La place du sucre dans une alimentation saine et équilibrée<!-- --> | Atlantico.fr
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Différents types de fruits enrobés de sucre fondu sont représentés sur un marché de rue près de la rue Wang Fujing à Pékin le 7 août 2008.
Différents types de fruits enrobés de sucre fondu sont représentés sur un marché de rue près de la rue Wang Fujing à Pékin le 7 août 2008.
©OMAR TORRES / AFP

Bonnes feuilles

Louise Kahors a publié « Le sucre : cet ami qui vous veut du mal » chez Kiwi éditions. Tapi dans le moindre de nos produits alimentaires, le sucre est à la fois notre meilleur ami et notre pire ennemi. Nécessaire au bon fonctionnement de notre organisme, il est cependant consommé en bien trop grandes quantités dans nos sociétés occidentales. Extrait 2/2.

Louise Kahors

Louise Kahors

Louise Kahors est journaliste environnementale, mais depuis 2013 elle choisit de se consacrer pleinement à l’information médicale et scientifique, à la fois pour le grand public et les professionnels de santé. Elle collabore ainsi avec différentes structures, publiques et privées, toujours dans le but d’apporter des informations claires et transparentes sur tous les domaines qui touchent à la santé.

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Les sucres simples, dont le plus commun est sans doute le sucre de table, apparaissent comme néfastes pour la santé, tandis que les sucres complexes apportent différents bénéfices pour le corps. Nous consommons en moyenne trop des premiers et pas assez des seconds. Mais alors pourquoi une consommation aussi excessive des sucres simples ? Parce que les sucres simples apportent un goût sucré aux aliments dans lesquels ils sont ajoutés et que nous apprécions généralement beaucoup ce goût. Et ce dès que nous le découvrons à la naissance.

Le sucre est une substance de saveur douce, mais le sucre de table tel que nous le connaissons aujourd’hui n’a pas toujours été présent dans nos cuisines. La saveur sucrée fait partie des quatre saveurs à la base du goût  : le salé, le sucré, l’amer, l’acide. Universellement, la saveur sucrée est associée à une sensation agréable, sauf parfois en cas d’excès (la consommation rapide d’un excès de sucre peut entraîner des nausées, voire des vomissements). Le goût sucré est donc apprécié, voire recherché pour le plaisir immédiat qu’il procure.

Dans l’Antiquité, le goût sucré était puisé principalement dans le miel et dans les fruits, comme les pommes. Puis, progressivement et dans différentes zones géographiques, certains végétaux enrichis en sucres ont été utilisés pour fabriquer des sirops pour donner une saveur sucrée aux aliments :

∙ l’agave pour donner le sirop d’agave ;

∙ la betterave sucrière ;

∙ la canne à sucre ;

∙ le cocotier, dont la sève était extraite en Océanie pour produire du sirop ;

∙ l’érable pour donner du sirop d’érable et du sucre ;

∙ le palmier dattier pour obtenir, d’une part du sucre et du sirop de palmier à partir de la sève, et d’autre part du sucre et du sirop de datte à partir des fruits ;

∙ les palmiers à sucre, comme le cocotier du Chili, pour donner du sirop de palmier ;

∙ le sorgho commun à partir duquel on produit du sirop de sorgho, dont la composition est proche du sirop de glucose obtenu à partir de l’amidon de maïs ;

∙ la courge sucrière du Brésil.

Historiquement, les premières cultures sucrières se trouvaient en Asie du Sud-Est et sur les îles du Pacifique, à partir de la canne à sucre. Cette première extraction du sucre aurait débuté entre 10  000 et 6 000 ans avant J.-C. En Europe occidentale, le sucre de canne est connu, car les Égyptiens de l’Antiquité cultivaient la canne à sucre. Mais cette denrée était réservée à une élite. Le goût sucré provenait très majoritairement du miel. En Inde, la purification et la cristallisation du sucre aurait été réussie pour la première fois vers l’an 350.

