Le fiasco de l’accord de Paris sur le climat comme l’échec de la convention citoyenne remettent en cause l’avenir politique des écologistes<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Emmanuel Macron environnement écologistes vert accord de Paris sur le climat EELV 2020 avenir terre
Emmanuel Macron environnement écologistes vert accord de Paris sur le climat EELV 2020 avenir terre
©YOAN VALAT / POOL / AFP

Atlantico Business

L’accord de Paris sur le climat, qui fête ses 5 ans, n’a pas tenu ses promesses. Quant aux utopies de la conférence citoyenne sur le climat, elles passent aux oubliettes, sous la pression des réalités incontournables. Les diagnostics restent bons mais les prescriptions étaient intenables.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

L'année 2020 aura été fatale aux mouvements écologistes qui ont, pour la plupart, péché par excès d’arrogance, de naïveté pour beaucoup de militants ou de cynisme pour les principaux leaders qui prêchaient la fin d’un monde pour en construire un meilleur.

Les diagnostics étaient bons et personne sur la planète ne les jetteront, mais les promesses, les objectifs et les prescriptions étaient tellement à côté des réalités du monde dans lequel on vit que les porteurs de l’écologie ont échoué. Trop idéologiques, trop peu pragmatiques.

L’accord de Paris, qui a fêté ce week-end ses 5 ans, n’a évidemment pas tenu ses promesses. Les engagements signés par les chefs d’Etat le 12 décembre 2015, au Bourget, dans l’euphorie, ont été ratifiés par 188 pays qui se sont engagés à limiter le réchauffement climatique en dessous de 2°C et de poursuivre l’action menée pour limitée la hausse à 1,5°c, avec promesse de renforcer les efforts tous les 5 ans. Cet accord, pur produit du multilatéralisme triomphant, était tellement flou qu’il n’a pas été appliqué.

Les émissions de gaz à effets de serre ont continué d’augmenter et le seul facteur de ralentissement aura été les conséquences des mesures prises face à la pandémie du Covid, mais qui, dès 2021, sera effacé très vite.

Le réchauffement climatique s’est donc aggravé, la chute des émissions en 2020 aura un effet négligeable. Plus grave, la catastrophe économique liée au virus aura pour conséquences d’entrainer des plans pour relancer les activités de production afin d’éviter que la récession n’entraine une catastrophe sociale et humaine. Or, la relance de la production n’appartient pas au logiciel des écologistes.

L’horizon de la neutralité carbone s’est donc encore éloigné. Et les investisseurs ne réussissent pas à organiser rapidement une économie bas carbone qui stopperait l‘expansion des énergies fossiles. La mobilisation des jeunes à l’initiative de Greta Thunberg  n’a guère pesé sur les grandes tendances. L’Amérique de Donald Trump s’est assise carrément sur l’accord de Paris et la plupart des émergents, à commencer par la Chine, l’Inde et l’Afrique ont évidemment d’autres problèmes à régler. Ils avaient pour la plupart signé l’accord de Paris, mais rien ne les engageait à changer leur plan de vol vers le développement.

La conférence citoyenne pour le climat, lancée par Emmanuel Macron, avait évidemment une fonction politique. Quand, le 29 juin dernier, les 150 citoyens qui avaient été tirés au sort ont remis leurs 149 propositions, il n’y avait qu’eux pour penser qu’ils seraient écoutés par l’exécutif. Au fil des mois, le président de la République a soigneusement détricoté le projet. Il leur expliquera aujourd’hui d’ailleurs en personne.

Après avoir refusé la limitation de vitesse à 110 km/h, la taxation sur les dividendes ou la modification du préambule de la Constitution, l'exécutif est revenu sur :

- le moratoire 5G, en laissant aux municipalités la responsabilité de choisir,

- l’idée de décréter la fin des liaisons aériennes pour les trajets faisables en train,

- le principe d’interdire la construction de nouveaux aéroports,

- la baisse de la TVA sur les billets de train,

- le crime d’écocide qui est devenu un délit,

- la régulation de la publicité sur les produits polluants,

- une augmentation de l’eco-contribution

Depuis quelques jours, on sait aussi que le gouvernement a enfin tranché pour protéger le potentiel nucléaire afin de continuer à produire une énergie pas chère et propre.

Techniquement, économiquement, Emmanuel Macron a eu mille fois raison de commencer à clarifier la politique de la France par rapport aux propositions écologistes. Toute la question est de savoir si politiquement, il s’y est bien pris ou pas.

De deux choses l’une, ou bien les mouvements écologiques font évoluer leurs positions et tiennent compte des réalités incontournables, ou bien ils se radicalisent encore plus et se retrouvent dans des courants quasi révolutionnaires en remettant en cause l’ensemble du système.

Depuis l’accord de Paris qui leur avait donné de l’oxygène et depuis la conférence citoyenne en France au cours de laquelle les organisations ont pu donner de la voie, ils ont accumulé les refus, les échecs et les revers.

Mais ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. Il fallait être naïf ou alors cynique et pervers pour penser que les 188 pays de la planète qui avaient signé l’accord de Paris acceptent de s’appliquer des contraintes inapplicables très rapidement. Il fallait être d’une inexpérience politique coupable pour penser que les injonctions autoritaires pour décarboner nos systèmes de production étaient raisonnables et applicables.

Le drame de la majorité des écologistes était de penser qu‘on pouvait mettre en place une économie punitive pour modifier les comportements. Voyager moins, consommer autrement, s’interdire d’acheter des sapins pour célébrer Noël, renoncer au progrès technologique. Moins de voiture, moins d’avion.

Le drame des écologistes était de ne pas avoir les bons chiffres de la pollution ou du qui pollue quoi. A moins qu‘ils ne soient inféodés à une idéologie d’une façon telle qu’ils étaient incapables de tenir compte de la réalité.

Le drame des écologistes n’était pas de rêver à une vie moins active. Leur drame était de ne pas croire en l’intelligence collective et au progrès scientifique.

Contrairement à ce que beaucoup ont pensé, le drame mondial du Covid ne leur a pas rendu service. Beaucoup d’écolos pensaient d’abord que le Covid était un produit de la surconsommation mondiale et que les mesures de confinement allaient leur fournir la preuve que pour protéger la planète, il fallait produire moins.

Ils ont vite compris que cette situation allait freiner les émissions de carbone, mais surtout entrainer une immense misère et aggraver les inégalités qu’il fallait corriger très rapidement. L’urgence des urgences n’était plus de lutter pour le climat mais l‘urgence des urgences était de lutter contre la pauvreté et le chômage.

Or, aucun mouvement écologique en Europe et dans le monde n’avait de solutions cohérentes pour concilier des objectifs aussi différents, sauf de proposer un changement complet de système de production.

C’est la raison pour laquelle beaucoup de dirigeants et de militants ont abandonné ou alors ont rejoint les rangs de la gauche traditionnelle ou même l’extrême gauche.

Sauf à retomber dans l’utopie révolutionnaire et rêver mettre par terre les systèmes capitalistes, l’avenir de l'écologie passe par l’action politique dans le cadre démocratique ou par l’action des marchés, des investisseurs et des entreprises où beaucoup ont compris qu’ils ne pouvaient pas poursuivre une course à la productivité financière sans écouter et satisfaire à la fois leur clients, leurs salariés et beaucoup de leurs actionnaires qui sont d’accord avec les diagnostics mais qui réclament aussi des prescriptions ou des traitements à évolution lente, afin de préserver les équilibres sociétaux et ne pas déconstruire brutalement les acquis du passé.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !