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Moralisation de la vie publique et affaire Ferrand : La République En Marche fait-elle l’objet d’une étrange tolérance sur ses propres comportements ?
©Reuters

Bon d'exemplarité

Le Parquet National Financier a vite réagi à l'affaire Pénélope en ouvrant une enquête sur l'ancien Premier ministre. De même, Marine le Pen a été convoquée par la justice pour le financement de membres du Front National par des fonds du parlement européen. Pour Richard Ferrand, ce dernier n'entend pas ouvrir d'enquête, s'estimant incompétent. Cela créé un décalage entre les soutiens et les adversaires d'Emmanuel Macron.

Thomas Carbonnier

Thomas Carbonnier

Maître Thomas Carbonnier est Avocat et coordinateur pédagogique du DU Créer et Développer son activité ou sa start-up en santé au sein de l’Université Paris Cité (issue de la fusion Paris 5 et Paris 7). Il est titulaire du Master 2 droit fiscal, du Master 2 droit financier et du D.E.S. immobilier d’entreprise de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.

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Atlantico : Comment expliquer un tel écart de traitement entre les affaires concernant les soutiens d’Emmanuel Macron et ses adversaires politiques ? Quelles pourraient être les conséquences pour la République en Marche dans le cas ou une enquête serait ouverte à quelques semaines des élections législatives ? 

Thomas CarbonnierSi M. Macron bénéficie de qualités personnelles importantes, de soutiens non négligeables et de réseaux puissants, il existe encore des hommes et des femmes indépendants qui souhaitent une véritable justice pour tous. Tous ne marchent pas de la même manière vers le chemin de la lumière qui transforme la vie et conduit au pardon total. L’écart de traitement des affaires s’explique par l’étude des évènements politiques passés et non par des raisons juridiques. 

Tout d’abord, le Président de la République fraîchement élu a bénéficié d’une véritable immunité de fait concernant sa déclaration de patrimoine pour le moins incohérente. Le Parquet National Financier, dont les membres ont été nommés par le Président Hollande, avait refusé de se saisir de l’affaire. La majorité des médias avait volontairement passée sous silence cette affaire pour éviter que le président ne puisse perdre l’élection… C’est ainsi que tous les médias, sans exception, ont refusé de publier l’hypothèse selon laquelle M. Macron aurait mis en place une tontine pour sortir de l’ISF son patrimoine et ainsi éviter d’avoir à le déclarer à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Politique.
Par ailleurs, qui n’a jamais reçu un appel d’un frère ou d’une sœur à voter en faveur de M. Macron ? 
A l’échelon suprême, cette élection a été le fruit d’un véritable « putsch du CAC 40 » décrit avec beaucoup finesse par Mme Aude Lancelin. La très haute finance internationale s’est ainsi appuyée sur toutes sorts réseaux d’influences (notamment chrétiens) pour placer au sommet de la République française un homme ayant de nombreux atouts pour lui : une belle gueule, une grande intelligence, une vraie connaissance tant des rouages de la haute administration (énarque, conseiller politique et ancien ministre) que du secteur privé et de la finance internationale (associé gérant d’une banque d’affaires internationale). Cette liste n’est bien entendu pas exhaustive. Il devrait désormais pouvoir mettre en œuvre quelques rêves de la très haute finance internationale : des salariés plus soumis au travers d’une réforme profonde du droit du travail,  une Europe plus unifiée au plan financier à travers un rapprochement avec l’Allemagne, une fiscalité des revenus financiers plus attractive...
Indéniablement, M. Fillon n’avait pas autant de qualités pour lui. Malgré cela, son programme fortement structuré séduisait les français et sa mise en examen visait uniquement à l’abattre politiquement. Il pouvait réellement barrer la marche de M. Macron. Avec l’élimination de M. Fillon dès le premier tour, l’élection du second tour était pliée. Ce dernier s’étant retiré de la vie politique, le danger a été écarté pour les grands argentiers du monde. Le Front National au second tour permettait à son adversaire d’être élu à coup sûr. Seul un duel entre les deux extrêmes aurait pu créer une forte incertitude sur l’issue du scrutin du second tour.
L’ouverture d’une enquête voire une mise en examen de M. Richard Ferrand pourrait peser sur les élections législatives et limiter le nombre de sièges obtenus par la République En Marche. 

​Le Parquet National Financier a dit qu'il n'était pas compétent, qu'en pensez-vous ?  

Depuis la loi Sapin 2, le Parquet National Financier dispose de compétences élargies qui englobent les délits fiscaux (y compris les montages complexes, fraude fiscale). A ce titre, le PNF pourrait se déclarer compétent pour ouvrir une enquête et investiguer sur une éventuelle dissimulation de tout ou partie des revenus de M. Richard Ferrand.
Le PNF était juridiquement incompétent pour ouvrir une enquête sur les emplois fictifs de M. Fillon. Il s’est toutefois déclaré compétent… en revanche, pour les élus tels que M. Richard Ferrand ou M. Bayrou, soupçonné d’emploi fictifs, qui ont sa faveur, il se déclare incompétent. Chacun appréciera.
La seule certitude juridique est que le PNF a toujours la faculté d’ouvrir une enquête mais il n’en a jamais l’obligation. 

Dans ce contexte, alors qu'Emmanuel Macron s'était engagé à réformer la moralisation de la vie politique, quel peut être l'avenir du texte de loi porté par François Bayrou ? 

Ce texte a de fortes chances de voir le jour. Il serait politiquement intenable de ne pas voter un texte en ce sens. De nombreux électeurs ont préféré voter Macron à cause des affaires concernant Fillon.  Il ne faut toutefois pas perdre de vue qu’il y aura certainement un écart entre la version annoncée, présentée, amendée, vidée de son contenu, votée puis appliquée...

Que penser de l'attitude du parti qui joue la solidarité avec Richard Ferrand. Est-ce qu'il n'y a pas là une contradiction avec le fait de vouloir incarner le renouveau en politique alors qu'ils appliquent les vieilles recettes ? 

Il est dans l’intérêt de son parti politique de jouer la carte de la solidarité. A ce stade, les élections législatives ne sont pas encore faites. Nombreux sont ceux qui ont besoin d’être élus.

En tout état de cause, il n’y a aucune nouveauté dans la vie politique française. Pour s’en convaincre, on pourra visionner la fable « Mouseland » prononcée par l’ancien premier ministre canadien en 1944 ! Le sketch des inconnus sur les publicitaires n’a pas pris non plus une ride : les trois humoristes essayent d'organiser la campagne de Jack Beauregard, une campagne « ferme mais pas trop ». Le candidat donc, de la « droiche » ou de la « gautre » !

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