de ce ressenti profond, qui va obliger les politiques à décider et à agir. La sauvegarde de notre civilisation occidentale d’un engloutissement dans un immense maelström migratoire exclut en effet toute alternative. 

Depuis des années, la raison avait pourtant tenté, chez les politiques, de l’emporter sur l’émotion. Souvenons-nous de Michel Rocard affirmant en 1989 sur TF1 « Nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde » ; même si sous une certaine pression moralisatrice, l’intéressé a voulu apporter plus tard une version plus nuancée à son propos. Le 9 février 2001, lors d’un sommet franco-britannique consacré à la coopération en matière de contrôle de l’immigration clandestine, Lionel Jospin, Premier ministre, déclarait : « Pour le reste, je terminerai en disant que nous ne stigmatisons pas les personnes, les hommes et les femmes qui souvent poussés par la misère, par l'espoir d'une vie meilleure viennent dans nos pays. En même temps, nous savons bien que nous ne pouvons pas les accueillir de façon illégale et dans des conditions dignes, donc, nous devons le leur indiquer, de la façon la plus nette ». 

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C’était il y a vingt ans. Cela avait en fait débuté bien avant ; mais que s’est-il passé durant cette longue période ? L’on confesse aujourd’hui, tant le phénomène est désormais patent, une réalité qui heurte l’entendement premier. Sous couvert d’une information officielle tronquée et de la complicité entre une haute administration servile et une classe politique court-termiste, la politique d’immigration a été non régulée, voire factice au point de brouiller profondément le concept même d’immigration. Le constat est sans appel : des flux continus et massifs, un pourcentage considérable d’illégaux, un accès systématique aux aides sociales, qui grèvent notamment les budgets de l’Etat et des collectivités, soit, données datant de 2021, plus d’1,1 milliard d’euros de dépenses annuelles pour les seuls mineurs non accompagnés (MNA)[1], une pratique généralisée de la procédure dite d’OQTF (obligation de quitter le territoire français) pour les irréguliers, sans, dans leur immense proportion, de mesures effectives de renvoi dans leur pays d’origine. Et l’on se doit également d’évoquer les étrangers, en situation légale ou non, auteurs de crimes ou de délits, que l’on conserve en majorité sur le territoire français.

Bien que le phénomène relève de multiples facteurs, alors que la délinquance explose en France, l’analyse objective des faits conduit également le politique à reconnaître enfin un lien entre immigration et criminalité. Gérald Darmanin a été le premier, dans une majorité présidentielle,  à vaincre ce tabou en déclarant dernièrement : « Aujourd’hui, les étrangers représentent 7 % de la population française et commettent 19 % des actes de délinquance. Refuser de le voir, ce serait nier le réel. Mais il serait faux de réduire la délinquance aux étrangers. Nous devons avoir davantage de fermeté lorsqu’on constate que, à Lyon et à Paris, respectivement 39 % et 48 % des actes de délinquance sont le fait d’étrangers, souvent des multirécidivistes qui n’ont rien à faire sur notre sol et que je vais m’employer à expulser ».[2]

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Mais le constat ne s’arrête pas là. La France, mais aussi nombre de pays européens, sont désormais confrontés à un choc culturel, à une substitution culturelle - la culture devant être entendue comme un système de valeurs qui porte sur la conception même de l’individu, de la société -, et donc à une autre conception de ce qui est bien et de ce qui est mal. La constitution de la République transcende les notions ethniques et de communauté mais procède bien d’un canevas culturel dont le tissage puise des fils dans l’histoire occidentale. Nous redécouvrons que notre universalisme n’est pas universel et que d’autres conceptions pourraient s’imposer.

« Les atteintes à la laïcité sont en hausse dans les établissements scolaires » titrait le journal Le Monde, le 13 octobre dernier. Et de préciser que « l’augmentation, depuis le deuxième semestre, concerne principalement le port de signes et tenues religieuses, en particulier les abayas et les qamis ». Le phénomène n’est plus une probabilité mais une réalité. Notre société en ressent déjà les effets profonds. Dans un article paru dans Atlantico, le 10 février 2021, intitulé « Islamisme : de Trappes à Lunel, ces territoires que la République a abandonné sans combattre », je citais bien évidemment l’ouvrage de Georges Bensoussan (Les territoires perdus de la République), celui plus récent de Bernard Ravet (Principal de collège ou imam de la République), mais également le rapport de la DGSI intitulé « Etat des lieux de la pénétration de l’islam fondamentaliste en France » dans lequel il est mentionné que « l’islam fondamentaliste atteint en France un seuil critique d’influence qui fait désormais peser un véritable danger sur la vie démocratique de la nation ». Cette menace culturelle fait l’objet d’une prise de conscience croissante au sein de la population comme le souligne le sondage CSA/CNews, paru le 24 mars dernier, et qui révèle que 61% des Français sont pour l’interdiction du port du voile dans l’espace public. Les résultats de ce sondage expriment un bon sens, un regard lucide, déjà portés par des personnalités comme Sylviane Agacinski[3], Elisabeth Badinter, Céline Pina, Kamel Daoud et Boualem Sansal. 

