L’angoisse des crèches : quand la séparation de l’Église et de l’État tourne à la séparation de l’identité nationale et de l’État<!-- --> | Atlantico.fr
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Noël approche et les crèches commencent à apparaître, au grand dam de certains.
Noël approche et les crèches commencent à apparaître, au grand dam de certains.
©Reuters

Laïcité totalitaire

La décision du conseil général de Vendée de supprimer la crèche présente dans ses locaux est un mélange étonnant de bêtise et de violence. Que les fonctionnaires ne soient pas des prêtres relève de la laïcité. Qu’un pays ait une culture religieuse n’en relève pas et ne le regarde pas. En voulant faire penser comme il faut, la laïcité n’est plus laïque mais totalitaire.

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

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Retirer la crèche des mairies veut dire que les responsables politiques de cette mesure ont décidé d’être contre le rêve des enfants, contre le folklore et l’imaginaire de la culture française et européenne et contre la lumière au cœur de la nuit, la vie au cœur de la mort, la tendresse au cœur de la brutalité et  l’espoir au cœur du désespoir.

Outre l’insigne bêtise, la stupéfiante inculture et la brutalité d’une telle décision, il y a sa violence. Pour ne voir dans une crèche qu’un objet idéologique intrusif il fait avoir l’idée de faire penser comme il faut et, pour cela,  de s’attaquer à la mémoire inconsciente et, derrière elle, à l’être même des êtres humains, supprimer la mémoire revenant à supprimer l’être de quelqu’un.

Autrement dit, il faut avoir comme objectif un projet proprement révisionniste consistant à faire comme si. Comme si la crèche n’était pas un objet de rêve pour les enfants. Comme si elle n’était pas un élément du folklore français et européen. Comme si elle n’était pas un symbole utile pour tous. Bref, comme si elle était une manœuvre idéologique ourdie par une forme de Daech chrétien et non une crèche. 

L’Europe a refusé d’inscrire les racines chrétiennes dans sa Constitution. Il est question de ne plus parler de vacances de Noël mais de vacances d’hiver ni de vacances de Pâques mais de vacances de Printemps. Et si, pour gagner du temps, on supprimait carrément Noël ? On serait sûr d’avoir rompu avec la mémoire religieuse de la France et d’être vraiment laïc. Dans certaines écoles, le sapin de Noël a déjà été supprimé, histoire de ne pas gêner les petits musulmans.

Je propose qu’on supprime toute guirlande, toute boule, toute étoile, tout Père Noël dans la rue, l’arbre de Noël de l’Élysée, les repas de Noël pour les personnes seules et pour finir le mois de Décembre qui peut potentiellement rappeler Noël. Il est question d’interdire aux petites filles de jouer à la poupée et aux petits garçons de jouer aux petites voitures, histoire d’installer l’égalité des genres.  Interdisons non seulement les poupées mais tout landau avec un bébé dedans, celui-ci pouvant faire penser au petit Jésus.

Et profitons en pour en finit avec les ours en peluche pouvant faire penser aux landaus et donc au petit Jésus.   Les puritains de l’ère victorienne mettaient des jupons aux pianos pour que l’on n’ait pas pensée licencieuse en regardant les pieds écartés de ceux-ci. Cette façon de veiller à ce que l’on n’ait aucune pensée religieuse y ressemble fort. Comme cela ressemble fort en même temps au bon vieux temps du stalinisme qui, lui aussi, s’occupant de faire bien penser en s’attaquant à tous les symboles religieux.

La laïcité signifie la séparation de l’Église et de l’État, non de la religion et de la culture. Que les fonctionnaires ne soient pas des prêtres relève de la laïcité. Qu’un pays ait une culture religieuse n’en relève pas et ne la regarde pas.En voulant faire penser comme il faut, la laïcité n’est plus laïque mais totalitaire. On ne peut pas, comme le dit l’International, « du passé faire table rase ».

Quand on veut le faire, il n’y a qu’une seule manière d’y parvenir : faire ce qu’ont fait la Terreur sous la Révolution Française,  Staline, Mao et Pol Pot : tuer tout ce qui incarne le passé. Supprimer une crèche d’une mairie, ce n’est certes pas encore mettre en marche la guillotine. Mais, c’est déjà s’attaquer à la mémoire  et au passé. La laïcité qui protège contre la dictature religieuse est précieuse. À condition de ne pas devenir elle-même une dictature.

Je propose pour cela trois mesures. D’abord, que la laïcité se calme et que les mauvaises pensées ne tiennent pas lieu de pensée, s’en prendre aux crèches pour défendre la laïcité étant pitoyable. Ensuite, que l’on sépare l’État de l’athéisme et non pas simplement l’Église de l’État, éradiquer la mémoire religieuse d’un pays comme la France revenant à imposer l’athéisme et à enfreindre de ce fait la neutralité laïque. Enfin, qu’on ne perde pas tout humour et toute poésie en cette veille de fête, en transformant une crèche en une affaire d’État.

De grâce qu’on laisse les enfants s’émerveiller en paix sans allumer une guerre idéologique en ajoutant de la brutalité à un monde qui en contient déjà tellement.

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