La chasse aux arrêts de travail bidon, c’est bien mais si on inventait un bonus-malus sur l’assurance maladie, ça serait mieux… non ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le gouvernement veut cibler les gaspillages dans l’assurance maladie.
Le gouvernement veut cibler les gaspillages dans l’assurance maladie.
©Philippe HUGUEN / AFP

Atlantico Business

Le gouvernement veut s’attaquer aux gaspillages dans l’assurance maladie et commencer par chasser les arrêts de travail de moins de 8 jours. Il a raison mais il ferait mieux de confier la gestion du système aux assureurs. C’est leur métier.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le projet de Bercy de faire la chasse aux arrêts de maladie de convenance provoque un débat qui reflète les contradictions de l’opinion française face aux réformes. C’est même une caricature. Tout le monde, ou presque, convient que l’assurance maladie est une des poutres maîtresses de notre modèle social. Le monde entier, ou presque, nous envie la carte vitale et tout ce qui va avec. Mais tout le monde reconnaît aussi que notre système de couverture maladie est d’une telle générosité qu'il donne lieu à des gaspillages. Le gaspillage commence avec la multiplication des fausses cartes vitales, se poursuit avec des prescriptions pharmaceutiques parfois très rassurantes mais inutiles, et s’achève aussi par un abus d’arrêts maladie de courte durée, moins de 8 jours.

Tous les arrêts maladie ne sont pas justifiés par des raisons médicales. Beaucoup le sont aussi pour des raisons de convenance personnelle : fatigue, stress, ennuis familiaux, problèmes psychologiques ou désaccord avec l’employeur, avec la complicité du médecin généraliste qui diagnostique parfois un mal-être au travail plutôt qu’une véritable pathologie. Le tiers des arrêts maladie de moins de 8 jours serait bidon, pour utiliser un terme un peu vulgaire mais commun. Ces arrêts maladie ont évidemment un coût d’environ 8 milliards, et tout le monde est d’accord que dans le cadre d’une politique d’assainissement des comptes publics et sociaux, on pourrait faire la chasse aux gaspillages.

Tout le monde le sait, mais dès qu’un ministre, appuyé ou pas par la Cour des comptes, s’avise de mettre un peu d’ordre, il doit affronter une bronca venant de tous les horizons politiques parce que l’opinion ne supporte pas d’être soupçonnée ainsi de fraude. Le corps politique défend sa base électorale, les lobbies médicaux ou pharmaceutiques défendent leurs intérêts, et le ministre se retrouve bien seul. Sauf s’il est suicidaire, il remettra le dossier à plus tard sous le prétexte que la situation politique ne s’y prête pas… mais elle ne s’y prête jamais, et par conséquent, d’année en année, on cumule les dépenses sociales et les déficits.

Ce qui n’empêchera pas les mêmes responsables politiques de continuer a ne pas savoir gérer les affaires de l’État. L’assurance maladie est un gouffre et c’est normal, parce que la population vieillit donc elle a besoin de soins. La médecine fait d’énormes progrès scientifiques mais coûte de plus en plus cher. Mais c’est plutôt un progrès que de tout faire pour prolonger l’espérance de vie en bonne santé. Personne ne s’en plaint. Sauf que si l’assurance maladie est un gouffre, la sécurité sociale qui veille à son financement est un « trou ». Pour financer l’assurance maladie et son évolution, il y a trois solutions :

  1. On réduit les dépenses de santé, mais on se prive des bénéfices du progrès et on se met à dos l’opinion publique.
  2. On laisse les dépenses suivre l’évolution de la demande et on augmente les taxes, les impôts ou les charges sociales, mais on se met là encore les contribuables à dos.
  3. De guerre lasse, on essaie de raboter ici et là mais en définitive, on accepte le déficit.

Quand on chasse les gaspillages au niveau des arrêts de travail, on a raison, mais on n’est pas sûr que le logiciel de santé puisse trier les vrais arrêts de travail des faux.

L’idée qui circule dans les milieux mutualistes ou assuranciels, idée conçue à l’origine par quelques économistes de la santé, reviendrait à instaurer un bonus/malus sur l’assurance santé comme il existe au niveau de l’assurance automobile.

Premier point : les économistes libéraux (il en reste quelques-uns) savent que nos sociétés ne devraient fonctionner que dans le respect des valeurs de liberté et de responsabilité individuelle. Actuellement, nos sociétés fonctionnent plus sur la contrainte que sur l’adhésion. Elles sont punitives. La mise en place d’un système d’incitation serait évidemment plus efficace qu’une série de contraintes. Notre système de santé fonctionne sur la satisfaction d’un certain nombre de droits. L’opinion pense que nous avons un droit à la santé et que c’est à l’État de le satisfaire. C’est une erreur, nous pouvons penser avoir le droit à la santé, à condition qu’on accepte de respecter un devoir individuel de prévention.

Deuxième point : le système d’assurance maladie qui est garanti par l’État ne prédispose pas à la prévention individuelle parce que l’assuré n’y trouve pas un intérêt immédiat. D’où l’idée de créer un bonus/malus appliqué à chaque assuré. Comme dans l’assurance automobile : cette assurance est obligatoire, mais si l’assuré conduit bien, sans faute ni excès, il bénéficie d’un bonus sur la prime qui peut aller jusqu’à 50 %. S’il se conduit mal, il est pénalisé par un malus. Alors bien sûr, il y a des tricheurs, il y en a qui conduisent sans assurance et même sans permis, mais ce n’est pas la norme. Dans la santé, le bonus/malus inciterait l’assuré à protéger sa santé, avec des comportements sains : ne pas fumer, ne pas boire, faire du sport et se faire checker périodiquement de façon à caler objectivement les bonus/malus. Se surveiller en toute responsabilité pour limiter les risques que l’on connaît (cancers, maladies cardio-vasculaires, etc.). Actuellement, la médecine est parfaitement capable de nous dire qu’il y a une explosion des cancers de la peau (mélanomes) imputable à une exposition excessive au soleil, les médecins savent les méfaits du tabac, de l’alcool, de l’obésité, etc. Alors, la vie est très injuste, on connaît tous, des malades gravement attient qui ont mené une vie exemplaire et monacale, mais ce sont les exceptions de la nature. L’inverse aussi est vrai, on connaît des centenaires en bonne santé alors qu’ils n’ont pas commis de débordements dans leur façon de vivre, mais là encore ce sont des exceptions.

Le problème c’est que l’opinion aura du mal à accepter que le fumeur ou l’alcoolique soit pénalisé au niveau de sa prime d’assurance… et pourtant, ça relève de sa responsabilité. Dans le système actuel (trop cher), l’assuré qui veille à sa santé, qui ne fume pas et boit avec modération paie une prime qui va couvrir aussi les risques pris par son voisin qui lui vit sans se protéger. Ce n’est ni juste, ni équitable.

À noter que l’arrivée des mutuelles complémentaires pour soulager l’assurance maladie a commencé à s’inscrire dans cette logique de responsabilisation individuelle. La mutuelle agit à deux niveaux :

D’une part au niveau des assurés, elle cale le montant de la prime sur les risques courus. C’est une négociation avec l’entreprise et les représentants du personnel qui revient à attribuer des bonus/malus.

D’autre part, au niveau des prestataires de santé, que la mutuelle recommande parce qu’elle en mesure le rapport qualité/prix et fait jouer la concurrence. Aujourd’hui, l’adhésion à une complémentaire est obligatoire depuis plus de dix ans et très honnêtement personne ne s’en plaint.

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