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Ce qui est aujourd’hui unanimement constaté est d’ores et déjà très préoccupant, au regard de son poids budgétaire, de son impact sécuritaire, de ses conséquences sur notre modèle de société, mais aussi sur notre liberté d’action dans le champ géopolitique, du fait notamment du poids croissant de certaines populations d’origine immigrée. Cependant, la mutation très rapide de notre environnement africain et asiatique pourrait, sans réponse à la hauteur des macro-phénomènes qui se manifestent, avoir, désormais à court terme, des conséquences catastrophiques. 

Alors  que, selon l’Agence européenne des frontières, le nombre d’entrées irrégulières avait explosé sur les premiers mois de l’année 2022, des facteurs structurels, inter-agissants, sont désormais réunis pour amplifier ces flux, au point qu’ils évoluent en déplacements massifs de populations. 

L’Afrique, et une partie de l’Asie connaissent en effet des bouleversements majeurs, dont, au premier titre, une explosion démographique. Pour prendre la mesure de ce phénomène, citons l’exemple de la Tanzanie dont la présidente à récemment indiqué que « la population de son pays a bondi de près de 40% en 10 ans pour atteindre 61,7 millions d’habitants » et « qu’elle devrait atteindre 151,2 millions en 2050 », soulignant que « c’est un fardeau quand il s’agit d’allouer des ressources et de fournir des services sociaux ».[4]  Selon la dernière projection de l'ONU, « d'ici 2050, une naissance sur deux aura lieu en Afrique. Le Niger, l'un des pays les pauvres de la planète, enregistre le taux de fécondité le plus important au monde avec sept enfants en moyenne par femme ».

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Comme le souligne la présidente de la Tanzanie, cette évolution démographique rend vains les efforts de développement, ou du moins en réduit considérablement les effets attendus. Si certains démographes relativisent les effets de cette bombe démographique, il suffit d’aller sur le terrain pour en mesurer l’ampleur et ses conséquences, en particulier sur le plan de l’éducation de la jeunesse. Les systèmes éducatifs sont submergés, et la déscolarisation devient endémique, en touchant prioritairement les filles. C’est toute une jeunesse, très nombreuse, qui se trouve ainsi sans aucune formation, et sans perspective professionnelle, avec toutes les frustrations que cela peut susciter.

Se substitue au système éducatif, certes déficient, mais d’essence généralement laïque, un enseignement religieux de plus en plus structuré par les mouvances les plus radicales de l’Islam, via notamment des organisations caritatives financées par les pays du Golfe.

Cet Islam, ouvertement  opposé aux valeurs occidentales, s’est imposé au Pakistan. Il est en pleine expansion dans une grande partie de l’Afrique comme je l’évoquais en 2021 dans ce média (La France et l’Europe face au vertigineux défi de l’expansion de l’Islamisme en Afrique). Il en ressort que les individus qui en sont issus, et qui deviennent majoritaires, sont fortement imprégnés d’une identité culturelle objectivement non compatible avec les paradigmes sociétaux occidentaux. Cessons de penser qu’ils sont radicalisés. Cela n’a aucun sens. Leur aversion des caricatures de Charlie Hebdo participe de leur vision, pour eux normale, du monde. 

L’explosion démographique est d’autant plus préoccupante qu’elle intervient dans un contexte de désertification, pour partie dû au réchauffement climatique, mais, sous l’effet d’un cercle vicieux, qu’elle contribue à accroître par la surexploitation des ressources restantes pour satisfaire les besoins prioritaires. Selon l’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), « 319 millions d'hectares en Afrique sont menacés de désertification ». Nombre de pays sont désormais confrontés à une insécurité alimentaire structurelle qu’accentue l’absence de transition démographique. Le conflit entre l’Ukraine et la Russie a révélé leur extrême dépendance aux approvisionnements extérieurs, notamment sous couvert du Programme alimentaire mondial. Le croisement inéluctable entre la courbe des ressources naturelles et celle de la croissance démographique est révélateur d’un risque de plus en plus probable de famine de grande ampleur. 