Progressivement, notamment au travers de l’expansion musulmane en Asie, la canne à sucre fut importée dans les pays méditerranéens jusqu’à l’Espagne du Sud. Les Arabes seraient à l’origine des premières sucreries, raffineries et plantations sucrières. Les civilisations occidentales découvrirent le sucre de canne au Moyen Âge lors des croisades. La canne à sucre, produit exotique et rare, était initialement réservée aux apothicaires et à l’aristocratie. Elle sera utilisée comme monnaie d’échange, épice et médicament jusqu’au XVIIe siècle. Elle se trouvera également au cœur du commerce triangulaire entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique. Le sucre ne fut réellement traité comme un ingrédient culinaire qu’au XVIIIe  siècle et devint alors l’apanage des fins de repas, avec l’apparition des premiers desserts.

Au fil des siècles, se développèrent les méthodes de culture de la canne à sucre, d’extraction et de purification du sucre. Le sucre extrait de la betterave sucrière, bien connue aujourd’hui, ne connut un essor que tardivement, à partir du XIXe siècle. Il était pourtant connu depuis 1747, où un chimiste allemand avait démontré que le sucre de canne et le sucre de betterave étaient identiques, une fois raffinés (dans les deux cas, on obtient du saccharose). Le premier pain de sucre de betterave fut produit au cours du XVIIIe  siècle. Les cultures de betterave sucrière permettaient alors à la France de ne plus dépendre des importations de canne à sucre pour se fournir en sucre. En 1900, le sucre de betterave représentait plus de 50 % de la production mondiale de sucre, alors qu’actuellement, il ne représente plus que 22 % de cette même production mondiale. Les premiers morceaux de sucre blanc, si communs aujourd’hui, n’apparurent qu’en 1855. La Révolution industrielle a permis de largement démocratiser la consommation de sucre en Europe, avec une production multipliée par 1 000 entre le XVIIIe et le XIXe siècle. D’un produit rare, cher et réservé à l’élite, le sucre est devenu en quelques siècles un produit de consommation courante et il l’est encore aujourd’hui. Cette brève histoire du sucre montre que celui-ci est devenu depuis le début du XXe  siècle un produit accessible au plus grand nombre et au goût largement recherché ; une des causes sans doute de sa consommation excessive.

Pourquoi sommes-nous attirés par le sucre ? La recherche en anthropologie a montré que la saveur sucrée était reconnue par les primates et les êtres humains comme un indice de la valeur nutritive des végétaux, et associée à une sensation de plaisir. À l’inverse, la plupart des plantes toxiques ont une saveur amère, signe de danger. D’ailleurs, le premier aliment consommé par l’humain, le lait maternel, est sucré, grâce à sa teneur en lactose. Ce lactose contribuerait à la sensation positive que ressentent les nouveau-nés au moment de la tétée.

La saveur sucrée, procurée par le sucre, est reconnue par des récepteurs spécifiques situés sur la langue. Ces récepteurs permettent de différencier les sucres naturels des édulcorants. Certains animaux sont ainsi incapables de reconnaître le goût sucré des édulcorants.

Notre attrait pour le sucre débute ainsi dès la naissance, c’est une disposition innée et non pas le résultat d’une exposition aux sucres de l’alimentation. Pourtant, le goût sucré dans l’alimentation s’est imposé tardivement, après la Renaissance. Aujourd’hui, le fait qu’il procure une sensation de plaisir guide nos choix alimentaires, nous orientant instinctivement vers des aliments sucrés. Mais parfois, la recherche du plaisir pousse à en consommer de plus en plus, jusqu’à l’excès.

Nous l’avons évoqué dans les chapitres précédents, des chercheurs ont découvert que notre attraction pour le sucre est d’autant plus importante si nous sommes stressés. L’origine d’une telle observation se situe dans le cerveau. En effet, certains neurones guident nos choix alimentaires, entre aliments gras et aliments sucrés, et expliquent nos pulsions pour les aliments sucrés en cas de stress. Ces neurones réagissent au stress et, une fois activés, stimulent notre envie de sucre. Chez les rongeurs, ce mécanisme entraîne un triplement des rations sucrées par rapport aux conditions normales. Le stress active ces neurones, induisant la libération d’hormones capables de moduler nos choix alimentaires. En cas de stress, nous boudons les aliments gras, pour nous tourner vers les aliments sucrés. Ainsi, notre envie de sucre n’est pas seulement guidée par nos besoins énergétiques et métaboliques, mais aussi par une réaction à notre environnement et particulièrement au stress ; un stress qui est désormais courant dans les sociétés actuelles, tandis que les aliments sucrés sont présents en abondance et accessibles au plus grand nombre. De quoi créer les conditions favorables aux excès de sucres à répétition.

