Le bac a-t-il encore une valeur ? En tout cas, pour les Suisses, il n'en a plus !<!-- --> | Atlantico.fr
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Plus les filières sont sélectives, plus vous trouverez des bacheliers issus des séries scientifiques, y compris en classes préparatoires littéraires.
Plus les filières sont sélectives, plus vous trouverez des bacheliers issus des séries scientifiques, y compris en classes préparatoires littéraires.
©Reuters

Nos amis les Helvètes

La Suisse vient de décider que les titulaires du bac L français ne pourront désormais plus s'inscrire dans un établissement universitaire helvète. La baisse du niveau scolaire des Français qui agite notre pays s'est d'ores et déjà répandue chez nos voisins.

Emmanuel  Davidenkoff

Emmanuel Davidenkoff

Emmanuel Davidenkoff est directeur de publication de l'Etudiant et chroniqueur à France Info. Il a également publié de nombreux livre traitant du système scolaire et universitaire français notamment Lycée tome 1 et 2 aux éditions Jacob Duvernet/Balland et Peut-on encore changer l'école ? aux éditions Hachette. 

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Atlantico : Les universités suisses ont relevé le seuil d'admission des bacheliers français, et ont fermé la porte aux séries littéraires, à l'exception de ceux qui ont choisi l'option « mathématiques ». Les universités suisses avaient déjà fermé leurs portes aux bacheliers technologiques et professionnels. Comment expliquer que le fossé entre les séries littéraires et scientifiques ait continué à se creuser de la sorte ?

Emmanuel Davidenkoff : La Suisse étant un Etat-fédéral, cette décision ne concerne pas toutes les universités, même si elles sont nombreuses à avoir fait ce choix. Les universités suisses nous renvoient de manière très âpre un problème que la France connait par cœur. Du point de vue de l’enseignement supérieur, la valeur attribuée au baccalauréat est claire. Plus les filières sont sélectives, plus vous trouverez des bacheliers issus des séries scientifiques, y compris en classes préparatoires littéraires. Cela explique en partie les raisons pour lesquelles le bac littéraire tombe en désuétude en France. Seuls 50 000 bacheliers sortent de la série littéraire chaque année alors que les séries scientifiques représentent la moitié des bacheliers généraux (150 000).

En France, il existe une certaine hypocrisie au sujet de la sélection après le baccalauréat. Officiellement, la sélection n’existe pas et l’université est ouverte à tous les bacheliers. En réalité, la moitié des bacheliers choisissent une filière sélective et la sélection se fait sur les mêmes critères qu’en Suisse. Néanmoins, en France nous n’avons pas le droit de le dire car tous les baccalauréats sont censés se valoir.

Le seul baccalauréat pour lequel la puissance publique admet une différence, c’est le baccalauréat professionnel. On essaye par exemple de dissuader les bacheliers professionnels d’aller à l’université. Ces propos sont tenus publiquement par des ministres, alors qu’un baccalauréat, qu’il soit général ou professionnel, doit préparer à l’université. On s’autorise à le dire pour les filières professionnelles, ce qui n’est pas le cas pour le baccalauréat littéraire.

Des réformes ont-elles été entreprises pour pallier cette hiérarchie des filières ou a-t-on fermé les yeux sur ce problème ?

Les deux. Nous fermons les yeux sur le sens et la valeur du baccalauréat. La preuve en est, le baccalauréat a au départ deux fonctions : celle de diplôme terminal du cursus secondaire (qu’il continue de remplir) et celle de grade universitaire, et ce, depuis Napoléon. Le bac étant un diplôme universitaire, il n’y a donc théoriquement pas de sélection à l’entrée des universités. Il est clair que le baccalauréat ne remplit plus cette fonction, car il ne vous donne plus accès aux études supérieures que vous avez envie de faire indifféremment de votre baccalauréat.

Cela a été renforcé par le dispositif par lequel les lycéens choisissent leur orientation dans l’enseignement supérieur. Les élèvent de Terminale préparent depuis le 20 janvier leurs vœux d’orientation pour l’année prochaine. Ils vont ainsi devoir renvoyer des dossiers à l’issu desquels on leur dira s’ils seront admis ou non. Même dans le cas de l’université, on peut déconseiller aux élèves de faire certains choix. L’orientation post-bac, y compris dans le secteur public, ne se décide pas en fonction de l’obtention du baccalauréat et des notes obtenues lors de cet examen.  Elle se fait en fonction des résultats obtenus de la classe de Seconde jusqu’au premier trimestre de Terminale.

Le baccalauréat a-t-il encore une valeur aujourd’hui ?

Le baccalauréat garde une valeur de diplôme terminal de l’enseignement secondaire. En revanche, en tant que grade universitaire qui donne des droits d’accès à l’enseignement supérieur, le baccalauréat représente un filet de sécurité et non plus un laisser-passer.

Existe-t-il de meilleurs systèmes que celui du baccalauréat français ?

Je ne pense que les diplômes sanctionnant la fin du cursus secondaire dans d’autres pays soient meilleurs puisque nombre d’universités mettent en place des procédures de sélection. Il faut davantage interroger la valeur d’usage du baccalauréat plutôt que sa valeur absolue. Quelles sont les portes qu’ouvre le baccalauréat ? Cette question est plus importante que de se demander si le niveau monte ou baisse car cela pose la question du sens du baccalauréat. Par ailleurs, les scientifiques estiment que le niveau d’exigence en physique ou en mathématique est plus élevé qu’auparavant. 

Si nous donnions davantage de sens au baccalauréat dans sa capacité à ouvrir les portes de l’enseignement supérieur, nous redonnerions davantage de sens à l’ensemble du cursus. Certains élèves de Terminale ont pour objectif de préparer Sciences po et non pas simplement d’obtenir le bac. Peu importe la mention, ce qui compte est de réussir le concours.

Faut-il supprimer les différentes séries afin d’en finir avec la hiérarchie qui existe entre les différentes filières ?

Ce qui fait la valeur d’un baccalauréat c’est ce à quoi il vous donne accès. Si demain toutes les prépas commerciales se mettaient à recruter 70% de littéraires, je ne donne pas trois ans pour que les filières littéraires explosent. Le rééquilibrage ne peut se faire qu’à travers les débouchés. Il faut que ces derniers soient équivalents pour chaque série.

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