Enfin, notre environnement bascule de plus en plus dans le désordre, dans la violence. La faillite des Etats dans leurs fonctions régaliennes majeures, ne permet plus de prévenir la résurgence d’affrontements inter-ethniques, ainsi que l’émergence d’organisations criminelles très puissantes de plus en plus liées aux mouvances terroristes dans la captation des richesses. La fin de l’opération Barkhane est révélatrice des limites de l’acteur majeur que fut la France en Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale. De plus en plus contesté, le gendarme de l’Afrique se replie en tentant de renforcer ses liens avec des pays encore stables. Mais le vide ainsi créé, laisse la place au chaos, si contagieux… 

Si on se projette dans le temps et les années à venir, quel serait sur le papier le meilleur niveau –national ou européen– pour faire face au défi migratoire ? Dit autrement, que pourrions-nous faire pour échapper au mieux à l’impuissance politique qui asphyxie nos démocraties ?

La situation exige aujourd’hui de ne pas se limiter à un simple exercice sur le papier. Il y a urgence à pouvoir agir en prenant en considération à la fois la situation actuelle et les scénarios les plus critiques, soit celui de flux de très grande ampleur, par voie terrestre ou maritime. D’autant que des pays voisins jouent désormais de ce levier pour conditionner notamment notre politique étrangère. Comme s’impose aujourd’hui la préparation à des affrontements inter-étatiques de haute intensité qui nous semblaient, il y a encore peu, très improbables. L’arme migratoire est une réalité. 

Il y a cependant trois préalables qui procèdent fondamentalement d’un changement de posture intellectuelle, à l’opposé de l’immaturité et de l’hypocrisie :

-    le premier est, en cohérence avec l’esprit démocratique, de respecter la voix des peuples qui expriment une volonté grandissante, incontestablement légitime, de préserver leur identité, leur mode de vie ;

-    le second renvoie à la nécessité de restaurer la vraie morale politique qui porte sur l’essentiel, soit la protection d’une nation, la prise en considération de ce que l’on ne peut pas perdre, quel que soit le contexte ;

-    le troisième concerne l’obligation de dépasser des cadres juridiques élaborés dans des périodes très différentes, qui, aujourd’hui, dans les faits, inhibent, voire entravent l’action qu’il faut désormais conduire et préparer, en s’appuyant sur l’état de nécessité. 

Le cadre politique et opérationnel principal de l’action ne peut être que celui de l’Union européenne. Et ce, soyons lucides, pour plusieurs raisons. Un pays ne saurait pouvoir agir totalement de façon isolée. L’UE constitue désormais un ensemble de nations de plus en plus imbriquées, inter-dépendantes. Remettre en question les fondements du dit espace Schengen est illusoire tant ce serait notamment préjudiciable à l’économie des Etats membres, dans un contexte social déjà très fragilisé. Par ailleurs, la redistribution accélérée de la puissance sur la scène mondiale avec l’émergence de nouveaux acteurs majeurs, rend de plus en plus indispensable l’affirmation d’une voix européenne. Enfin, l’enjeu est tel qu’il va exiger des moyens considérables et une cohérence d’ensemble tant dans son volet « sécuritaire » sur une zone très étendue face à des  flux pouvant être massifs, que dans celui des actions qu’il faudra promouvoir dans les pays d’émigration, dans la mesure où cela sera encore possible. 

Je conçois que mon propos puisse susciter de sérieux doutes. Pourtant, nul ne peut nier que l’UE joue un rôle important dans le cadre du conflit entre l’Ukraine et la Russie. Le début sans doute d’une volonté de puissance ! L’UE, de par le traité de Lisbonne, a rénové  les objectifs de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), en les englobant au sein de ceux de l’action extérieure de l’Union, énumérés en son article 21 dont :

-    sauvegarder ses valeurs, ses intérêts fondamentaux, sa sécurité, son indépendance et son intégrité ;

-    soutenir le développement durable sur le plan économique, social et environnemental des pays en développement dans le but essentiel d’éradiquer la pauvreté ;

-    aider les populations, les pays et les régions confrontés à des catastrophes naturelles ou d’origine humaine. 