Faut-il alors se tourner vers les édulcorants ? C’est souvent le choix que font les personnes qui souhaitent se détourner des sucres naturels. L’avantage des édulcorants est de donner un goût sucré, et donc plaisant, à l’alimentation, sans apporter de calories et sans favoriser la formation de caries dentaires. Ils sont ainsi conseillés aux personnes qui cherchent à perdre du poids ou à stabiliser leur poids corporel, ou encore pour les sujets diabétiques qui doivent étroitement contrôler leurs apports en sucres. De plus, les industriels ont développé une large gamme d’édulcorants, naturels ou artificiels, disponibles sous de multiples formes, tablettes, sucres, poudre… Certains peuvent être utilisés pour la cuisson et d’autres sont utilisés pour la préparation des aliments transformés étiquetés sans sucre.

Pour autant, les édulcorants n’incitent pas à changer en profondeur nos comportements alimentaires et continuent à entretenir notre attrait pour le sucre. Une personne qui sucre tous les jours son café ou son thé avec une sucrette aura du mal à se passer d’un morceau de sucre. Au contraire, une personne qui apprend à consommer ses boissons chaudes sans sucre s’affranchit petit à petit du sucre et des édulcorants. Plus grave, comme les édulcorants ont un pouvoir sucrant généralement très élevé, les consommateurs réguliers d’édulcorants ont tendance à se tourner vers des aliments de plus en plus sucrés. Les édulcorants seraient pour certains spécialistes des aliments «  obésogènes  », c’est-à-dire favorisant des comportements alimentaires à risque élevé de surpoids et d’obésité.

Attention également aux substituts du sucre ! Souvent présentés comme des alternatives idéales au sucre, le sirop d’agave ou le sucre de coco ne sont pas des panacées. Ils représentent un apport calorique non négligeable, peuvent contribuer à l’hyperglycémie et entretiennent le goût pour le sucré.

Enfin, consommer chaque jour pendant des décennies des édulcorants est-il sans effet sur la santé  ? La question suscite un large débat dans la communauté scientifique, et ce depuis des années. Certains édulcorants, comme l’aspartame, ont fait l’objet de très nombreuses études, car nombre d’auteurs suspectaient des effets néfastes sur la santé. Jusque-là, aucun effet nocif direct d’un édulcorant sur la santé n’a pu être clairement démontré. Mais la question reste délicate, car il existe une multitude d’édulcorants, de natures chimiques très différentes. De plus, il n’est pas rare qu’une personne consomme plusieurs édulcorants différents au cours d’une même journée, voire au sein d’un même repas. Ainsi, récemment, des chercheurs ont étudié l’impact d’une association courante de deux édulcorants de synthèse, le sucralose et l’acésulfame K, consommés en faibles quantités mais sur une longue période, chez des cochons obèses. Ils ont observé des perturbations dans le métabolisme du glucose au niveau de plusieurs organes. Ces perturbations pourraient provoquer des dysfonctionnements cérébraux, proches de ceux observés chez des patients obèses. L’impact réel des édulcorants sur la santé, surtout en cas de consommation chronique sur le long terme, reste une question d’importance. Faut-il se priver du plaisir associé au goût sucré ? Ou bien faut-il se tourner vers des sucres artificiels capables de mimer la sensation de plaisir sucré ? Les données manquent encore pour trancher définitivement ces questions, bien que dans tous les cas les édulcorants ne constituent pas une solution idéale de remplacement du sucre.

Extrait du livre de Louise Kahors, « Le sucre : cet ami qui vous veut du mal », publié chez Kiwi éditions

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