La sémantique n’est pas neutre, l’on parle bien de valeurs, d’intérêts fondamentaux… comme l’on évoque également des soutiens au développement. Par ailleurs, partie intégrante de la PESC, la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), servie par des organismes politiques et militaires propres à l’Union, ouvre la possibilité de mettre en oeuvre des missions militaires et civiles et des opérations à l’étranger. Parmi celles-ci, l’on peut noter avec intérêt celle, toujours en vigueur, ayant pour objectif de faire respecter l’embargo sur les armes imposé par les Nations unies à la Libye (Eunavfor Med Irini) comportant le déploiement de capacités navales et aériennes le long des côtes libyennes pour procéder à l’inspection de navires. 

De cette opération, l’on peut tirer quelques enseignements importants : l’existence d’une volonté, la planification et la conduite d’une opération qui ne peut relever que d’un commandement militaire, la maîtrise de savoir-faire, notamment en termes de localisation des mouvements. Nul n’ignore que les moyens d’observation actuels, comme l’on me le précisait lors d’une visite au CPCO (Centre de planification et de conduite des opérations) du ministère des Armées, permettraient  de visualiser les embarcations, et de déceler les départs de migrants.

La planification doit porter désormais sur deux scénarios majeurs :

-    le premier d’un flux massif provenant de Turquie, instrumentalisé par son pouvoir actuel, et se déclinant de façon terrestre et maritime, sur les frontières grecques et bulgares ;

-    le second, en Méditerranée occidentale à partir de pays du Maghreb, prioritairement la Libye et la Tunisie. 

S’agissant du soutien aux pays en développement, il est évident qu’il faut prendre toutes les mesures possibles pour y fixer les populations, en contribuant à leur offrir des perspectives d’y vivre dignement. L’Union européenne est très engagée dans ce domaine, notamment en Afrique où elle constitue le premier bailleur de fonds. Cependant, le bilan n’est pas à la hauteur des efforts consentis par les contribuables de l’Union européenne, alors même que la misère y frappe de plus en plus de populations et de territoires. A cela plusieurs causes dont la dispersion des efforts, le manque de coordination entre projets de développement et ceux de sécurité, la lourdeur inimaginable des procédures internes à l’UE… Mais aussi, le manque de conditionnalité aux aides apportées, le déficit idéologique, et surtout l’absence de volonté d’évoquer la question centrale de la sur-natalité et celle très liée de la condition des femmes, et d’agir résolument dans ce domaine capital. J’avais dans un article paru dans la Revue politique et parlementaire consacré ma réflexion à cette problématique majeure. J’y rappelai la déclaration courageuse, tant l’hypocrisie est régnante dans l’intelligentsia européenne, du Président Macron, lors du sommet du G20 à Hambourg, le 8 juillet 2017 :« dans un pays qui compte encore sept à huit enfants par femme, vous pouvez décider d’y dépenser des milliards d’euros, vous ne stabiliserez rien »

Au-delà de ce que nous pourrions faire dans un monde idéal, que pensez-vous que nous ayons intérêt à faire -là encore sur l’arbitrage national ou européen- au regard de la réalité politique très contrainte qui est la nôtre ?

La France est un des grands pays de l’Union européenne dont elle fut l’un des Etats fondateurs. Elle compte par son poids démographique, son économie, ses capacités militaires, certes perfectibles, mais inégalées au sein de l’UE… Elle dispose de leviers puissants pour se faire entendre, et favoriser l’action, encore faut-il que cela procède d’une cohérence et d’une clarté. 

Cette cohérence et cette clarté doivent impérativement se concrétiser tout d’abord dans son propre espace. Que veut la France pour elle-même, notamment sur le sujet devenu central de l’immigration ?

Il semblerait qu’il y ait une volonté de mettre fin à une situation globale ubuesque, que connaissent notamment les gendarmes et les policiers de terrain depuis tant d’ années. Ainsi, le ministre de l’Intérieur souhaite rendre plus efficaces les obligations de quitter le territoire français (OQTF). L’on pourrait se dire que c’est là le minimum sauf à remettre en question les principes mêmes de notre souveraineté, et de l’état de droit.

Je ne reviendrai pas sur le défi que cela peut présenter pour un acteur politique compte tenu de l’opinion majoritaire qui se dégage encore au sein des intervenants médiatiques, que j’ai pu observer récemment sur les plateaux télévisés. Il y a là les adeptes des nouvelles indulgences pour obtenir la rémission des nouveaux péchés capitaux qui assaillent la conscience meurtrie des intellectuels occidentaux, des exaltés, mais aussi, les tartuffes, certainement les plus nombreux qui craignent le coût social en osant s’affranchir de la dénégation du réel et de l’obligation d’action. 

A ce stade, plusieurs mesures combinées me semblent indispensables en rappelant que l’objectif ne saurait être l’arrêt de toute immigration, à la fois illusoire et préjudiciable à notre nation :

-     la sélection bien en amont des immigrants en fonction de leur capacité à adhérer au pacte républicain français, à s’intégrer durablement dans notre société et d’y partager les valeurs fondamentales. Certes la pratique du français mais plus encore. Très concrètement, des personnes acquises aux valeurs de la laïcité, mais non celles soumises aux principes de la charia. Les premières sont les bienvenues, d’autant plus si elles peuvent répondre à des besoins en termes d’emploi. Ceux qui suscitent des rejets au sein de la population française sont les personnes qui de façon manifeste, y compris dans leur port vestimentaire, révèlent leur refus d’intégration - les exemples sont nombreux d’arrivées récentes dans nombre de villes -, mais aussi ceux qui profitent du système social français si avantageux ;

-     la suppression du droit du sol dans les zones soumises à une très forte pression migratoire telles que Mayotte, la Guyane..;

-    la remise en question du regroupement familial ou du moins dans un premier temps, sa limitation au conjoint et aux enfants, sous réserve de satisfaire à des critères stricts de compatibilité culturelle ;

-    la mise à plat des aides sociales qui ne doivent être réservées qu’à ceux qui sont dans un statut régulier, et de façon complémentaire, la lutte contre les fraudes ;

-    l’expulsion automatique, comme annoncée, de tous les étrangers, à fortiori illégaux coupables de délits graves et de crimes ;

-    la clarification dans un respect mutuel de nos relations avec les pays refusant l’accueil de leurs ressortissants… Il est par exemple peu concevable qu’un grand pays ami, en pleine modernisation, comme le Maroc, refuse l’accueil de ses enfants mineurs qui se sont égarés sur le territoire français ;

-    le contrôle strict des subventions publiques aux associations favorisant l’immigration illégale ;

-    la refonte de l’organisation de la lutte contre l’immigration illégale sur le territoire national et ses frontières, aujourd’hui très improductive malgré les effets d’annonce, par la mise en place d’une structure inter-ministérielle regroupant des entités ayant pleine compétence opérationnelle dans leurs zones de compétences respectives ; cette structure intégrant un commandement militaire aurait vocation à constituer le point d’appui français d’une opération sous bannière UE ;

-    le renforcement des services de la direction de l’immigration, de l’intégration et de la citoyenneté (DIIC), cheville ouvrière du traitement administratif des dossiers en charge afin d'alimenter en temps quasi réel les bases de données AGEDREF (Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France). Ce fichier contient des données personnelles comme les empreintes digitales et la situation administrative des personnes concernée (FPR pas nécessaire). Une gestion actualisée en continu permet aux forces de sécurité intérieure de connaître très rapidement le statut d’un étranger contrôlé sur la voie publique, et ainsi d’optimiser l’efficacité de leur service ;

-    l’augmentation des places en CRA par la modification de l’article R553-3 du CESEDA limitant chaque site à l’accueil de 140 individus ;

-    le recours aux nouvelles technologies pour s’assurer dès la demande de visa de l’identité réelle du postulant, de l’âge réel d’un MNA, mais également pour sécuriser le traitement des OQTF et le suivi général des demandeurs de l’asile ;

-    l’assurance d’une véritable veille des approches maritimes face à l’évolution du phénomène migratoire, dans la profondeur par la marine nationale, et par la gendarmerie  maritime dans les approches immédiates… 

Dans le contexte de création d’un premier « hotspot » sur le territoire national, de surcroît au sein d’un port militaire, le projet de loi « immigration » va susciter un vif débat. Plus que jamais, la gestion de l’immigration n’a revêtu une telle exigence de fermeté, de clarté, et de globalité, au moment où l’ordre intérieur se délite et le désordre extérieur s’accroît. 


[1] Rapport d'information n° 854 (2020-2021) de MM. Hussein BOURGI, Laurent BURGOA, Xavier IACOVELLI et Henri LEROY, fait au nom de la commission des lois et de la commission des affaires sociales, déposé le 29 septembre 2021

[2]rald Darmanin: «Une lutte plus intraitable que jamais contre les délinquants étrangers»Par Arthur Berdah et Christophe Cornevin  Le Figaro 03/08/2022

[3] Le voilement nest rien dautre quune pratique sexiste  Sylviane Agacinski  La Croix 10/11/2022

[4] Le Parisien avec AFP   31/10/2022


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